CHAPITRE QUATRE.

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Ethan.

Il y avait les bruits des gouttes de pluie contre les parois du phare qui commençaient à dégringoler des cieux. Il y avait le bruit du vent qui balayait tout sur son passage, au-dehors. Il y avait le bruit des vagues déchaînées qui s'écrasaient contre les rochers. Il y avait le bruit des appels d'Anna, qui s'inquiétait de ne pas me voir réagir. Il y avait les bruits de sanglots de mon père, à l'autre bout du fil. Il y avait le bruit de mon cœur qui se déchirait à mesure que je comprenais ce qui se passait. Il y avait le bruit du désespoir qui m'envahissait petit à petit.

Je sentis mes genoux fléchir, et mon corps s'effondra au sol, comme une poupée de chiffon. Mes mains tremblaient, alors que mes yeux ne pouvaient s'arracher à la contemplation de cette tâche de suie, sur le mur gris. J'entendis vaguement Anna me demandait si ça allait, inquiète, mais je ne pus lui répondre. A la place, je murmurai :

— Papa, dis-moi que c'est pas vrai...

Je souhaitais juste que ce ne soit qu'un rêve, un putain de rêve, et que je me réveillerais, à bout de souffle, mais sachant que ma mère était en sécurité. Ou c'était peut-être une blague. Mon père en était capable. Oui, ça devait être cela. Ma mère m'appellerait d'ici cinq minutes, en me riant au nez, clamant que j'étais bien trop naïf pour mon propre bien, et qu'ils m'avaient bien eu. Je serai en colère pendant quelques minutes, mais je rentrerais, et je serai heureux de les retrouver tous, sains et saufs. Oui, c'étaient les seules explications plausibles. Mais le désespoir qui régnait dans la voix de mon père...

— Je... Je suis désolé Ethan.

Je dus clore les yeux, peut-être pour fuir la réalité qui s'imposait à moi. Les larmes commencèrent à couler, alors que des sanglots se formaient dans ma gorge. Mes épaules s'abaissèrent tout à coup, comme si tout le poids du monte leur était tombé dessus. Mes membres me semblaient peser bien plus que normalement, et une tristesse sans nom s'empara de moi. Ma mère... Ma pauvre mère... Comment allais-je survivre sans elle ? Sans nos disputes, sans ses cris incessants, sans ses éclats de rire, sans ses yeux aimants ? Qui allait me rassurer, à présent ?

— Elle est... morte, n'est ce pas ?

Du coin de l'œil, je vis Anna plaquer sa main sur sa bouche. Oui... Ce serait les réactions que tous auraient à l'annonce de la nouvelle. Ils parleraient entre eux, feraient semblant de s'intéresser à comment nous nous portions, nous enverraient des muffins dans un beau panier, mais n'auraient pas le courage de s'imaginer l'immense douleur que nous ressentions. Ce serait ça, notre futur. Peu importe à qui on parlerait, on resterait « le fils dont la mère est morte ». Ce serait ainsi que l'on nous qualifierait. Ce serait collé à notre peau.

— Je.. je n'en sais rien. Ils essaient de la sauver, je pense. Je n'ai pas eu plus d'informations. Je suis à l'hôpital de la ville. Ce serait bien si tu pouvais m'y rejoindre. On se doit d'être là.. au cas où.

« Au cas où elle serait bel et bien morte », pensai-je, amer. Je déglutis, ne pouvant me rendre compte que tout cela était bel et bien vrai. A l'autre bout du fil, j'entendais les sanglots étouffés de mon père, et une larme dévastatrice se mit à couler le long de ma joue, une seule et unique larme. Mais à elle toute seule, elle montrait au monde entier le désespoir qui s'emparait de moi de plus en plus chaque minute.

— J'arrive, déclarai-je d'une voix faiblarde.

Et sur ce, je raccrochai. Je restais quelques secondes ainsi, les yeux fixés sur mon téléphone, à penser à ce que cet appel signifiait. C'était, sans aucun doute, un des chamboulements de ma vie. J'aurais juste voulu remonter le temps, et revenir quelques heures en arrière. Empêcher ma mère de prendre la voiture, et les obliger à passer une soirée en famille. Juste une dernière fois.. Ma vie ne serait plus jamais la même, et... ça me brisait le cœur.

« Elle s'appelait Anna »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant