« Elle s'appelait Anna »

CHAPITRE VINGT.

Dimitri.

Le jet d'eau glacée sur mon visage apaisa instantanément la sensation de chaleur qui m'avait étreint quelques instants auparavant. Je frottai mes mains mouillées sur mon visage, puis ouvris grand les yeux et regardai mon reflet. Mes yeux étaient soulignés de crayon noir qui avaient coulé à cause de l'eau, et ma pâleur n'était, selon moi, pas due qu'à mon maquillage. J'avais bien essayé de camoufler mes cheveux blonds, mais les racines étaient bien trop visibles. J'étais donc un Dracula blond. Plutôt cool, comme concept. Je secouai la tête, et soufflai un bon coup, avant de sortir des toilettes du gymnase du lycée, et d'affronter tous ces lycéens déguisés en zombie ou autre fantaisie pour la soirée d'Halloween.

Immédiatement après que je sois revenu dans l'atmosphère étouffante, la musique beaucoup trop forte revint bombarder mes oreilles, et j'avais la désagréable impression que toutes les personnes présentes se rapprochaient de moi pour m'écraser. Le gymnase était tout simplement bondé, entre ceux qui dansaient, ceux qui bougonnaient seuls, assis sur des chaises, et ceux qui étaient à moitié ivres, sans qu'il n'y ait une seule goutte d'alcool à l'intérieur. Je sentais la sueur des gens alors qu'ils m'effleuraient, leurs visages semblant presque en transe, à la lueur des lumières violettes et bleues qui clignotaient. Ils se mouvaient lentement, comme des jeunes qui avaient toute leur vie devant eu. Je jouais des coudes doucement pour me frayer un chemin à travers cette masse grouillante. Ils dansaient tous, jetant leurs bras en l'air comme au ralenti, comme s'ils invoquaient une puissance irréelle, ou je ne sais quoi, ou peut-être étais-je juste en train de délirer.

Toutes ces têtes de clowns, de zombies et de sorcières qui semblaient me fixer avec insistance me donnaient un mal de tête intenable. J'apportai mes mains à mon crâne et fermai les yeux un instant. J'entendais clairement les battements de mon cœur, ma respiration incontrôlée et la musique en bruit de fond, très lointain. J'avais l'impression de tanguer, de tanguer, de perdre tout équilibre, de ne plus savoir où j'étais, ni qui j'étais, et...

— Hé ! Ça va ?

Une fée maléfique m'avait retenu dans ma chute. Elle avait des yeux si gros que je me demandais si ce n'était pas qu'une autre frasque de mon imagination. Je me relevai, pantelant, et balbutiai :

— Euh... O-Oui, merci..

Je me retournai doucement, chamboulé par cette impression qui m'étouffait depuis que j'étais entré ici. Chacun de mes pas me semblait m'éloigner encore et encore du mur que je voulais rejoindre pour reprendre un peu mon souffle. Au loin, j'aperçus Anna en mariée macabre, absolument magnifique, qui parlait à quelqu'un, sans que je ne puisse le reconnaître. J'étais ravi de voir qu'elle, contrairement à moi, n'avait aucun problème avec cette fête. Depuis que j'étais arrivé, je n'avais pas trouvé ni Lisa ni Nolan, ni quelqu'un que je connaissais. Je ne savais pas où ils étaient tous passés. Alors que j'arrivais enfin au mur, je m'y adossais avec un immense soulagement. Je pris un verre du punch sans alcool qui avait été mis à disposition par les élèves du comité des fêtes du lycée. Je bus avidement, savourant la sensation du liquide qui descendait dans ma gorge.

Je parcourus la grande salle décorée pour l'occasion du regard afin de voir si Nolan et Lisa étaient en fait quelque part où je n'avais pas regardé. Seulement, rien. En même temps, avec tous ces masques et tout ce maquillage, je ne les avais peut-être pas reconnus, et de même pour eux. Peut-être était-ce eux, là-bas, dans un coin, déguisés en Batman et Robbin. Seulement je changeai radicalement d'avis lorsque je les vis s'embrasser à se manger la langue. Je détournai les yeux de cet étrange spectacle, écoeuré.

Tout à coup, la musique se stoppa, et les lumières du côté de l'estrade s'allumèrent. Tous les regards convergèrent vers la scène, d'où se tenait Elena Jenkins, qui semblait parfaitement à l'aise, cible de tous ces yeux. Elle prit un micro, sourit et commença :