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Pendant plusieurs jours après les funérailles, plus rien ne se passa. Personne ne parlait réellement et Kalypso s'était enfermée dans sa chambre, refusant l'aide de quiconque voudrait lui parler. 

Asha, quant à lui, passait la journée dans sa chambre à dévorer ses livres. Il venait de commencer L'Écume des Jours et il adorait ce qu'il lisait. 

Lorsqu'on vint frapper à sa porte, il sursauta. 

- Euh... Entrez ? 

La porte grinça légèrement alors qu'elle fut ouverte très lentement. Asha reconnut Thomas qui passa rapidement, prenant soin de refermer la porte avec douceur. 

- Salut Asha, je ne te dérange pas ? 

- Non, je viens de commencer ce livre. 

Thomas jeta un coup d'oeil au fameux livre et ne put s'empêcher de sourire. 

- Commencer ? Tu es à plus de la moitié !

- Oh, en effet. Je ne me rends plus compte du temps qui passe quand je lis. Ou alors je lis très vite. Ou les deux. 

- Je vois, répondit Thomas en s'asseyant à côté d'Asha. 

Le matelas était par terre, étant donné qu'il manquait au lit des lattes. Thomas faillit tomber en essayant de s'y asseoir, mais finit par y arriver. 

- Je n'ai jamais vraiment aimé lire. Je sais que c'est un tort, mais... 

- Tu fais quoi de tes journées, alors ? Parce que si je n'avais pas mes livres, moi je ne sais pas ce que je ferai !

- Oh, je vais voir un peu tout le monde, je discute. 

- Tu ne passes jamais de temps seul ? demanda Asha, étonné. 

- Si, mais je... Je ne fais rien de spécial... 

Cela se voyait que Thomas mentait. Cela fit doucement sourire Asha. 

- Qu'est-ce que t'essayes de cacher ? 

Thomas regarda Asha dans les yeux et s'avoua vaincu. 

- Je... Dessine. 

Le sourire d'Asha s'agrandit. 

- Oh, mais c'est super ! Il faudra que tu me montres !

- Euh... Oui... Un jour peut-être, hésita Thomas. 

Un léger silence s'ensuivit, loin d'être déplaisant. 

- Je trouve que tu as énormément changé en peu de temps, Asha, commença Thomas d'une voix apaisée. 

- Comment ça ? 

- Ce n'est pas un reproche, au contraire. C'est juste que... La première fois qu'on s'est vu tu galérais à tenir debout et t'avais du mal à aligner deux mots ! Un vrai enfant. C'était assez mignon à voir.

L'anecdote fit sourire les deux individus. 

- Et maintenant tu nous sors des discours incroyables. Tu parlais si bien, et tu étais tellement... Mature et... Humain ? On dirait bien que tu deviens quelqu'un, Asha. 

L'intéressé fut assez gêné. 

- C'est la première fois que l'on me... Complimente ? Merci, Thomas. Je pense que... J'assimile mon environnement, j'apprends beaucoup et j'utilise ce que je sais. Alors ça me fait sûrement grandir, je suppose, oui. 

Un nouveau silence. Asha regarda son livre et quelque chose lui vint en tête. 

- Cependant, il me manque quelque chose. Et je ne sais pas si je suis capable de le ressentir... Je ne suis pas vraiment humain, après tout... 

- Qu'est-ce que c'est ?

Asha ne répondit pas tout de suite, il avait peur de passer pour un idiot. 

- L'amour, déclara-t-il. 

Thomas ne sut pas quoi répondre. Il paraissait aussi embarrassé qu'Asha. 

- Ou même la haine, ce sont des choses propres à l'être humain. Et dans ce livre... (il fit tourner rapidement les pages) Dans ce livre l'amour est omniprésent ! Et ça parait si... Facile ! Colin est tombé amoureux de Chloé en un rien de temps et ils semblent si heureux... Pareil pour Chick et Alise, c'est tombé, comme ça. 

Il marqua une petite pause. 

- Ça fait quoi ? L'amour je veux dire, le ressentir. Tu as déjà été amoureux, Thomas ? 

Asha regarda Thomas droit dans les yeux. Sa question semblait l'avoir fortement déstabilisé. De plus, ses joues avaient pris un léger teint rosé. 

- Oui, oui je le s... Je l'ai été. Et sinon.. Les symptômes sont assez nombreux et dépendent de chacun. Mais je sais qu'en général... Ton cœur se met à battre plus vite. Tu ne te contrôles plus vraiment, tu peux faire ou dire un peu n'importe quoi, enfin, t'emballer devant la personne en question. 

Thomas n'était plus vraiment à l'aise et changeait sans cesse de position sur le matelas. 

- Et puis cette personne, tu penses sans arrêt à elle, elle t'obsède. Jours et nuits tu te demandes si elle t'aime en retour, si quelque chose est possible... Tu veux la voir et en même temps éviter son regard. Mais tu veux aussi te rapprocher d'elle, lui prendre la main, l'embrasser... 

Asha vit que Thomas s'était rapproché de lui entre deux paroles. 

- Tu peux facilement trembler et paniquer, être mal à l'aise, rougir... Tant de choses à la fois !

Asha vit aussi que les mains de Thomas s'étaient mises à trembler. Sa respiration était d'ailleurs assez irrégulière. 

- Thomas... C'est ton état que tu me décris, là. 

- Ah ? Euuuh, peut-être.

Asha n'osait rien dire. Mais il se lança tout de même. 

- Je n'ai pas besoin d'être un génie pour comprendre, tu sais. 

- Je suis vraiment désolé, Asha ! Mais c'est comme dans ton livre, ça tombe, comme ça. 

- C'est moi qui suis désolé, Thomas. Je ne ressens rien de tout ce que tu as cité. Si ça se trouve je suis juste incapable d'aimer. Tu es quelqu'un de tellement bien, Thomas, je ne vois vraiment pas pourquoi je ne peux pas...

- La truc avec l'amour, Asha, c'est que tu ne choisis pas, commença Thomas. Tu ne choisis pas de qui tu tombes amoureux. Et quand ça arrive, tu ne te demandes même pas pourquoi ou comment... Tu viens à peine de commencer ta propre vie, Asha, et tout ce que je te souhaite, et je sais que ça arrivera, c'est que tu connaisses l'amour. Et pas celui à sens unique !

Thomas souriait en même temps qu'il pleurait. Asha se sentait profondément coupable et attristé. 

- Accorde moi juste deux petites choses, supplia Thomas. 

Asha les lui accorda bien qu'il n'eut aucune idée de ce que Thomas ferait. Le surprenant, ce dernier se jeta juste dans ses bras, et Asha mit un certain temps à resserrer les siens dans le dos de Thomas. Le geste était assez maladroit mais semblait apaiser Thomas. Au bout de quelques minutes, ils se séparèrent. Il ne pleurait plus. 

- Et la deuxième.

Thomas se redressa sur ses genoux et embrassa doucement le front d'Asha. Après ça, il se releva complètement, laissant Asha muet de surprise. 

- A plus tard, Asha, termina Thomas en passant la porte. 

Il la referma avec autant de douceur que ses gestes. 

Asha tourna la page de son livre, et Thomas en fit de même. 

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant