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Asha ne se plierait pour rien au monde aux volontés du prince Aimé. C'est pour cela qu'au lieu de "dégager", il s'assit sur son matelas, ne laissant sortir aucun mot de sa bouche.

- Tu lui as volé ses lattes de lit, au robot, alors il reste ici.

Asha n'entendit pas ce que grommelait Aimé. Mais il s'en fichait. Il préféra lui demander :

- C'est quoi, ce que t'as dans les mains ?

Aimé sembla exaspéré, mais lui répondit à contrecœur.

- C'est un violon, imbécile. Et son archet.

- Comment tu l'as...

- Obtenu ? Ma mère. Elle m'a apprit a jouer aussi.

En cet instant, Asha fut prit de l'irrésistible envie d'en demander plus. Sur son histoire. Mais il se doutait déjà qu'Aimé ne la lui raconterait pas.

- Dans les livres que j'ai lu, il était parfois question de violons. Je ne savais pas que c'était ça. C'est beau. Ce que tu as joué aussi, c'était beau. C'est la première fois que j'entends de la musique...

- Content pour toi. Par contre t'es bien gentil, mais tu débarques à une heure super tardive, alors tu vas me faire le plaisir de dormir tout de suite. Et tiens, avant que tu commences à frissonner comme hier.

Aimé jeta sa couverture et Asha l'attrapa au vol comme il put.

Mais s'endormir tout de suite aurait été trop simple.

- Aimé, pourquoi tu m'aimes pas ?

- J'aime personne, tronche d'acier.

Asha se retint de rire face à l'appellation ridicule.

- Non mais, tu m'aimes encore moins que les autres. Les autres t'as rien contre eux.

- T'es un A.S.H.A. C'est un argument qui se suffit à lui-même. Je peux pas aimer un robot. Un truc qui ne ressent rien. Je dois avouer que tu joues très bien la comédie. Bravo. Maintenant dors, enfin mets toi en veille, je sais pas.

Asha ne fut pas satisfait de la réponse. Il ferma les yeux. Pour les rouvrir quelques instants plus tard.

- Aimé, je ne suis pas comme ces brutes que tu as pu voir plus bas, commença Asha en chuchotant. J'ai été, à un moment donné, un truc en métal, oui. Juste conscient de lui-même. Ou d'elle-même. C'était un peu flou. Mon... Propriétaire voulait m'utiliser à des fins... Fort peu convenables. Il voulait que je devienne, lors de ma mise à jour alpha, un genre de stéréotype féminin, qui puisse être agréable à regarder, on va dire. Je ne voulais pas... George était odieux avec moi. Il m'insultait, me frappait parfois, alors si en plus je devais subir... Ça... Je suis devenu Asha, il s'est mis en colère. J'ai fui. Je me suis retrouvé, eh bien, là où tu m'as trouvé.

- Pourquoi tu saignais ? Demanda simplement son interlocuteur, silencieux jusqu'alors.

- C'est George, je... Il était ivre, je venais de trouver une arme à feu dans son coffre fort. Je n'ai écouté que la haine accumulée pour lui... Et j'ai tiré, après qu'il m'ait planté un couteau. Et à ce moment là, tout est allé très vite. Je devais juste fuir. J'ai foncé vers la Surface en étant conscient des faibles chances de survie. Tu m'as sauvé, je t'en suis reconnaissant.

Aimé ne répondit pas. Asha fixait le plafond, et il sentit une larme couler le long de sa joue, pour atterrir dans son cou.

- Je suis désolé, Aimé, pour la haine que tu voue aux A.S.H.A. Mais ça m'énerve que tu me ranges au même niveau que ces trucs. Alors voilà, je t'ai déballé ma misérable vie, et effectivement, je suis pas innocent. Mais je n'ai suivi qu'un instinct, un instinct de survie. C'est dans ce genre de moments que je me suis senti plus humain. Et j'ose croire que je peux l'être. Alors s'il te plaît, plutôt que de me détester pour ce que je suis supposé être, déteste moi pour ce que je suis réellement.

Silence. Asha essuya les quelques larme qui s'étaient échappées et ferma de nouveau les yeux.

- Je préfère avoir le dernier mot, alors je vais juste te dire de la fermer parce que je suis crevé.

Il murmura ensuite un "bonne nuit" presque inaudible et s'endormit. Asha en fit de même, souhaitant plus que jamais découvrir ce qui pouvait autant répugner Aimé au sujet des A.S.H.A, hormis évidemment le fait qu'ils peuvent être des tueurs sanguinaires.

Le lendemain, Asha fut réveillé par des cris de détresse. Il reconnut difficilement la voix de Kalypso. Elle répétait incessamment :

- Toilettes, toilettes, toilettes !

Il entendit ses pas frapper le sol dans le couloir et une porte se claqua. Quelques secondes plus tard, c'est la voix bien plus grave et teintée d'inquiétude de Gaëtran qui se fit entendre :

- Ça va, mon poussin ?

- Non ! Hurla Kalypso de l'autre bout du couloir.

Asha finit par se lever, entendit un grognement d'Aimé qui se retourna dans son lit et il finit par sortir.

- Qu'y a-t-il ? Demanda Asha.

- Ça fait trois jours que Kal s'en va vomir de bon matin, lui répondit l'ancien major.

Kalypso, le teint pâle, revint rapidement vers Gaëtran.

- J'ai faim, se plaignit-elle. J'ai envie de manger, et autre chose que le pain dégueu...

Cela fit soupirer Gaëtran.

- Mais qu'est-ce qui t'arrives, bon sang ?

Abel arriva, le sourire aux lèvres.

- Haha ! Si vous saviez ! Moi je dis juste que vous ferez de très bons parents, à mon humble avis. Mais bon, il va subir une sacrée discipline, votre rejeton.

Abel continua son chemin comme si de rien n'était, entrant dans la salle commune.

Asha, qui n'avait rien compris à la scène, eut la chance de voir le visage des deux tourtereaux changer d'expression à une vitesse incroyable, jusqu'à sauter de joie. Avant même qu'on ne lui explique quoique ce soit, Kalypso se jeta dans les bras de Gaëtran et l'embrassa sans retenue, devant les yeux de tous ceux qui avaient été réveillés. La majeure partie d'entre eux abordaient une grimace de dégoût et les autres applaudissaient. Asha ne savait pas quel camp choisir.

Derrière lui, il entendit Aimé qui se levait, grommelant comme à son habitude une suite de mots incompréhensible.

- J'ai raté un truc, finit-il par articuler.

Après une longue inspiration, Kalypso s'exlclama, les larmes aux yeux :

- Je suis enceinte !

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant