« Elle s'appelait Anna »

CHAPITRE TRENTE-DEUX.

Elena.

Le mois de février commençait à peine, et pourtant le froid s'intensifiait peu à peu. Les fenêtres de la maison d'Ethan étaient constellées de givre, et un feu crépitait toujours dans la cheminée du salon. Après le réveil de sa mère, Ethan avait été si perturbé qu'il avait erré dans la ville, seul, pendant plusieurs jours, alors que je me faisais un sang d'encre. Le jour où il est rentré, il avait l'air d'un vagabond : une barbe de trois jours avait poussé sur ses joues, ses yeux bleu-gris étaient constamment écarquillés et ne reflétaient aucune émotion à part une grande confusion, et ses vêtements étaient froissés. J'avais alors entrepris de lui enlever ses vêtements et de l'aider à aller se coucher en lui parlant tout doucement, ses parents et son frère étant toujours à l'hôpital, attendant que sa mère puisse sortir. Il me regardait sans me reconnaître vraiment, ni même me voir. Lorsque j'étais sur le point de partir, après qu'il se soit allongé dans son lit, il m'avait retenu le bras et avait murmuré un « merci », d'une voix rauque.

Depuis, il allait mieux. Il m'avait raconté ce qui s'était passé le jour du nouvel an, et je l'avais réconforté en lui promettant que tout irait mieux. Je ne savais pas s'il m'avait crue, mais, moi, j'y croyais fermement, que ce soit pour lui, ou pour moi. Lucas ne pouvait plus me faire de mal, désormais, j'en étais persuadée. Bien sûr, je continuais de l'aimer d'un amour qui me semblait presque destructeur, et rien que d'évoquer son visage me donnait l'impression de me briser en mille morceaux, mais je savais qu'un jour, j'irais mieux. Ce ne serait pas demain, ni dans une semaine, encore moins dans un mois. Mais un jour, je parviendrais à surmonter tout cela. Il le fallait.

J'avais repris contacte avec Nathan et Ray. Au cours du mois de janvier, nous nous étions vus très souvent, et j'avais appris à aimer Nathan. Il était d'une gentillesse exceptionnelle, et sa maladresse en devenait attachante. Quant à Ray, elle fut ravie de revoir Ethan, un jour où il m'avait déposée chez elle. Ils avaient discuté quelques instants, puis s'étaient promis de se revoir très vite. Cela me faisait du bien d'avoir de nouveaux amis, qui me permettaient de penser à autre chose qu'à lui. Je le voyais tous les jours au lycée, et parfois je sentais son regard sur moi, mais dès que je me tournais vers lui, il détournait les yeux. Je ne savais pas ce qui me faisait le plus mal : le voir m'ignorer totalement, ou savoir que parfois il pensait à moi sans pour autant venir me parler. Il parlait quelques fois à Ethan, mais il savait pertinemment que ce dernier ne cautionnait pas son attitude envers moi.

Ethan et Anna se voyaient de plus en plus souvent, et j'en étais heureuse. Il ne semblait véritablement heureux qu'en sa présence, comme si... comme s'il était amoureux d'elle. Je me posais de plus en plus cette question, surtout lorsque je voyais les yeux qu'il posait sur elle. Jamais, au cours de sa vie, il n'avait regardé une fille ainsi. Il l'adulait totalement, la contemplant comme si elle était la plus belle chose qui eût jamais existé au monde.

Lorsque sa mère était finalement rentrée, après avoir passé maintes et maintes examens, Ethan avait fait de son mieux pour ne pas l'agresser dès qu'elle ouvrait la bouche. Elle fût ravie de me voir, et je l'étais aussi, car elle avait toujours été comme une seconde mère pour moi. Lorsqu'elle avait appris pour mon bébé, elle m'avait promis qu'elle serait là pour m'aider, et je n'avais pu m'empêcher de verser une larme. Ma propre maman n'avait pas voulu me soutenir, alors qu'elle, à peine sortie d'un événement qui la marquerait à tout jamais, venait de m'assurer son aide. Son père m'avait souri, et je vis dans ses yeux que la trahison de sa femme le heurtait encore, mais il l'aimait trop pour ne pas lui pardonner. Quant à Tom, il était fou de joie de retrouver toute sa famille réunie. Il avait sauté dans les bras d'Ethan dès qu'il l'avait vu, et m'avait fait un bisou sur la joue, tout timide.