CHAPITRE VINGT-DEUX.

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Elena.

Deux mois. J'étais enceinte de deux mois. Quelques semaines auparavant, je n'aurais jamais imaginé être aussi heureuse. Et pourtant, c'était bien un sourire béat qui s'était épanoui sur mon visage, et qui ne voulait pas disparaître. Lorsque j'étais descendue le matin-même dans le salon, et que j'avais mangé mon petit-déjeuner tout en chantonnant, mon frère, Nathaniel, m'avait lancé un regard lourd de sous-entendus. Je lui avais lancé un sourire radieux, parce que j'étais heureuse. Véritablement heureuse. Et totalement, éperdument et follement amoureuse. J'avais toujours méprisé ces filles à l'air totalement niais qui lâchaient des soupirs lorsque leur lourd petit ami se mettait à manger comme un cochon ou rire comme une chèvre avec ses amis, mais maintenant que ça m'arrivait à moi, plus rien ne me semblait plus beau.

Quelques jours plutôt, à la soirée d'Halloween -qui fut une véritable réussite-, Lucas m'avait dit qu'il m'aimait, pour la seconde fois. C'était toujours aussi grisant que la première fois. Se sentir aimée était le meilleur des sentiments. Nous avions passé la soirée à danser, à rire, à nous embrasser. Peu nous importait le regard des autres, c'était entre lui et moi. Après toutes ces années, où je l'avais aimé en silence pour ne pas briser notre amitié, nous étions enfin ensemble. C'était sûrement la meilleure chose qui m'était arrivée depuis bien des années.

Et le bébé qui grandissait doucement en moi me rappelait Lucas à chaque instant, alors je ne pouvais que l'aimer, d'un amour profond et noble. J'avais décidé de l'avouer à mes parents, puis à Lucas. Le choc étant passé, il était temps d'y faire réellement face. Ne restait plus qu'à trouver le bon moment. Je savais que je pourrais compter sur les soutiens mutuels de Nat et Ethan. Et j'espérais celui de Lucas, aussi. J'étais certaine qu'à deux, nous pouvions y arriver. Mais, pour l'instant, le futur ne comptait pas. Il n'y avait que le présent. Je sautai de mon lit, et, en ce dimanche matin, je décidai de mettre un peu de musique.

Je choisis une playlist au hasard, et commençai à me trémousser – danser était un bien grand mot pour les mouvements que je faisais – au rythme des chansons. J'étais tellement épanouie que j'aurais pu danser toute la journée, si j'avais pu. Il n'y avait que Nat à la maison, mes parents étant partis à San Francisco pour faire des courses. Il ne dirait rien pour la musique, puisqu'il était sûrement en train de jouer à ses jeux vidéos, comme toujours. Je secouai la tête en pensée : il avait dix-neuf ans ! La musique se mit à accélérer, et je me mis à chanter en fermant les yeux et à faire de grands mouvements. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas fait de sport que je sentais déjà les douleurs au niveau des cuisses se créer, mais c'était bien trop grisant pour que je n'arrête.

Ma voix était absolument horrible, totalement fausse et bien trop aiguë, mais je n'en avais que faire. Je voulais juste m'amuser. Je faillis faire tomber deux ou trois lampes et bibelots en bougeant les bras. Je me prenais pour Beyoncé à hurler de tout mon cœur, à m'imaginer devant un public, avec une scène et des projecteurs pour m'éclairer, et une belle voix à leur montrer. J'en riais, un long rire grave et guttural. Je fis des tours sur moi-même, et lorsque la chanson s'arrêta subitement, j'en mis une autre. Je fis de même avec au moins quatre autres chansons. Lorsque la dernière fut finie, je me retournai, et mon sourire s'effaça aussitôt.

A l'encadrement de la porte, se tenait Nathaniel, hilare. Il rigolait tellement qu'aucun son ne sortait de sa bouche, et son teint était devenu rosé. A côté de lui, se tenait... Lucas. Mes joues virèrent immédiatement au rouge, tandis que ses sourcils se haussaient d'un air moqueur. Je fusillai Nat du regard pour ne pas avoir toqué avant d'avoir ouvert la porte, et d'avoir laissé Lucas m'épier ainsi alors que je ne me savais pas observée. C'était tellement humiliant. Nat, en un dernier éclat de rire, annonça de la main qu'il nous laissait. Mon regard noir le transperça jusqu'à ce qu'il fût hors de ma vue. Je me laissai alors tomber sur le lit, et mis mes mains sur mon visage.

« Elle s'appelait Anna »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant