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Abel et Aimé avaient reprit leur route, en marchant cette fois. Aimé soufflait déjà, lassé de devoir une fois de plus traverser d'innombrables rues plus désertes les unes que les autres.

- Pourquoi il n'y a personne ? Demanda-t-il.

- Oh, si je le savais Aimé, je ne t'aurais quand même pas répondu.

Aimé eut un rire nerveux en entendant la réponse.

- Attends, mais t'es vraiment un gamin en fait ! S'écria-t-il. Je t'ai posé une question poliment, ce qui demande un extrême effort de ma part et toi tu fais le con.

- Je m'abaisse à ton niveau, se justifia Abel. 

Aimé s'apprêtait à rétorquer, mais Abel lui fit signe de se taire en levant la main vers lui. 

- Tu ne penses pas que le Vice Président serait dans la tour la plus haute, là bas ? 

Aimé se contenta de hausser les épaules. 

- Tu vois, tu ne fais pas mieux que moi, observa Abel en ricanant lorsqu'il vit l'air boudeur de son binôme.

Aimé râla mais suivit le scientifique vers la tour. 

- Mais tu n'étais pas dans les Arbres toi avant ? Pourquoi tu n'y connais rien ? Demanda Aimé d'une petite voix.

- Oh, si, mais je n'étais jamais sorti de mon Institut. Je n'y connais rien, je ne savais même pas qu'il y avait un Président. 

Aime fut satisfait de sa réponse et plongea de nouveau dans le mutisme. Il se dit qu'après Asha, Abel restait celui avec qui il était le plus proche. Ça ne voulait pas dire qu'ils étaient amis, non, mais juste qu'au moins, il avait parfois des discussions avec lui... Parfois. 

Aimé songea à Asha. Il avait toujours peur que celui ci ne réponde jamais à sa courte déclaration. Il commençait d'ailleurs à regretter celle-ci. Il s'était promis de ne plus s'attacher à personne, et jusque là il avait bien réussi. Quand on s'attache, on finit toujours par lâcher, peu importe la façon de se séparer. Et c'était douloureux, et Aimé estimait avoir assez souffert comme ça. Et puis bon, même enfant, il n'était pas très bavard... En fait, il ne regrettait pas d'être comme ça, il s'en voulait juste à lui même pour s'être amouraché de ce stupide robot. Un robot, comme l'assassin de ses parents. Enfin, pas tout à fait le même. Et pas tout à fait un robot. 

Ses pensées devenaient trop confuses et il les balaya d'un coup de tête, soupirant en se souvenant qu'il lui serait impossible d'oublier ce maudit Asha. Celui avec qui il oubliait sa méchanceté, celui qui le rendait serein, celui qui lui faisait oublier l'horreur qu'il avait vécue. Décidément, Asha aura un jour raison de lui.

Il trottina un peu pour rattraper Abel qui se fichait éperdument de perdre son binôme, apparemment. Aimé soupçonna même que ça l'arrangeait. 

- Nous y sommes presque, apparemment, déclara-t-il. 

En effet, le bas de la tour ne se trouvait qu'à quelques mètres droit devant eux. 

- Ça ne semble même pas être surveillé... C'est louche, remarqua Abel. 

Aimé ne dit rien, préférant suivre en silence le scientifique. Tout ce qu'il voulait, c'était d'abord retrouver Asha. Il espérait que ce dernier ne tarderait pas,  car il se sentait incapable de ne pas se disputer avec Abel. 

Asha, d'ailleurs, était bien loin de rejoindre ses amis, car lui et Judy ne s'était pas encore doutés qu'il fallait rejoindre la grande tour, et marchait dans la direction opposée depuis une heure. 

- Judy, la première fois que tu m'as adressé la parole, tu sifflais beaucoup pour prononcer les "s", et je ne l'entends plus souvent maintenant, pourquoi cela ? 

La jeune femme lui sourit, rayonnante, et lui expliqua :

- Je ne sais pas vraiment, j'aime bien le faire avec des inconnus, ça a toujours son petit effet. Mais en vérité, je sais parfaitement me retenir de siffler, contrairement à quand j'étais petite. Jody se moquait de moi car je le faisais tout le temps ! Ça m'arrive encore quand je m'énerve ou que j'ai peur, donc plus très souvent. 

- Oh je vois, affirma Asha en baissant le regard vers le sol bétonné sur lequel il marchait. Tu me semble très proche de ton frère, je me trompe ? Demanda-t-il en levant le regard vers les pupilles reptiliennes de Judy. 

- Ah, Jody... C'est mon frère jumeau ! Je l'aime plus que tout, j'ai toujours eu un genre de connexion avec lui. On ressent un peu les mêmes émotions, et je sens quand il est en danger... Mais je crains que l'amour que je lui voue ne soit pas réciproque, ou alors il ne le montre pas.

Elle soupira et réfléchit un instant.

- Quand nous étions petits et que nous devions fuir, Jody était assez faible. Il tombait souvent malade, et maman disait que c'était sûrement à cause des modifications génétiques. Alors je l'ai toujours protégé. Chaque difficulté que nous rencontrions, je les surmontais seule pour lui. Le soucis, c'est que j'ai continué à faire ça même après qu'il soit devenu plus fort. Tu crois qu'il m'en veut pour ça ? Qu'il pense que je lui fais de l'ombre ? 

Asha paniqua légèrement alors que Judy parlait de plus en plus vite, listant d'éventuelles erreurs qui auraient pu la rendre détestable auprès de son frère.

- Hé ! L'arrêta Asha. Je pense que tu t'en fais trop. Tu as juste pris ton rôle de sœur très à cœur, je suppose. Et puis, maintenant que tu n'es plus à ses côtés, il va pouvoir profiter de son indépendance et tu verras qu'à vos retrouvailles, il sera heureux de te revoir. Et puis, tu réaliseras qu'il est grand, qu'il sait se débrouiller et vos relations s'amélioreront !

Judy s'arrêta, regarda Asha en plissant les yeux et peu après, afficha un grand sourire.

- T'as trop raison ! Je n'ai pas à m'en faire, c'est vrai. Je lui ai appris à se défendre et même s'il n'est pas bavard, il s'en sortira sans moi, déclara fièrement Judy.

Elle sourit de plus belle et remercia Asha de l'avoir éclairée. Elle l'aimait vraiment bien. Il était si empathique, si gentil et raisonné, attentionné.

- Au fait, continua Judy timidement. Puisque que tu m'as aidé à réaliser tout ça, je vais te dire un secret. Mais tu ne le dis à personne hein ! S'exclama-t-elle.

Asha le lui promis, curieux et amusé à la fois.

- Je ne m'appelle pas Judy. Je me suis fait appeler comme ça car je pensais que ça me rapprocherait de Jody. Et puis, je voulais beaucoup m'identifier à lui... Établir un lien via nos prénoms... Cependant il n'avait jamais été enthousiaste à ce propos. En vérité, je m'appelle Rosamonde... Oh non, tu ne te moques pas ! Protesta la jeune femme en voyant le sourire d'Asha s'agrandir. Je sais que c'est ringard !

- Je ne trouve pas que ça l'est moi ! C'est très joli, confirma Asha.

Judy fit mine de bouder un instant mais son visage s'illumina rapidement.

- Merci ! Mais bon, je préfère que tu m'appelles Judy, et vraiment, ne dis ça a personne !

- Promis, Jura Asha.

Elle lui tendit une main qu'il serra. En regardant vers le ciel uniformément bleu, il remarqua que derrière eux, une tour plus haute que les hautes perçait les cieux. Elle semblait plus moderne, plus luxueuse.

- Dis, Judy, tu ne penses pas que c'est vers cette tour qu'on doit aller ?

Judy fixa la fameuse tour et prit un air contrarié.

- Ah, tu as surement raison... Mince, on marche à l'opposé depuis un moment ! Abel et Aimé doivent certainement nous attendre.

Asha s'imaginait déjà les deux hommes en train de se disputer sous l'impatience et s'en amusa.

- Nous ferions mieux de nous dépêcher alors, déclara Asha avec une certaine motivation.

Et une fois de plus, il avançait vers un nouveau mystère à élucider, sans savoir ce que celui ci lui réserverait.

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant