J'arrive en bas de l'immeuble de Hayat, encore sonnée de ma discussion avec Yacine. Mes mains tremblent et mon ventre remue.
Dans ce quartier les immeubles sont collés. Les halls sont rapprochés les uns des autres et ça forme des longs couloirs. C'est très moche et si tu ne connais pas, tu peux te perdre.
Dans le bâtiment voisin, il y a quatre mecs assis, deux sur les escaliers et deux autres sur des chaises. Et oui, c'est comme ça dans nos quartiers, les halls c'est des salons de thé...
Je m'approche du Hall et huit yeux se braquent sur moi. Je reconnais Khaled, il est assis sur une chaise, me regarde marcher, il ne bouge pas et continu de tirer sur sa chicha. Je me dépêche d'avancer et sonne à l'interphone.
Je suis très contente de voir la mère de Hayat, c'est un amour. Elle est trop mignonne, douce et prévenante, tout l'inverse de sa fille.
J'ai eu le temps d'acheter un petit cadeau pour le bébé de sa cousine Lina en sortant du travail. Je lui tends le paquet en la félicitant.
Lina est un peu plus âgée que nous, elle s'est mariée très jeune avec un « blédard », elle a l'air d'être heureuse. Quand on était plus petite on était souvent toutes les trois. Elle a tout fait pour se barrer de chez elle. Son père, le frère du père de Hayat, c'est un vrai dictateur. On l'appelait la prisonnière à l'école, j'crois que c'est pour ça qu'elle s'est vite mariée. Pour pouvoir fuir et faire sa vie.
Je passe un bon moment, on mange, on parle, on se remémore des histoires, on prend des nouvelles de nos vies et on ne voit pas le temps passer. Lina demande si elle peut passer la nuit ici avec son fils. Elle dit qu'elle n'a pas fait une nuit entière depuis son accouchement. Fatiha, la mère de Hayat lui promet de s'occuper du bébé s'il se réveille.
Je ne peux m'empêcher de penser à ma mère à cet instant. Elle ne verra jamais mes enfants. Je me concentre pour ne pas pleurer.
Je dois rentrer maintenant. Il est environ 23h30 quand je dis au revoir à tout le monde. Ça m'a fait du bien de voir Hayat et ses parents. Je m'en veux de ne pas être revenue avant. C'est comme ma famille. Je n'ai pas dit à Hayat que Yacine et moi on s'était engueulé et que c'était fini, je ne voulais pas la saouler avec ça et c'était ni l'endroit, ni le moment.
Après avoir fait la bise à tout le monde et félicité une nouvelle fois Lina je mets ma veste et sors de l'appartement.
Je descends les escaliers et prends la grande avenue qui va vers mon quartier, je fais un détour par ce que je ne veux pas couper par les petites rues. Le vent froid glace mes joues et je sais que mon nez doit être rouge maintenant.
Après 2 minutes de marche, je m'arrête au passage piéton et une grosse voiture me barre la route. Je fais un pas en arrière de peur.
Je reconnais Khaled. Ça me paraissait trop beau qu'il ne soit pas venu au repas. Surtout qu'il m'avait vu monter chez lui. Je suis soulagée que ce soit lui et pas un inconnu.
- « Montes, j'te dépose il est tard !»
- « Nan c'est bon, j'vais marcher. »
Je me dis que cette semaine tout le monde a voulu me déposer ! Ils se sont passés le mot ou quoi ! Il faut vraiment que je m'achète une voiture ! Je mettrai des vitres teintées pour pas qu'on puisse me reconnaître !
Il me regarde et dit d'un ton moqueur mais en haussant la voix :
- « Tu montes avec un batard qu'tu connais même pas et tu veux pas monter avec moi !! Arrête de faire ta meuf mortelle avec moi Lehya tu m'fous l'seum ! »
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Confessions d'une Banlieusarde - Lehya Saïdi
RomanceMauvaise rencontre dans un quartier de Seine-Saint-Denis. Amour, trahison, sex, violence... ma descente en enfer.« L'amour est la plus belle chose au monde, mais elle peut aussi être la pire, elle peut tuer... L'amour c'est une maladie incurable, qu...