CHAPITRE VINGT-HUIT.

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LIRE AVEC. 

Ethan.

Lorsque je suis entré chez Nathan, notre camarade de classe et serveur du Tori's, la première chose qui m'a frappé a été le nombre de personnes. C'était extraordinaire de voir autant de jeunes, réunis en une seule maison et surtout à Wickbloory, petit patelin situé à deux heures de San Francisco. Il avait sûrement dû inviter plusieurs lycéens venant d'autres villes, car je ne reconnaissais quasiment aucune tête. Ensuite, quand je me suis avancé dans l'entrée, j'ai remarqué dans l'immense salon les néons bleus, blancs et violets qui étaient les seuls éclairages de la piste de danse où une cinquantaine de personnes suaient en se déhanchant, l'odeur nauséabonde de fumée et la désagréable impression de moiteur, ainsi que la musique envoûtante qui résonnait partout. Les néons blancs clignotaient, ce qui donnait une impression de mouvements hachés, robotiques. Quelque chose me disait que ça allait être le meilleur nouvel an que je ne passerai jamais.

Je me mis à déambuler difficilement entre les groupes de jeunes qui fumaient, discutaient et dansaient, à la recherche d'une tête que je connaissais. Elena m'avait dit qu'elle me rejoindrait plus tard, encore secouée par sa rupture plus que brutale avec Lucas. Désormais, elle avait décidé de ne plus cacher sa grossesse, et avait arrêté de s'habiller d'immenses tee-shirts dans lesquels elle flottait. Elle ne m'avait pas parlé pendant des jours, et mon père avait à peine remarqué que nous l'accueillions. Nous avions passé Noël avec elle, et l'ambiance avait été morose, malgré mes efforts et ceux de Tom pour passer un bon réveillon. Elena avait fait des efforts, mais je ne pouvais pas lui en vouloir, pas après ce qu'elle avait vécu. Quant à mon père... il avait, comme à son habitude, passé le repas à regarder les plats d'un air mélancolique et détruit, et n'avait pas décoché un mot de toute la journée. La mort du bébé lui avait sûrement rappelé que sa femme était susceptible de basculer à tout moment d'un côté ou de l'autre. Comme s'il n'y pensait pas assez.

Alors, lorsque Nathan m'avait parlé de cette soirée, je l'avais vue comme une délivrance de cet endroit étouffant qu'était devenu mon foyer. J'avais proposé à Elena de m'accompagner, et elle avait hésiter longuement, avant de finalement accepter. Lucas était censé venir lui aussi à la soirée, et je ne savais pas comment me comporter avec lui. D'un côté, il ne m'avait certes rien fait, mais il avait tant heurté Elena, il s'était montré si immature et irresponsable que je lui en voulais un peu. Il était comme mon frère, et cette désillusion m'avait bien désarçonné. Je le pensais sincèrement amoureux d'Elena. Visiblement, je m'étais trompé.

J'étais encore perdu dans mes pensées lorsque quelqu'un me tapota l'épaule, en plein milieu de la piste de danse. Je me retournai, et aperçus Nolan, qui me fit un grand sourire et me fit signe de le suivre. Il s'en alla, moi sur ses talons. Il tenait un verre dans sa main, où un liquide ambré était doucement secoué par ses pas. Nous traversâmes toute la pièce bondée, et lorsque nous arrivâmes dans un couloir étroit quasiment vide, j'inspirai à grandes bouffées l'air frais qui m'avait tant manqué. Nolan se retourna avec un petit rire et continua d'avancer, alors que les cris et la musique nous parvenaient étouffés. Il me mena à une petite pièce adjacente, une sorte de petit bureau, où deux canapés en cuir trônaient magnifiquement, où un feu de bois crépitait dans une cheminée majestueuse, et où quelques tableaux prenaient la poussière. Il n'y avait que Dimitri, Lisa et Lucas qui étaient installés sur les canapés moelleux. Je les saluai, un peu plus froidement pour Lucas, qui se raidit discrètement. Quelle position étais-je censé adopter, face à mon meilleur ami, mon presque frère, qui avait trahi Elena ?

— Assieds-toi, proposa Nolan avec un sourire.

J'acceptai, et me positionnai face à Dimitri. Il était assis à côté de Lisa, et je ne pus m'empêcher de voir à quel point la jeune fille était quasiment collée à lui, sans pour autant qu'il ne s'en rende compte. Je remarquai aussi qu'il avait un appareil photo dans ses mains, qui paraissait très sophistiqué, et son visage m'apparut immédiatement.

« Elle s'appelait Anna »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant