1 - LA RENCONTRE

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C'est au mois de janvier 2013, que nous avons emménagé dans notre nouvel appartement situé au bâtiment A d'un des quartiers de la ville. L'hiver était déjà bien installé et il faisait très froid à cette période.

Nous n'avions dit à personne que nous déménagions. Depuis le décès de ma mère, mon père avait coupé les ponts avec pratiquement toutes ses connaissances et le peu de famille que nous avions en France, je ne sais pas pourquoi. D'ailleurs, personne ne cherchait après nous non plus.

Il ne restait pratiquement plus rien dans notre maison, nous avions mis tous les meubles en vente sur Leboncoin. En l'espace de quelques semaines, nous avions tout vendu. Impossible de caser une maison de 120 m2 dans un 60 m2.

Nous avons fait le tri de tout ce que nous avions entassé toutes ces années. Nous avons fait le tri de notre vie passée. De jour en jour, la maison se vidait et mon cœur me faisait de plus en plus mal à l'idée de quitter cet endroit rempli de souvenirs joyeux.

A la fin, il ne restait plus qu'une dizaine de cartons, quelques sacs poubelles remplies de linges et 2 lits. Nous recommencions à zéro.

Notre odeur, celle qu'on sent quand on rentre chez soi, cette odeur familière et réconfortante qui est propre à chaque famille, s'estompait de jour en jour. Elle disparaissait, comme ma mère avait disparu.

On remplit le Trafic silencieusement. Sans se parler, mon père m'aide à porter les matelas et les sommiers pour les caler dans la petite camionnette que le voisin nous a prêté. Nous passons la matinée à vider la maison et à faire le tour comme pour garder en mémoire chaque pièce.

C'est aujourd'hui que nous recommençons tout. La Clio de mon père est pleine de cartons et de sacs poubelles. Une fois la maison vidée, l'état des lieux de sortie signé, mon père rend les clefs à l'homme de l'agence immobilière. Mon cœur se sert et une sensation de tristesse cogne dans tout mon corps. Je monte au volant de la voiture et suis mon père et mon frère qui ont pris place dans le Trafic.

Après moins de dix minutes de route à travers cette ville que je connais par cœur, nous nous garons devant le Hall du bâtiment A. De la fenêtre de la voiture, je regarde ce grand immeuble. Automatiquement, je compte les étages, il y en a six. Je respire un grand coup avant de couper le contact et de sortir pour attraper un carton.

Dans le hall, trois mecs se taisent quand on entre dans l'immeuble, les bras chargés. Il y a deux rebeux et un métisse.

J'essaie de ne pas trop les regarder et de monter les cartons un à un au premier étage non sans difficulté. Mon père, mon frère et moi faisons plusieurs allers-retours de l'appartement aux véhicules sans s'échanger un regard ni un mot. Ce jour, est un jour de deuil. Il ravive la douleur d'avoir perdu notre pilier et d'avoir perdu notre maison.

Les trois garçons nous regardent silencieusement. Le métisse fait au moins deux mètres et doit très certainement dépasser la barre des 100 kg. A côté, les deux autres semblent petits et moi encore plus. Je n'avais jamais vu quelqu'un d'aussi grand et baraqué. Un des rebeux a une casquette noire, une petite cicatrice au niveau du sourcil droit, que j'arrive à apercevoir quand il me tient la porte de l'immeuble, ses yeux clairs sont magnifiques.

Il porte un sweat à capuche gris clair avec des écritures jaunes, un jean bleu et des baskets de la même couleur que son sweat. Il n'a pas du tout la même dégaine que les deux autres en survêtement. Il ne semble pas être à sa place dans ce hall.

Dès que je l'ai vu je l'ai trouvé beau, même avec sa cicatrice. Je sens qu'il me regarde de temps en temps, mais je fais comme si je ne remarque rien et continue de monter les cartons.

Confessions d'une Banlieusarde - Lehya SaïdiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant