« Elle s'appelait Anna »

CHAPITRE SIX.

Elena.

Mes yeux bleu glace me fixaient depuis une dizaine de minute dans le miroir de la salle de bain, une leur d'excitation dans le regard, et une légère appréhension était un peu plus cachée dans mes pupilles. Mes doigts tapotaient nerveusement contre le rebord du lavabo, exacerbant mon angoisse. Mes cheveux noir corbeau étaient tout emmêlés, toujours dans le même état après une soirée, alors, avec un geste brusque, j'attrapai le peigne à côté de moi, et entamai la pénible corvée. C'était lent et répétitif, mais ç'avait le don d'apaiser mon esprit torturé depuis quelques heures, depuis l'instant où je m'étais réveillée chez Nolan, nue, aux côtés de Lucas. J'avais perdu ma virginité. C'était tellement... étrange.

Depuis cet instant, la soirée de la veille ne cessait de tourner en rond dans ma tête. Les souvenirs étaient flous, étant donnée que j'étais bien alcoolisée, tout comme Lucas, mais je me rappelais de tout ce que j'avais ressenti. J'étais amoureuse depuis des années de mon meilleur ami. Je n'avais jamais cessé de l'aimer. Alors, lorsqu'il m'avait embrassée alors que nous étions tout seuls dans la chambre, je n'avais pas eu les idées assez claires pour penser qu'il agissait peut-être sous l'effet de l'alcool. Seulement, dire que je n'avais pas eu envie aurait été mentir. J'avais rêvé de ce moment durant des années.

Et malgré toutes les questions que je me posais, un sourire niais ne pouvait quitter mon visage. J'avais toujours détesté ces filles qui idéalisaient leur première fois, qui ne pouvaient s'empêcher de tout raconter à leurs amies dès le lendemain, et qui après tombaient de haut lorsqu'elles se rendaient compte que le garçon en question se foutait totalement d'elles. Et j'avais peur de devenir comme cela à mon tour. Et si Lucas évitait le sujet ? S'il ne se rappelait de rien ? S'il ne voulait pas s'en rappeler ? J'aurais le cœur brisé, c'était certain. Je l'aimais d'une force incroyable, et depuis si longtemps. Je n'avais jamais voulu le lui avouer de peur de gâcher notre amitié et notre complicité.

Des coups frappés à la porte me firent sursauter.

— El ! Dépêche-toi ! J'ai rendez-vous dans une heure et je ne suis même pas douché !

La voix grave de mon grand frère, Nataniel, résonna dans la salle, et je lui répondis d'une voix tremblante :

— J'ai.. J'ai presque fini.

Je reposai la brosse d'une main peu assurée, et ouvris la porte, pour me trouver face à ses yeux identiques aux miens. Son front se plissa, et il me lorgna d'un œil méfiant.

— El ? Tout va bien ?

J'eus envie de lui raconter tout ce qu'il s'était passé, de vider mon sac, et qu'il me prenne dans ses bras et me rassure en me disant que Lucas n'était pas ce genre de gars, mais si jamais il advenait que ce dernier en était finalement un, Nat le tuerait. Réellement. Et je ne voulais pas avoir à gérer un cœur brisé et une dispute entre mon meilleur ami et mon frère. Alors, je lui offris un de mes plus beaux sourires et répondis :

— Oui, absolument !

Cependant, il ne parut pas y croire une seule seconde, et m'adressa un regard du genre « On en reparlera », et entra dans la salle de bain. La porte se referma, et après un soupir, je me dirigeai vers ma chambre. Elle était en léger désordre, avec des cahiers empilés à la va-vite sur mon bureau en bois verni, et un jean sale négligemment jeté sur une chaise. Un lit à baldaquin trônait au milieu de la salle, au dessus du quel un magnifique dessin d'Ethan, Lucas et moi à une fête foraine, l'an dernier. J'étais en train d'éclater de rire, Ethan souriait, et Lucas me regardait. C'était un merveilleux croquis. Ethan me l'avait confectionné pour mon anniversaire, et depuis il n'avait pas quitté cette place. J'adorais l'observer le soir avant de m'endormir. A chaque fois, je remarquais quelque chose que je n'avais pas vu auparavant, et c'était cela qui faisait le talent d'Ethan : tous ces détails si fins qui rendaient un résultat époustouflant.