« Elle s'appelait Anna »

CHAPITRE QUARANTE-DEUX.

LIRE AVEC LA MUSIQUE.

Dimitri.

J'avais passé la nuit à errer dans les rues désertes, à la recherche d'une raison de vivre. Les rares passants que j'avais croisés m'avaient jeté un regard empli de pitié, et lorsque je suis passé devant une vitrine, et que j'ai aperçu mon reflet, je me suis dit qu'à leur place, j'aurais eu la même réaction. J'avais appelé Anna en début de matinée pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. Elle ne m'avait pas donné de nouvelles, mais je savais qu'elle était en sécurité avec Ethan, et je comprenais qu'il lui fallait du temps. Ce n'est pas une chose anodine, d'apprendre la mort de votre premier amour, surtout sachant à quel point son amour était obsessionnel. J'étais donc rentré chez moi, le cœur lourd et le dos courbé. Ma mère était dans le salon, comme à mon départ, et elle semblait inquiète, car, à peine ai-je eu le temps d'ouvrir la porte, qu'elle s'était précipitée dans l'entrée, et s'était arrêtée en voyant ma mine encore plus désastreuse. Nous nous étions regardés dans les yeux pendant quelques instants, puis, j'ai craqué :

— Il est mort, ai-je murmuré.

Elle a plaqué sa main contre sa bouche et je me suis écroulé dans ses bras. J'ai alors pleuré comme jamais je ne l'avais fait. J'ai laissé les larmes couler sur mon visage dévasté, j'ai laissé les sanglots me faire trembler, j'ai laissé ma peine s'exprimer au monde entier, j'ai laissé ma mère me caresser doucement les cheveux, comme elle le faisait toujours lorsque j'étais petit. J'avais bien le droit de pleurer ainsi. Oh, oui, j'avais le droit, car mon ami d'enfance venait de s'envoler à jamais, marquant ainsi mon passage à l'âge adulte à jamais, parce que j'avais détruit mon meilleur ami, et bordel, parce que j'étais amoureux de lui, et ce, depuis que j'avais posé les yeux sur lui. J'avais juste été trop lâche pour me l'avouer. Mon attitude avait été immonde, et parce que je n'avais pas le courage d'aller m'excuser.

Alors, j'ai tout raconté à ma mère. De A à Z. J'imagine qu'elle avait dû être surprise, parce que jamais je n'avais été très proche d'elle et qu'auparavant, jamais je n'aurais eu l'idée de lui raconter des choses aussi intimes, mais garder toutes ces choses pour moi m'avait tellement brisé qu'il fallait absolument que je les évacue. Je n'ai même pas vu son visage lorsque je lui ai annoncé que j'étais amoureux d'un garçon. Elle n'avait jamais eu de réel problème avec ça, et à vrai dire, j'étais tellement dévasté que si elle avait eu un mouvement de recul, je ne l'aurais même pas aperçu. Lorsque j'ai eu fini mon récit, elle n'a rien dit pendant un long moment, et moi non plus. Je me suis contenté de fixer le sol d'un air las, triste. Au bout d'un moment, elle m'a entouré de ses bras fins, a posé sa tête sur mon épaule, et m'a murmuré à l'oreille :

— Vas-y.

Au début, je n'ai pas compris. Je me suis écarté, et j'étais sur le point de lui demander ce qu'elle voulait dire par là, lorsque ça s'est inscrit en moi comme une évidence. J'ai ouvert de grands yeux, et mon cœur s'est mit à battre la chamade.

Je lui ai murmuré un « merci », et je me suis précipité dehors, sans même prendre la peine de fermer la porte ou d'enfiler un manteau. Tout d'un coup, je me sentais bien plus léger, parce que je savais ce que je devais faire, et que je savais que j'allais le revoir. Les rues étaient désertes, pour une raison qui m'échappait, et le vent me giflait le visage. Les nuages étaient gris et bas, mais cela n'empêcha pas un énorme sourire de s'inscrire sur mon visage. J'ai pris une énorme inspiration, et je me suis mis à courir sur l'avenue. Mes pas claquaient sur le bitume, et un rire gonfla dans ma gorge pour éclater dans l'air. Je me sentais revivre, parce que je savais que j'allais avoir une chance de tout recommencer. Que j'allais avoir une chance de le réparer. Il fallait que je réussisse. C'était une obligation, un besoin.