« Elle s'appelait Anna »

CHAPITRE TRENTE-SEPT.

Ethan.

Tout était enfin rentré dans l'ordre. Lucas et Elena filaient le parfait amour, et attendaient avec impatience leur enfant qui était prévu pour juin. Anna et moi nous voyions plus souvent, et nous étions de plus en plus proches. Nous nous entendions à merveille, et à chaque fois que je la voyais, c'était comme si tous les soucis s'envolaient, et qu'il n'y avait plus qu'elle et moi dans le monde. Elle me rendait heureux, véritablement.

Les jours passèrent, tous aussi hauts en couleur que les autres. J'étais allé visiter plusieurs universités dans les environs avec Lucas et Anna, Elena étant trop fatiguée, mais je n'avais réussi à en trouver aucune qui me plaisait vraiment. Une unique université semblait me satisfaire pleinement, sans que je n'y sois allé : Columbia, à New York. Bien entendu, cela impliquerait de quitter ma famille et mes amis pour aller à l'autre bout du pays, ce qui n'était pas un choix à prendre à la légère, mais j'étais persuadé qu'elle était la seule qui me correspondrait. Quant à Anna, elle pensait à partir en Floride, car elle avait toujours aimé cet état et qu'elle voulait s'éloigner le plus possible de cette ville et des souvenirs qui la hantaient. C'est lorsqu'elle m'a parlé de cette solution, que j'ai soudain compris que plus jamais nous ne serions ainsi, si proches. Un beau jour, nous nous en irions, et nous nous verrions bien moins souvent, jusqu'à ne plus se voir du tout, peut-être. J'ai aussitôt chassé cette idée de ma tête, et décidais de profiter de chaque instant comme il se doit.

Le rythme du lycée s'était clairement intensifié, et nous croulions sous les devoirs. Anna et moi révisions ensemble, car lorsque l'un n'était pas spécialement fort dans une matière, l'autre l'était. Ainsi, nous nous complétions, et nous aidions de notre mieux l'autre. Cette méthode semblait fonctionner, au vu des très bonnes notes que nous obtenions.

Ma mère avait maintes et maintes fois essayé de me parler, mais je ne pouvais toujours pas la regarder en face. C'était trop dur, bien trop dur. Je faisais de mon mieux pour rester poli avec elle, lui demander comment s'était passée sa journée, mais la rancœur était toujours là, et je savais qu'elle aussi, le sentait. Je voyais dans ses yeux que je lui faisais énormément de mal, mais c'était bien plus fort que moi. Si j'avais pu la contrôler, je l'aurais effacée, et nous aurions recommencé une vie sans problèmes, comme avant. C'était ce que je souhaitais le plus au monde. Mais les fêlures qu'elle avait créées resteraient un bon bout de temps sans être soignées.

Un jour de fin avril, le vingt-sept, très exactement, je me ruai chez Anna pour lui souhaiter un merveilleux anniversaire. Seulement, ce fut Dimitri qui m'ouvrit la porte. Et comme tous les jours où je le croisais au lycée, je fus décontenancé par son apparence. Lui que j'avais toujours connu comme très soigné et souriant, avait totalement changé de visage en quelques semaines. Il était habillé avec une sorte de pyjama qui ne semblait pas avoir été lavé depuis quelques jours. Une barbe de trois jours lui donnait un air négligé, et son expression de visage était si lasse et fatiguée qu'il me fit mal au cœur.

–- Ah... Salut, Ethan.

Sa voix était rauque, comme si cela faisait des jours qu'il n'avait pas parlé, et ses yeux étaient légèrement rouges. Son teint d'habitude joliment pâle, était devenu blafard.

–- Euh, salut. Anna est là ?

–- Non, elle est allée à son studio de danse.

Je lui demandai de m'indiquer comment y aller, et quelques minutes plus tard, j'étais sur la route, son cadeau posé sur le siège passager. Je m'étais creusé la tête pendant des jours et des jours, pour savoir ce que j'allais lui offrir, avant que l'idée ne m'apparaisse tout à coup.