8 - ON RECOMMENCE A ZÉRO

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      En rentrant, j'appelle Hayat pour tout lui raconter, on décide de se voir ce week-end. J'irais chez elle samedi soir.

La semaine se termine, je n'ai aucune nouvelle de Yacine. Je ne l'ai pas croisé une seule fois après sa « révélation ».  Jeudi j'ai été mangé dehors avec deux copines de mon ancienne école d'esthétique, l'une d'entre elle vend sa voiture, une Twingo. Elle me dit que je peux la payer en plusieurs fois et qu'elle peut me la laisser à la fin du mois.

C'est super, je suis trop contente. Je vais ENFIN avoir un moyen de m'évader de ce quartier de merde !

J'essaie de tout faire pour ne plus penser à lui, j'occupe chaque moment que j'ai de libre pour ne pas replonger. Mon appétit a disparu, je dors très mal et n'arrive plus à rire. J'ai recommencé à emmener mon frère à l'école tous les matins, je m'occupe de la maison et essaye de passer plus de temps avec mon père (en passant, qui ne semblait pas se préoccuper de moi, ni de mon frère d'ailleurs). Bref, j'ai tout fait pour ne pas me morfondre et pour oublier que j'ai le cœur brisé et ensanglanté.

Samedi. Je décide d'aller faire les magasins avec mon petit frère. Après un long débat, Amir et moi nous mettons d'accord pour aller au centre commercial d'Aulnay-Sous-Bois, O'Parinor. Ça sera l'occasion de bouger du quartier, de se changer les idées, de lui faire plaisir et de me faire plaisir aussi.

On descend les marches pour sortir de notre immeuble. Comme presque tous les jours, Marvin et Loïc sont adossés au mur de notre hall. Ils doivent être un peu plus âgés que moi. Marvin habite au 2e et Loïc au 4e. J'ai l'impression qu'ils gardent notre bâtiment. Ils ont essayé plusieurs fois de me parler mais j'ai toujours réussi à écourter nos échanges. Ils m'aident souvent à monter les courses. Mon frère leur sert la main mais moi je me contente de leur dire bonjour.

Je ne veux pas faire comme toutes les filles de mon âge, je ne veux pas me faire d'amis ici et encore moins d'amis mecs.

Ils doivent penser que je me prends pour une star mais je m'en fous.

On prend le bus. Si j'avais une voiture ce serait plus simple. Trente minutes de trajet plus tard, on arrive au centre commercial et on se promène dans les différentes boutiques. Je salue d'un sourire quelques personnes de mon quartier. Je ne les connais que de vue, mais on se croise assez souvent.

Amir me dit qu'il veut une paire de Nike. On va donc dans un magasin qui en vend. J'essaie de lui acheter tout ce qu'il me demande, je veux pallier le manque qu'il a de notre mère. Je ne veux pas qu'il envie ses copains.

En entrant dans la boutique, je reconnais sa silhouette, même s'il est de dos, je sais que c'est lui.

Yacine parle avec deux mecs. Un des deux me regarde, avant que Yacine n'ait le temps de se retourner, je me faufile rapidement derrière un présentoir de baskets.

Mon cœur bat, je tremble, j'ai chaud, j'ai froid, mais je fais semblant de ne pas l'avoir vu. Je suis sûre qu'il savait que j'étais là. Est c'qu'il m'a vu prendre le bus ? Est c'qu'il nous a suivi ? Je chasse cette idée de mon esprit pour poursuivre ma recherche de baskets en suivant Amir.

Je demande à un vendeur la taille de mon frère. Je sens quelqu'un s'approcher de moi. C'est lui, lui, toujours aussi beau... Il sert la main de mon frère et se tourne vers moi pour serrer la mienne.

J'hésite un peu mais fini par lui tendre ma main.

- « Bien ou quoi ? »

Il me parle comme si de rien était, comme si j'étais son pote. J'ouvre grand les yeux, le contact de sa peau sur la mienne me donne des frissons. En voyant ma stupéfaction, il me fait un grand sourire qui laisse apparaitre ses dents blanches.

Confessions d'une Banlieusarde - Lehya SaïdiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant