CHAPITRE TRENTE-TROIS.

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Ethan.

— C'est parti !

Le bus s'engagea alors sur l'autoroute. Après des mois à l'attendre, nous étions enfin en route vers l'Alaska. L'excitation était palpable dans le car, alors qu'un des profs accompagnateurs s'évertuait à faire taire les chahuteurs, en vain. J'étais assis à côté de Nathan, et Anna à côté d'Elena. Cette dernière faisait tout ce qu'elle pouvait pour éviter mon voisin et Lucas, mais elle ne pouvait ignorer le regard noir que mon meilleur ami posait sur elle à chaque fois qu'il pensait que personne ne le voyait.

Elena n'allait pas mieux. Au contraire, je dirais. Sa pâleur s'était accentuée, ses yeux étaient de plus en plus gonflés et rougis par les larmes, même si elle n'avait jamais pleuré devant moi depuis cet « incident ». Elle était de plus en plus fatiguée, et ma mère, inquiète, lui avait conseillé de ne pas venir, qu'il valait mieux qu'elles aillent voir un médecin ensemble, mais Elena avait décliné sa proposition en murmurant qu'elle avait besoin de ce voyage pour se changer les idées. Je savais que les regards que les élèves lui lançaient et les murmures qui la suivaient partout où elle allait la blessaient profondément, même si elle ne voulait rien montrer.

Nathan gardait encore les séquelles de son altercation avec Lucas. Il avait un énorme œil au beurre noir, un pansement sur la lèvre et quelques bleus au niveau de la mâchoire. Je trouvais pourtant qu'il s'en sortait bien, car si Elena ne s'était pas jetée entre les deux, il n'aurait pas fait long feu. Je regardai derrière, et aperçus Dimitri, le frère d'Anna, assis à côté de sa petite amie, Lisa. Elle avait la tête posée sur son épaule et elle tenait sa main dans les siennes, mais le visage de Dimitri restait impassible. Je fronçai les sourcils en apercevant Nolan, tout au fond, à de sièges des deux, et me demandait s'ils s'étaient disputés. A en voir la tête du blond, visiblement oui.

Le trajet passa très vite, peut-être parce que j'avais beaucoup discuter avec Anna qui était de l'autre côté de la rangée, ou bien parce que j'avais dormi pendant plusieurs heures. Nous nous étions arrêtés dans un motel pour y passer la nuit et reprendre la route le lendemain. Je partageais ma chambre avec Nathan, encore une fois. J'avais insisté pour que Lucas et lui ne soient pas ensemble, et au regard que mon meilleur ami lui avait lancé, je me suis félicité d'avoir pris cette initiative. Visiblement, Lucas gardait encore en tête ce qui s'était passé.

Elena et Anna nous souhaitèrent une bonne nuit et allèrent se coucher. Je fis de même, n'ayant pas grand-chose à dire à mon colocataire. Il était plutôt gentil, mais je le tenais un peu pour responsable pour ce qui s'était passé la dernière fois. S'il ne s'était pas jeté sur Elena, ou bien s'il avait attendu un peu avant de lui révéler ses sentiments, tout aurait pu rentrer dans l'ordre et je n'aurais plus eu à ressentir ce sentiment de déchirement.

Alors qu'il éteignait la lumière, je me rendis compte que je ne verrai plus ma mère pendant quelques jours, et ce fut comme si on me libérait d'un poids. Je poussai un soupir, sachant pertinemment que mon comportement était légèrement puéril et que j'aurais dû lui pardonner, mais il me fallait du temps, beaucoup de temps. Peut-être qu'un jour, tout irait mieux. Que tout serait comme avant. Puis, je me suis rappelé du regard de mon père quand ma mère lui avait annoncé qu'elle avait eu un amant, et que donc le bébé qu'elle avait perdu n'était pas le sien, et je me suis dit qu'aucune famille ne pourrait passer au-dessus de cela, ou bien il faudrait des années.

Je plongeai dans un sommeil profond, sans rêve. Lorsque nous avons repris la route le lendemain, Lucas avait bousculé Nathan qui allait s'installer à mes côtés pour prendre sa place. Sans s'excuser, il s'assit, et garda le silence. Au bout d'un moment, alors que le car démarrait, il lança d'une voix tremblante :

« Elle s'appelait Anna »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant