69 - FIN DU GAME

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Je range précieusement mon téléphone dans la poche arrière de mon jean. Je ne sais pas encore ce que je vais faire avec. Machinalement, j'insère une pièce dans la machine à café et appuie sur un bouton au hasard.
Je ne pense plus à rien et regarde dans le vide. Je n'arrive pas à réfléchir. Sanah me ramène à la réalité en me demandant :

-"Tu vas faire quoi maintenant ?"

Les yeux dans le vide je lui réponds en chuchotant :

-"J'sais pas..."

Je récupère ma boisson chaude, Sanah ne veut rien. On retourne dans la chambre en silence.
J'ai de plus en plus de mal à le voir comme ça. Je m'approche du lit et m'assoie sur la chaise, je le regarde respirer. À chaque fois que ses paupières bougent je me redresse espérant qu'il va enfin ouvrir les yeux et s'expliquer.

Des images de Yacine et d'une autre fille couchant ensemble tournent en boucle dans ma tête. Je ne sais pas à quoi elle ressemble mais mon esprit l'imagine blonde et très belle. Comment faire pour que ces images arrêtent de me hanter. Je suis épuisée, j'aimerai éteindre mon cerveau, mais c'est impossible.

Nous restons là plus d'une heure sans parler, Kamel passe son temps à envoyer des sms, Sanah est debout à coté de moi. Il est pratiquement 15h quand ils décident de partir. Kamel range son téléphone et dit :

- "On doit y aller."

Sanah le regarde, pose sa main sur mon épaule et se baisse pour me faire la bise.

-"Bon courage, si tu as besoin tu nous appelles..."

Je me lève et leur souris. Kamel fait le tour du lit et vient me faire la bise. Je n'ai pas eu la force de reparler du "viol" qu'il aurait commis .

-"T'inquiète pas, ça va aller".

Plus on me dit que ça va aller, plus je doute. Je reste debout et les regarde sortir de la chambre. Je suis seule, debout, dans cette pièce. Mes yeux parcours son corps. Qu'est ce que je fais encore ici ? Je prends mon téléphone et regarde le numéro que Sanah vient de me donner. Est ce que ça vaut la peine que je remue ciel et terre pour découvrir la vérité ? Il m'a humilié, tout le monde est au courant.

J'ai lu les messages dans son téléphone, il m'a menti, il m'a trahi et une autre porte son enfant... J'efface le numéro de cette fille et je quitte la chambre, d'un pas décidé, sans me retourner.

Je sais que j'ai du me le dire au moins mille fois mais stop, fin du game. Je ne peux plus aller plus loin avec lui. Je veux me reconstruire, je veux respirer de nouveau, je ne veux plus pleurer et avoir mal. J'ai peur de tout accepter par amour pour lui, je ne peux pas (plus) faire ça. J'ai déjà accepté beaucoup de choses et en trois mois j'ai l'impression d'avoir vécu dix ans.

Je marche vers ma voiture, quelques mecs du quartier sont encore là, assis sur un banc. Ils me regardent passer en me faisant signe de la tête. Je baisse les yeux et déverrouille les portes.

Je veux tirer un trait sur tout ça, tirer un trait sur la plus grosse erreur de toute ma vie. Je reste un moment assise au volant. Je me laisse tomber sur le siège et regarde droit devant moi. Je réfléchis à ce que je dois faire, quel est le meilleur comportement à avoir maintenant ?

Je dois trouver une solution pour ne plus le voir, je dois disparaître, être loin de lui. Mon père part dans deux mois, je vais être seule et je ne veux plus être une proie pour lui. Je ne veux plus habiter la bas et risquer de le croiser tous les jours.

Je parcours mon répertoire sans trop savoir pourquoi, quand mes yeux s'arrêtent sur le prénom Janeh. Je ne réfléchis pas et l'appelle, j'ai peut être encore une chance de trouver la meilleure solution. Elle m'avait parlé d'une vieille dame qui habitait dans le 16e arrondissement de Paris et qui cherchait quelqu'un pour lui tenir compagnie.

Confessions d'une Banlieusarde - Lehya SaïdiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant