Ethan.
Depuis des mois, l'idée du réveil de ma mère me hantait, peut-être même plus que sa mort. J'essayais de ne pas y penser trop longtemps, de ne pas laisser mon esprit être accaparé par cette éventualité, mais je ne parvenais pas à contrôler mes peurs. Et, lorsque j'étais seul, je la sentais remuer, enfouie profondément dans mon esprit, comme pour me prouver qu'elle était bien là, qu'elle ne s'en était pas allée. Je m'empressais de penser à autre chose, mais elle revenait sans cesse. Elle était là, tapie dans les tréfonds de mon esprit.
Je me demandais, comment allais-je réagir ? Serais-je si heureux que les larmes de joie couleraient à flot sur mon visage ? Serais-je fou de joie, prendrais-je ma mère dans mes bras ? Garderait-elle des séquelles irréversibles ? Serait-elle comme avant ? Notre vie recommencerait-elle, ou reprendrait-elle juste là où elle s'était arrêtée ?
« Serai-je si en colère contre elle que je ne pourrais poser un regard sur elle ? »
C'était cette éventualité qui m'avait tant tourmenté pendant toutes ces semaines. Qui m'avait réveillé en sueur dans la nuit, la boule au ventre. Qui m'avait tordu l'estomac en cours. Qui m'avait accaparé l'esprit alors que j'étais avec Anna, ou Lucas et Elena. C'était cette pensée, dont j'avais tant honte que je n'avais pas le courage de la formuler à voix haute, de la faire partager à mes meilleurs amis. Comment pouvais-je penser cela ? Comment pouvais-je en vouloir à ma mère, alors qu'elle était dans le coma, perdue, seule, avec pour unique compagnie, ses regrets, sa tristesse ? Comment pouvais-je m'autoriser à ressentir un sentiment si puissant, plein de rancœur, envers celle qui m'avait donné la vie ?
Alors, ce jour-là, cette nuit du nouvel an, alors que la pluie commençait à tomber, de petites gouttes tombant sur la terre, lorsque mon père m'a annoncé que ma mère était réveillée, je n'ai pas su quoi dire. Je me suis contenté de regarder la pluie tomber du ciel, de contempler l'herbe se couvrir d'une fine pellicule d'eau qui brillait sous la lueur de la lune. Je me suis contenté de sentir ma lèvre inférieur tremblait, sans qu'aucune larme ne veuille couleur sur mon visage. Je me suis contenté d'entendre la voix d'Anna qui me semblait à des kilomètres et des kilomètres de moi et qui m'appelait, inquiète. Je me suis contenté de tenir mon téléphone dans ma main, en pensant à toutes ces éventualités qui m'avaient hantées pendant des mois entiers, pour finalement que la pire devienne réalité. Car oui, la rancœur que je ressentais envers ma mère me tordait le ventre, me donnait envie de vomir, envahissait mon être tout entier. Elle me donnait envie de hurler, de pleurer, de tout casser. Ma mère nous avait menti, nous avait abandonnés, nous avait livrés à nous-mêmes. Et j'en voulais à mon père, aussi. Lui qui n'avait pas été là pour nous, qui s'était contenté de nous regarder alors que nous tombions peu à peu dans un gouffre d'où nous n'aurions pu revenir sains et saufs. J'avais envie d'extérioriser toute cette haine, cette douleur, cette amertume qui empoisonnait tout mon corps, j'avais envie de hurler à la terre entière qu'ils m'avaient trahi, chacun leur tour, mais à la place, j'ai écouté mon père qui m'appelait, et qui me disait :
–- Tu dois venir, Ethan. Il faut que tu sois là quand elle sortira de ses examens, tu m'entends ?
J'ai cligné des yeux, comme pour refouler toute l'animosité que je ressentais, et j'ai répondu d'une voix rauque :
— J'arrive.
Il y eut un silence, puis :
–- Je suis si content, Ethan.
Comment sa voix pouvait-elle dégouliner de tout l'amour qu'il éprouvait pour elle, alors qu'elle l'avait lâchement abandonné, que leur bébé était mort par sa faute ?
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« Elle s'appelait Anna »
Teen Fiction«I don't know what I'm supposed to do, haunted by the ghost of you » « Elle était un ange, et ici-bas, c'était l'enfer. Comment pouvait-elle ne pas se brûler les ailes? » « Lorsque Anna et Dimitri Versakovich arrivent dans les vies d'Ethan Jack...