Dimitri.
Cette semaine fut l'une des pires que j'eus connues. Certes, nous étions en Alaska, tous ensemble, et le paysage était vraiment magnifique, mais à chaque fois que je voulais apprécier quelque chose, mes yeux tombaient sur lui. Il était aussi mal en point que moi, voire plus. Il ne souriait quasiment plus, et son expression était constamment fatiguée et lasse. Et les seules fois où je le voyais rire avec quelqu'un d'autre, je ressentais une sorte de pincement au niveau du cœur, et c'était douloureux, très douloureux. Il me manquait, c'était évident.
Après le nouvel an, il s'était considérablement éloigné de Lisa et moi, comme si nous l'avions trahi. Lisa ne comprenait pas, et je voyais bien qu'elle souffrait de cette soudaine distance, mais elle était surtout très collante envers moi. Je ne savais même pas pourquoi j'avais accepté de sortir avec elle. Plus le temps passait, plus je me rendais compte que je n'avais aucun sentiment pour elle, ni même une attirance. J'avais l'impression d'être le fautif dans tout cela, celui à cause de qui notre petit groupe avait implosé. Je m'isolais de plus en plus, ne supportant pas de voir d'autres personnes que lui me parler. Parfois, nos regards se croisaient pendant un instant, et je ne savais pas lequel reflétait le plus de souffrance.
J'aurais pu aller lui demander des explications sur son comportement. Ce qui s'était passé pour qu'il réagisse ainsi, si je l'avais vexé, et dans ce cas-là pourquoi n'acceptait-il pas mes excuses. Mais je ne voulais pas savoir. Parfois, mes pensées divaguaient et une possibilité s'imposait à moi, mais elle était tellement absurde que je ne la laissais pas me distraire plus longtemps. Il m'arrivait même d'éclater de rire tant c'était aberrant à cela. Parce que ce n'était pas possible, tout simplement. Absolument pas.
Les trois premiers jours, j'avais prétexté un mal de tête pour échapper aux sorties et surtout à son regard, mais au bout d'un moment, il avait fallu que je sorte de la chambre pour ne pas inquiéter le prof. Je l'avais fait le quatrième jour, alors que certains commençaient déjà à faire leurs valises. A peine étais-je descendu dans la salle commune, que Lisa m'avait bondi dessus en m'embrassant et m'abreuvant de paroles :
— C'est dommage que tu sois tombé malade pile cette semaine. Tu aurais dû voir, c'était magnifique. Bien sûr, ç'aurait été encore plus beau avec toi, mais..
Je me contentai d'acquiescer à chacune de ses paroles, ne supportant plus le bruit de sa voix. Évidemment, j'appréciais toujours autant Lisa, mais être en couple avec elle m'insupportait. Elle n'était pas sur la même longueur d'ondes que moi, c'était une évidence. Il fallait que je fasse quelque chose. Alors, lorsque une bonne partie des élèves, dont ma sœur, eût fini de me demander des nouvelles, je pris Lisa brusquement à part et lâchai :
— Il faut qu'on parle.
Elle ne parut pas se rendre compte du sérieux dans ma voix, car elle me regarda un instant puis lâcha :
— Je sais que tu es énervé par rapport...
— Non, ça n'a rien à voir avec le fait que tu ne sois pas venue me voir plus tôt, je sais très bien que tu n'as pas le droit de venir dans l'aile des garçons, la coupai-je, agacé.
Aussitôt, ses yeux s'assombrirent et elle fronça les sourcils :
— Oh.
Je détournai le regard, ne voulant pas la voir souffrir, mais je devais le faire. Sinon, la situation allait s'enliser et nous serions tous deux bloqués dans cette spirale infernale.
— Je... Je crois qu'on ferait mieux d'en arrêter là.
On aurait plus dit une question qu'une véritable affirmation, tant ma voix tremblait. Lorsque je vis ses yeux s'agrandir, une vague de culpabilité me submergea. Puis, tout à coup, elle éclata de rire. Je l'observais, surpris, s'esclaffer.
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« Elle s'appelait Anna »
Teen Fiction«I don't know what I'm supposed to do, haunted by the ghost of you » « Elle était un ange, et ici-bas, c'était l'enfer. Comment pouvait-elle ne pas se brûler les ailes? » « Lorsque Anna et Dimitri Versakovich arrivent dans les vies d'Ethan Jack...