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Arrivé à la moitié de l'escalier, Abel s'arrêta subitement, se retourna vers ses compagnons et s'exclama :

- Mais comment on va faire pour passer ? Je veux dire, on ne nous laissera jamais votre Jasmine sans raison.

- Super Abel, je vois que tu es vraiment très organisé, fit remarquer Judy en soupirant.

- Il faut vivre dans l'instant, ma chère !

- J'ai une idée, interrompit Asha.

Tous se tournèrent vers lui sans dire un mot, quelque peu surpris par l'annonce de l'androïde.

- Nous t'écoutons, affirma Abel.

- À l'Institut, on met à jour les A.S.H.A, mais on s'occupe aussi des problèmes techniques, non ?

- Je suppose, répondit le scientifique. Où veux-tu en venir ?

- Je suis un A.S.H.A, du moins j'en ai été un, je sais comment agir comme tel. Je n'ai qu'à faire en sorte d'être un peu détraqué, et on invente un numéro de série qui serait assez avancé.

- Ce n'est pas une mauvaise idée, affirma Abel. Mais c'est un peu bizarre que trois personnes viennent pour leur A.S.H.A. Et puis, franchement, on n'a pas vraiment air de faire partie de la même famille... Ajouta Abel en appuyant son regard sur Judy, qui était vraiment beaucoup, beaucoup plus pâle.

- Eh bien... Suggéra Asha. On a qu'à dire que Judy et Aimé sont de jeunes fiancés, et que toi, Abel, tu serais le cousin éloigné d'Aimé.

Judy ne put s'empêcher d'éclater de rire, et Aimé sembla outré, tandis qu'Abel s'amusait de la réaction du prétendu couple.

- Pourquoi pas ? Mais il ne faudrait pas qu'ils commencent à fouiller les dossiers pour vérifier que Tanja et Clayton sont bien supposés être ensemble. C'est un risque à prendre, mais je ne vois pas de meilleure solution.

- C'est répugnant, protesta Judy, hors de question que je montre un seul signe d'affection envers ce type.

- Tu crois que j'en ai envie moi ? S'indigna Aimé.

- Oh, les gamins, c'est juste pour entrer, l'histoire de quelques minutes. Vous n'avez pas douze ans, si ?

Les deux concernés firent la moue, mais acceptèrent le plan.

Asha regardait autour de lui, et vit que les regards suspicieux des passants commençaient à devenir plutôt lourds, et il expliqua aux autres qu'il faudrait se dépêcher.

- Tu as raison, annonça Abel. Bon, tu sais comment agir ?

Asha se concentra, rassemblant tous ses souvenirs de lorsqu'il agissait encore comme un robot, inconscient de sa vraie nature. Il ne lui était jamais arrivé d'être défaillant, mais il se mouvait de façon saccadée et peu naturelle, parlait d'un ton très neutre. Il lui suffirait de se répéter dans ses paroles et ses mouvements pour paraître cassé.

Il décida de s'y tester tout de suite pour répondre à Abel.

- J-je pense pense que ça fe-fera l'affaire-aire, dit-il en se tenant bien droit, en ne bougeant que sa mâchoire.

- Très convainquant, conclut Abel. Bien, allons-y, je compte sur vous !

Et ils continuèrent leur ascension vers le divin Institut, l'appréhension montant au fur et à mesure des marches gravies.

Ils passèrent la porte coulissante et se trouvèrent dans le hall tout aussi blanc que le reste, identique au souvenir d'Asha, troublant. Celui-ci tenta de ne rien faire paraître de ses doutes et suivit d'un pas robotique ses trois acolytes.

En un instant, ils furent devant l'accueil, ou une jeune femme rousse tapait frénétiquement sur les touches holographiques de son clavier. Au bout de quelques secondes, elle remarqua la présence des quatre individus. Elle leva un sourcil en les voyant, quelque peu étonnée, mais ne se posa pas de questions et avança d'un ton sans fantaisie :

- Bonjour, que puis-je faire pour vous ?

Aimé posa son avant bras sur le comptoir blanc, poing fermé, et avança le haut de son corps vers la jeune femme.

- Oui, vous pouvez ! Cela fait trois jours qu'on se trimballe ce foutu A.S.H.A incapable de faire quoique ce soit !

- C'est un modèle d'assistance ?

- Évidemment que c'en est un ! S'énerva Aimé. Mais il est pas foutu de nous assister ! Regardez-le !

- J-je suis suis. Désolé-é de n-ne pas vous être-tre u-utile, j-je fai-fais pourtant d-de mon... S'excusa Asha en faisant bouger nerveusement son épaule sur le haut, comme si c'était automatique.

- Oh, tais-toi, on a compris que t'es devenu un incapable ! S'écria Aimé.

- Je conçois que vous soyez énervé, mais s'il vous plaît, ne criez pas dans l'Institut, monsieur, demanda l'hôtesse.

- Je ne crie pas ! Cria Aimé.

- Excusez l'impolitesse de mon fiancé, annonça Judy en se rapprochant du jeune homme, mais il est vrai que l'état de notre A.S.H.A est très agaçant... Serait-il possible de le réparer au plus vite ?

- Bien sûr, madame. Je contacte un ingénieur tout de suite. À moins que vous ne connaissiez le nom de celui qui s'était chargé de sa mise à jour. C'était ici ?

- Oui, affirma Judy. C'est le docteur Kresser qui s'en était occupé.

- Merci, répondit poliment l'inconnue. Je l'appelle. Désolée que vous deviez faire face à ce problème plus longtemps.

Elle contacta le docteur via son ordinateur, et ne répondit à la conversation par de simples "Oui." ou des "Tout de suite.". Aimé commença à taper du pied, signalant son impatience.

- Veuillez m'excuser du contretemps. Avant de vous laisser partir, il faut que je scanne vos implants, simple mesure administrative.

- Pas de problème, lança Judy, cachant son stress du mieux qu'elle pouvait.

La jeune femme passa le même appareil que les officiers près des tempes de Judy, d'Aimé et d'Abel, laissant Asha tranquille.

- Merci, vous pouvez avancer dans le couloir, c'est au troisième étage, porte numéro 37.

Soulagés, les quatre intrus n'attendirent pas qu'elle ne leur dise deux fois, et se hâtèrent vers le couloir de gauche. Ils entrèrent dans un grand ascenseur vide et ce n'est qu'une fois les portes fermées qu'ils soufflèrent un coup, évacuant toute la pression accumulée.

- On a eu de chance, elle n'a rien vérifié concernant Asha, déclara Abel alors que l'ascenseur montait. Félicitations, surtout toi Aimé, magnifique jeu d'acteur, très ressemblant au vrai toi, en fait.

- C'est bon... Grogna le concerné.

- Et Judy, quelle diplomatie exemplaire ! Je suis fier de vous, de toi aussi, Asha, ajouta-t-il.

Personne ne répondit, l'ascenseur s'étant déjà arrêté et ouvrant ses portes sur le couloir blanc du troisième étage. Asha n'osa pas s'avancer pendant un court instant, mais ce rendit compte que c'est ici que tout avait commencé, ici que son humanité avait fait soudainement surface, ici qu'il s'était trouvé une vraie identité.

C'est donc d'un pas courageux et assuré qu'il marcha jusqu'à la même porte qu'autrefois, ne se souvenant même plus exactement de quand cela datait. Il appuya sur la sonnette, ses trois amis se plaçant derrière lui, et attendit que la porte s'ouvre.

Cela arriva quelques secondes plus tard, et Asha reconnut tout de suite Jasmine. Le même chignon désordonné, les mêmes lunettes, les mêmes yeux marron qui inspiraient la confiance.

- Bonjour, c'est pour... Commença-t-elle avec bienveillance.

Cependant, son expression faciale se transforma et ce n'était pas vraiment la même que la dernière fois

- Quoi !?

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant