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 Asha était bien trop perturbé par ce qu'il venait de se passer pour faire attention à ce qui l'entourait. Était-ce bien réel ? Pourquoi Aimé appellerait-il à l'aide alors qu'il était délibérément allé rejoindre Caïn, sans aucune considération pour les sentiments qu'il avait ?

C'est vrai, ça, son histoire avec Aimé n'avait aucun sens. Ça le faisait plus souffrir qu'autre chose. Leur baiser échangé semblait désormais si lointain... Comme une époque révolue, comme quelque chose qui ne se reproduira jamais.

Est-ce qu'il reverrait seulement Aimé ?

Est-ce qu'Aimé l'aimait seulement encore ?

Les deux réponses qu'il s'accorda furent négatives. Il eut un faible rictus et, contrarié, il suivit Judy, devant lui. Il prit alors le temps de détailler les environs. Il fut d'abord surpris de voir que l'endroit était éclairé par une autre lumière que celles des néons. L'atmosphère lui parut alors étrange. Du moins, elle ne semblait pas être en accord avec l'esprit même de la ville de Sankyo. Le marché semblait même être un endroit plutôt propre, tant dans son organisation que ceux qui le faisaient vivre. Ce n'était pas comme Slumtown où tout était ramassé, mais chaleureux. Ici, c'était froid et propre. Comme les bâtiments que l'on trouvait dans les Arbres. Comme l'Institut, comme la maison de George. Il se demandait pourquoi le marché était comme ça.

Abel semblait lire dans ses pensées, car il ne put s'empêcher de faire remarquer :

— Ouah, c'est... Différent de ce que j'imaginais.

— Ouais... Affirma Ciel. Malheureusement, avec tous ces corrompus d'à côté qui viennent faire un tour, il faut que ça reste convenable. Il faut pas que ça ait l'air d'un endroit sale ou quoi, sinon ils ont vite fait de nous dénoncer à la police, ces salauds.

— Donc, continua Abel, il y a des gens qui ne sont pas de Sankyo et qui se rendent ici ?

— Oui ! En fait, ils constituent même les deux tiers de nos visiteurs.

L'information fit réfléchir Asha à toute vitesse.

— Se pourrait-il que... Commença-t-il avant d'être coupé par une voix gracieuse et pleine de gaieté.

— Asha !

Il se tourna vers la droite, d'où sortait des allées une jeune femme d'une beauté surnaturelle.

Tandis qu'elle s'avançait vers lui, il la détailla rapidement. Deux longs cheveux blancs, un visage fin, pâle et parfaitement symétrique, des sourcils noirs et des yeux d'un bleu glacé, presque blanc. Il fut presque hypnotisé par ce regard, tout en étant étrangement mal à l'aise.

— Asha ? bégaya Ciel sans que personne ne lui prête attention.

Puis, alors qu'elle écarta ses bras, certainement pour une étreinte, Asha, par instinct, recula, ce qui, l'espace d'un instant, laissa une expression d'incompréhension sur ce visage magnifique.

— Oh, c'est vrai, tu n'as certainement plus aucun souvenir de moi, déclara-t-elle, avec un air de déception.

Sa voix, cristalline, était à l'oreille une douce mélodie.

Elle battit des paupières, ses longs cils noirs attirant le regard sur ses yeux captivants. Elle avait un corps frêle mais élégant, et portait une simple robe blanche qui lui arrivait aux genoux et qui faisait comme un voile lorsqu'elle marchait. Elle ne marchait pas, elle volait.

— Eh bien, sache que nous nous connaissions plutôt bien, auparavant, dit-elle dans un sourire. Eh bien, puisqu'il faut recommencer, enchantée. Moi, c'est Eve.

Elle lui tendit la main. Asha, pétrifié devant la beauté divine d'Eve, mais aussi par l'aura étrange qu'elle dégageait, ne tendit pas la sienne. Elle comprit rapidement qu'il n'allait pas lui répondre et baissa son bras juste avant que la situation ne devienne réellement gênante.

— Auparavant ? s'était contenté de répéter Asha. Auparavant... de quoi ?

— Je... Ecoute, ce n'est pas à moi de te le dire. Moi-même ne suis pas sûre de savoir ce qu'il t'est arrivé. Tu es sûrement venu ici pour trouver des réponses, mais je connais cet endroit par cœur et je n'ai jamais rien trouvé qui pourrait t'intéresser aujourd'hui... Désolée que tu aies du faire tout ça pour rien.

Asha ne savait pas quoi penser d'Eve. Elle agissait comme une bonne amie mais il ne la reconnaissait pas du tout. C'était très perturbant et il souhaitait simplement que tout soit mis au clair le plus rapidement possible.

Les autres étaient restés dubitatifs devant leur échange, et Abel et Judy semblaient même captivés par cette beauté inégalable que possédait la jeune femme.

— J'aimerais tout de même juger de cela par moi-même. Qui sait ce que je recherche vraiment ? Je pourrais bien trouver quelque chose d'utile, tenta-t-il avec un faible sourire, la confusion régnant dans son esprit.

— Oui, bien évidemment, répondit Eve.

Quelque chose n'allait pas dans sa réponse. Mais Asha ne savait vraiment pas dire quoi. Il n'avait qu'une envie, s'éloigner de cette inconnue et trouver des réponses à tout ça. Il implora Abel du regard pour partir, et celui-ci hocha la tête.

— C'est vrai, autant être sûrs que tout ce qu'on a accompli n'était pas vain, ajouta-t-il avec un regard admiratif pour Eve.

Elle était fascinante, en tout point. Elle captivait l'attention et se détacher de son regard était un exercice difficile.

— Je ne vous retiens pas plus longtemps, alors. Si vous avez la moindre question, venez me trouver dans mon bureau, à l'étage (elle indiqua une sorte de mezzanine surplombant le marché).

Elle fit un dernier sourire et partit, suivie de Ciel qui se retourna une dernière fois vers Asha avec un regard d'incompréhension.

Puis c'est Asha qui se tourna vers ses amis, qui semblaient perdus.

— Elle est... commença Abel.

— Magnifique, termina Judy dans un soupir.

— Peut-être, mais nous ne sommes pas là pour elle, s'impatienta Asha. Et ça ne vous a pas secoué en apprenant qu'elle me connaissait déjà ?

— Je... C'est vrai, étrange, réfléchit Abel, son regard se perdant dans le vide.

Asha soupira, agacé.

— Quoiqu'il en soit, dépêchons. Le marché semble gigantesque, nous en aurons pour plusieurs heures en cherchant ce que nous voulons.

— Mais... Qu'est-ce que nous voulons ? Demanda Judy à Asha alors qu'il s'avançait déjà parmi les étalages.

Asha se tourna vers elle, son regard émeraude brillant de détermination plus que jamais. Un regard qui fit reprendre ses esprits à Abel, qui l'écouta plus attentivement.

— Des réponses. 

AshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant