CHAPITRE UN.

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Ethan.

Le ciel était parsemé de couleurs très pâles, un peu de rose, de bleu, et d'orange, très doux. Les quelques traînées nuageuses semblaient désirer s'éloigner plus vite, toujours plus haut. L'air était frais, mais agréable. Les rayons du soleil du matin, d'une douceur infinie, faisaient scintiller la surface de l'eau claire du lac. On percevait les petits clapotis des vagues qui se heurtaient au sol. Les brins d'herbe tout autour ondulaient légèrement à la volonté de la brise. L'embrun de la rosée du matin subsistait dans la vallée, émerveillant mes sens. Les fleurs étaient écloses et semblaient épanouies, montrant leur splendeur incontestable à tous. C'était éblouissant.

Je repoussai mes cheveux d'un léger coup de tête, et plissai les yeux pour continuer d'admirer ce merveilleux spectacle. Mes habitudes de dessinateur me permettait de déceler chaque ombre, chaque détail, que je m'empressais de retranscrire sur le papier. Mes coups de crayon étaient précis et ordonnés. La feuille se remplissait peu à peu de courbes et couleurs. J'adorais cette sensation de construire quelque chose, tout cela grâce à mes mains et à un petit objet. C'était revigorant, et puis j'aimais aussi le fait de pouvoir représenter quelque chose à ma façon, montrer à tous ma vision des choses. Ça pouvait être tout petit, juste un léger excès de couleur, qui traduirait ma joie devant ce paysage radieux, ou alors, cela pouvait être bien plus sombre que la réalité, horrifiant, déchirant. C'était moi qui choisissais, et j'adorais ça.

J'aimais être ici. C'était... libérateur. Ma vie était tout ce qu'il y avait de plus banal, et donc je n'avais à échapper à rien, mais parfois, la routine peut être étouffante, et me couper du monde en me rendant ici me faisait le plus grand bien. C'était comme un petit paradis sur terre, que moi seul avais en tête. Je n'y avais jamais amené personne. Pas même Elena, ou Lucas. J'avais beau les adorer et tout leur confier, c'était mon endroit à moi, où je pouvais réfléchir, et penser à tout. Ici, personne ne me jugerait. Ici, je n'étais personne. Ici, le temps s'arrêtait. Et c'était de cela, dont j'avais désespérément besoin. Que le temps s'arrête.

J'effaçai un bout du dessin qui ne me plaisait pas, et le retravaillai plus minutieusement. J'avais toujours réussi à être satisfait de mes dessins, et ce n'était pas avec celui-ci que ça allait changer. Je repris donc, et, les yeux plissés par la concentration, achevai les ombres sur le lac. C'était mon dernier coup de crayon. Je levai mon dessin, et le détaillai, attentif à la moindre divergence, mais au bout de quelques secondes, je fus satisfait de mon travail. Je rangeai la feuille dans ma pochette fétiche toute cornée, et observai une dernière fois cet endroit. C'était tellement paisible, que j'en souris. Je ne m'en doutais pas à cet instant, mais c'était le calme avant la tempête. Car celle-ci arrivait, et fonçait droit sur moi. Et le résultat ne serait pas joli à voir.

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Quelques heures plus tard, alors que j'étais dans ma chambre, j'entendis un bruit de klaxon en bas. Je bondis du lit, attrapai ma veste en cuir et mon carnet de dessin au passage, et dévalai les escaliers. Ma mère, qui lisait un de ses romans préférés, me fixa par-dessus ses lunettes. Ses cernes brunes étaient soulignées par ses yeux d'un bleu-gris très pur, couleur étrange dont j'avais hérité. Je m'avançai vers elle, déposai un baiser sur sa chevelure brune, et lui lançai :

-J'y vais maman, à plus tard !

-Fais attention à toi !, me répondit-elle, inquiète.

Je traversai le salon en levant les yeux au ciel : ma mère était bien trop protectrice. Je sortis de la maison, et dehors, la voiture de Lucas m'attendait. Elle était minuscule et plus en très bon état, mais elle avait fait un bon petit bout de chemin avec nous. Je m'installai à l'arrière, puisqu'Elena était assise devant.

« Elle s'appelait Anna »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant