LIRE AVEC LA MUSIQUE.
Ethan.
Une semaine passa, une semaine fade, banale, sans intérêt, mise à part peut-être l'annonce d'un voyage en Alaska mi-février. Ce fut peut-être la seule bonne nouvelle de cet horrible mois de septembre. Je n'aurais jamais, au grand jamais, envisagé la possibilité que ma dernière année débuterait ainsi. Le seul point positif de tout ce qui m'était arrivé, était la rencontre d'Anna. Elle était si mystérieuse, si brisée, que j'étais indéniablement attiré. Elle avait ce pouvoir d'attirer tous les regards, sans même s'en rendre compte. Et elle était juste, comme elle me l'avait montré face à Smith.
Elena n'était pas venue depuis le jour où j'avais reçu l'heure de retenue. Je lui avais envoyé une bonne douzaine de messages, avant qu'elle ne daigne me répondre que c'était l'infirmière qui lui avait conseillé de rester alitée pendant quelques jours. Surprenant, venant d'une fille qui ne tombait jamais malade. Mais j'imagine qu'il y a un début à tout. J'avais proposé de passer la voir, mais elle avait décliné mon invitation en prétextant que j'avais mieux à faire, ce qui était peut-être vrai. Je devais consoler mon père, encore. L'annonce de la grossesse de ma mère l'avait perturbé plus que je ne l'imaginais. Quelques jours auparavant, il était rentré à la maison, première fois depuis plusieurs jours. Il s'est débarrassé de son imperméable, et quand il s'est tourné vers moi, j'ai eu un choc. J'étais certain d'apercevoir de nouveaux cheveux blancs parsemer ses boucles blondes. Son teint, habituellement hâlé, était d'un gris horriblement fade. Ses yeux étaient soulignés de poches violacées, et ses traits, tirés. Il se tenait voûté, comme si tout le poids du monde pesait sur ses épaules. Il avait l'air d'avoir pris au moins vingt ans. Alors, j'ai pensé « il ne pourra jamais élever un enfant tout seul. ».
Il s'est effondré sur moi, et il a pleuré toutes les larmes de son corps. J'ai tenu, parce qu'il le fallait. Ma mère devait se réveiller. Il n'y avait pas d'autre possibilité. Du moins, c'était ce que je me répétais pour me rassurer. Pour ne pas voir la réalité en face. Après cet épisode, mon père est retourné travailler. On commençait tout doucement à s'habituer à l'absence de ma mère, et je trouvais ça horrible, mais nous n'avions pas d'autre choix. On devait apprendre à vivre sans elle. Juste au cas où...
Ce jour-là, un samedi, je devais aller au lycée pour faire ma colle. Je savais que j'allais être avec Anna, et c'était le seul point positif. J'enfilai mon imperméable, et sortis de la maison sans faire de bruit. Je n'osais pas me l'avouer mais être loin d'ici me faisait un bien fou. Ailleurs, je n'avais pas à être l'unique pilier de la famille. Ailleurs, j'avais le droit d'être qui je voulais être. Ailleurs, je pouvais être jeune et insouciant.
La ville s'animait à peine, lorsque je partis à vélo vers le lycée. L'aube éclairait les maisons, et je voyais presque les familles s'éveiller dans leurs maisons respectives, prenant leur café en lisant le journal ou regardant la télé. Je pouvais sentir l'odeur des pancakes qui se dégageait des fenêtres. J'entendais les éclats de rire des enfants qui s'amusaient entre eux. Je voyais leurs visages paisibles et sans soucis, inconscients de la chance qu'ils avaient. Je les enviais tellement. Et je n'en avais même pas honte.
Je continuais mon trajet en me répétant que ça irait mieux, et que j'allais être avec Anna, même si ce n'était que pendant une heure. Étrangement, elle me faisait du bien. J'avais l'impression qu'elle comprenait ma tristesse, sans savoir pourquoi. Je n'avais pas la même connexion avec Elena ou Lucas, que pourtant j'aimais plus que tout au monde. Je les voyais chuchoter dans mon dos dès qu'ils pensaient que je ne les écoutais pas, je les voyais me regarder avec pitié quand ils pensaient que je ne voyais pas. Et j'avais du mal à le supporter. C'était comme s'ils me rappelaient ma douleur, comme si elle était bien trop collée à moi pour que l'on ne puisse plus se souvenir de comment j'étais, avant. Avant tout cela. Et j'espérais tellement qu'il y aurait un après.
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« Elle s'appelait Anna »
Teen Fiction«I don't know what I'm supposed to do, haunted by the ghost of you » « Elle était un ange, et ici-bas, c'était l'enfer. Comment pouvait-elle ne pas se brûler les ailes? » « Lorsque Anna et Dimitri Versakovich arrivent dans les vies d'Ethan Jack...