CHAPITRE TREIZE.

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Ethan.

Elle est là, devant moi. Sa chevelure blonde ondule légèrement au gré du vent, juste au dessous des ses épaules frêles. Je peux percevoir son parfum très doux et agréable, alors qu'elle me regarde de ses yeux incroyables, un léger sourire provocateur aux lèvres. Autour de nous, il y a un immense champ de blé qui s'étale sur l'horizon à des kilomètres à la ronde. Le ciel bleu azur est parsemé de quelques nuages clairs et le soleil trône au beau milieu de ce merveilleux paysages, abreuvant les brins de blés de sa chaleur apaisante. Anna porte une longe robe blanche, qui s'accorde totalement avec le soleil, et elle semble aussi brillante que l'astre. Les étoiles semblent bien pâles, à côté d'elle.

Tout à coup, elle se met dos à moi, et se met à courir de longues foulées maîtrisées. Poussé par un désir inexplicable, je la suis, alors que ses éclats de rire volettent autour de moi, tels des bouts de cristal en suspension dans l'atmosphère. Elle tend les bras, et les brins de blés effleurent si délicatement sa peau candide que des frissons me traversent le corps. Alors que je sprinte pour la rattraper, elle s'arrête tout à coup, et se retourne vers moi. C'est la première fois qu'elle semble véritablement... heureuse. Ses yeux, d'ordinaire si ternes rayonnent de mille feux, et un magnifique sourire, franc, décore son visage aux traits divins. Elle est si belle que j'en ai mal au cœur.

Je m'approche doucement d'elle, alors que le vent tourne tout autour de nous, comme pour nous isoler. De si près, je peux voir distinctement les éclats mordorés qui constellent ses yeux d'un vert très clair. Une épaisse rangée de cils bruns les recouvrent, tandis que ses pommettes hautes sont cachées par ses cheveux qui encadrent son visage. Ses traits sont si célestes que je voudrais les mémoriser en les touchant des milliers de fois, en les dessinant chaque jour de ma vie, en les contemplant pendant chaque seconde jusqu'à ma mort. Jamais je ne m'en lasserais. Il y a tant de pureté dans son apparence que mes yeux ne peuvent pas s'arrêter sur un détail particulièrement beau. Elle est sublime, aussi bien de près que de loin.

Mais finalement, je parviens à stopper mon regard sur ses lèvres. Ses lèvres, si pleines et si bien dessinées, à l'allure si douce et réconfortante. J'aimerais les effleurer tout doucement, les toucher sans jamais m'arrêter. Je ferme lentement mes yeux, et m'approche d'elle, seulement je sens un changement brutal d'atmosphère. Je rouvre les paupières, et m'aperçois que le soleil et le ciel bleu ont disparu pour laisser la place à de gros nuages noirs menaçants. La douce brise qui flottait précédemment dans l'air a été remplacée par un vent violent et agressif, qui siffle autour de nos oreilles. Le tonnerre gronde, et je cris par-dessus le vent pour me faire entendre :

— Allons nous abriter !

Mais il n'y a rien aux alentours. Seulement cet immense champ de blé, qui couvre tout, scellant notre sort. Je lève les yeux vers Anna, et m'aperçois qu'elle est redevenue celle d'avant. Adieu, la jeune fille heureuse et solaire. La sombre et mélancolique est à nouveau là. Elle regarde par terre, avec des yeux vides et tristes, comme s'il n'y avait rien d'anormal aux alentours. Je m'apprête à lui crier de s'enfuir avec moi, mais elle déclare, en un chuchotement, que je comprends pourtant très distinctement :

— Tout est ma faute.

Elle lève les yeux vers moi, et aussitôt est foudroyée par un éclair.

Je me réveille en sueur, le cœur battant à cent à l'heure. J'ai encore la chair de poule du rêve que je viens de faire, et la phrase d'Anna résonne à mes oreilles, comme une mauvaise parole qui nous torturerait encore l'esprit après des jours. Il me faut quelques minutes pour me rassurer, et me dire que ce n'est qu'un rêve. Je rabats la couverture sur le côté, et me rallonge sur mon lit, un bras au-dessus de mon front. Et dans l'obscurité, je pense. Je pense à elle, à cette façon si réaliste dont ce rêve m'est apparu, à la beauté et la pureté qui se dégagent d'elle, à cette manière qu'elle a de regarder les choses pour y déceler une beauté cachée, à sa tristesse si manifeste qu'elle tente pourtant de dissimuler aux yeux de tout le monde. Il lui est arrivé quelque chose, c'est évident, quelque chose qui l'a traumatisée et brisée comme une poupée qui se disloquerait. Dans la pénombre de ma chambre, je me fis une promesse. Celle de percer le secret de ses yeux sans vie.

« Elle s'appelait Anna »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant