CHAPITRE DIX-HUIT.

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A LIRE IMPÉRATIVEMENT AVEC LA MUSIQUE.

Ethan.

Nous nous étions installés sur le sol, l'herbe humide contre notre peau faisant office de lit. Le soleil avait émergé de quelques nuages, et ses rayons chauffaient patiemment notre corps, comme une douce couverture. Il y avait un peu de vent, juste ce qu'il faut pour équilibrer la température. Je sentais le parfum sucré et doucereux des fleurs nous envelopper. On entendait le clapotis de l'eau en fond, agréable berceuse qui résonnait dans nos oreilles, nous rappelant où nous étions. Il n'y avait pas de bruit, mise à part peut-être celui des feuilles traversées par le vent, qui produisaient un frottement si agréable à écouter, qu'il ne pouvait être qualifié de « bruit ». Je sentais la chaleur qui émanait d'Anna, à quelques centimètres à peine de moi, alors que son bras effleurait quasiment le mien. Son contact était la seule chose qui occupait mes pensées, en ce moment-même. Je voulais lui prendre la main, la couvrir de baisers, admirer ses yeux extraordinaires pendant des heures, et des heures, sans qu'on ne m'arrête, sentir sa peau contre la mienne, humer son parfum à pleins poumons, je voulais qu'elle m'appartienne. C'était étrange, de souhaiter cela de quelqu'un que l'on connaît à peine. Et pourtant, j'avais l'impression de l'avoir rencontrée des années auparavant. Elle l'avait dit elle-même : elle me comprenait. Et elle était la seule.

J'ai ouvert un œil, me suis tourné vers elle, et je l'ai contemplée. La regarder, c'était comme admirer une œuvre d'art, pleines de couleurs et de sentiments. Elle était ce tableau, qui nous obsède, qui hante nos pensées, ce tableau que l'on voit un jour, et dont on ne peut plus se passer. Elle était cette musique, qui remplit nos cœurs de sentiments que l'on ne pensait ne jamais ressentir un jour, cette musique qui dévaste tout dans nos esprits, qui semble nous ôter tous les autres sens, rien que pour nous faire vivre à travers ces quelques notes, qui nous laissent bouche bée. Elle était cette voix, claire et pure, dans les ténèbres, qui nous rappelle ce que c'est, de vivre, d'aimer, de chérir. Elle était Anna, et elle était la plus belle chose qui me soit arrivée.

— Comment fais-tu pour me comprendre ?

Elle ne cilla pas, au début. Elle resta dans cette position, face au ciel, les yeux clos, et une si belle expression de jeunesse sur son visage. Elle n'était plus la fille mélancolique que je connaissais.

— C'est-à-dire ?

Elle se tourna vers moi, et je sentis son regard vert me transpercer, si bien qu'un frisson me parcourut le dos.

— Tu as dit que tu comprenais ce que je ressentais, que tu l'avais vécu, toi aussi. Raconte-moi.

Elle me scruta pendant de longues secondes, secondes durant lesquelles mon cœur battit si fort que je crus qu'il allait s'envoler. Mais lorsqu'elle détacha ses yeux de moi, ce fut comme si on m'arrachait les poumons, et je me sentis glacé, tout à coup, comme si elle était mon soleil et que j'avais besoin d'elle pour me réchauffer. Elle fronça les sourcils, et réfléchit pendant plusieurs minutes. Elle semblait hésiter à me raconter. Elle passa ses mains sur son visage en soufflant, puis commença d'une voix éraillée :

— Je... Je suis tombée amoureuse d'un garçon.

Vous connaissez cette sensation, de tomber du haut d'un immeuble de trente étages, cette sensation que l'on ressent parfois quand on rêve ? La peur qui vous paralyse, qui vous étreint de chacun de vos membres ? Votre souffle qui se coupe, vos yeux qui se ferment pour ne pas voir le sol arriver de plus en plus vite ? Vos muscles qui se tendent au maximum, vos cordes vocales qui restent muettes, alors que vous voulez hurler de toutes vos forces ? Bien sûr, que vous la connaissez. Moi aussi, je la connais. Et c'est l'effet que j'ai eu, quand elle m'a avoué cela. Idiot, n'est-ce pas ? D'en vouloir à quelqu'un que l'on ne connaît même pas. Mais c'est pourtant cette douleur qui m'a lacéré le cœur, à ses mots.

« Elle s'appelait Anna »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant