Confessions d'une Banlieusarde - Lehya Saïdi

72 - REUSSIR ET ETRE HEUREUSE

Juillet 2013 - Paris
Plus de trois mois sont déjà passés.
Mon père et mon frère sont partis s'installer à Oran. Leur appartement est dans le même immeuble que celui de ma tante et est très confortable, il y a même une chambre pour moi. Nous sommes pratiquement tous les soirs sur Skype et je vis plutôt bien l'éloignement. Je me sens libre et je n'ai plus aucune responsabilité. J'ai déjà été les voir deux fois depuis leur départ. Mon père a appris qu'il avait le droit à une pension grâce au travail de ma mere et il ne veut plus travailler (c'est vraiment très peu mais il a l'air de s'en contenter...). Mon frère s'est inscrit à l'école française pour la rentrée de septembre et semble bien apprécier sa nouvelle vie. J'ai gardé l'appartement de mon père, il y reçoit toujours son courrier et je gère tout l'administratif. Ça me permet aussi de m'évader quand je le veux et retourner au quartier. C'est un paradoxe, avant je voulais m'évader en quittant le quartier et aujourd'hui, quand j'en ai marre de Paris je dors chez mon père.

Je vis toujours chez Yvette dans mon petit studio. C'est devenue ma petite Yvette, elle est de bons conseils et m'écoute quand j'en ai besoin. On a trouvé nos marques et notre cohabitation est fluide et complice.

Je travaille toujours à l'institut de beauté, j'ai mes clientes fidèles et fais des domiciles pour me faire plus d'argent. Mes collègues sont géniales et c'est avec elles que je passe tout mon temps.

J'ai été voir Khaled deux fois. Il va bien et son jugement a lieu en septembre, enfin ! Il a deux très bons avocats qui selon eux peuvent tenter de le faire sortir rapidement. On croise les doigts.
La dernière fois que j'ai été il m'a demandé de l'attendre. Je lui ai fait comprendre que je le considérais comme mon frère et que c'était impossible pour moi de me projeter avec lui. Depuis je n'y suis pas retournée et il ne m'a plus appelé. Il m'a dit que Hayat était venu le voir une seule fois mais qu'il n'avait plus de nouvelle. Depuis, je ne sais pas si ils se sont vu.
J'ai été plusieurs fois voir Fatiha, elle ne parle toujours pas à sa fille et ne veut plus entendre parler de son fils. Je ne sais pas ce qui s'est passé mais je sais que Hayat ne vit plus chez ses parents. On s'est parlé par texto quelques fois. Elle sait que je sais qu'elle sort avec Jonathan, on n'en a jamais parlé. Ça ne me fait rien puisque je n'ai plus de sentiment pour Jonathan depuis bien longtemps, mais c'est quand même dégueue. Je suis au dessus de tout ça maintenant. J'ai fait un gros travail sur moi et mon objectif numéro un est de mettre un maximum d'argent de côté pour ouvrir mon propre institut de beauté. Je veux réussir et être heureuse.

Quant à Yacine, je ne l'ai toujours pas revu. Je n'ai pas insisté pour aller le voir. J'ai réussi à gérer ma tristesse et j'essaie de me faire une raison. Chaque jour je pense à lui et je me dis que c'est un amour impossible. On s'est abandonné l'un l'autre. Il ne veut plus me voir et moi je suis toujours entre haine et amour. Je sais, même apres plusieurs mois, j'ai du mal à faire face à mes sentiments et à me raisonner. Qu'est ce qui m'a fait pour que je ressente ça.
Pourquoi depuis tout ce temps je n'arrive pas à l'oublier?

J'ai gardé contact avec Sanah et Kamel. Je les vois souvent. Ils sont ma seule famille (avec Yvette maintenant). Kamel est notre" facteur",  il prend son rôle à coeur et c'est par son intermédiaire qu'on se donne des nouvelles avec Yacine. Je n'ai pas ré entendu sa voix depuis la dernière fois que je les vue.
Il a eu du mal à se remettre de ses blessures. Il est sorti de l'hôpital le mois dernier et a été directement au Maroc. Il fait sa rééducation la bas et selon Kamel, se refait une santé.
Mon coeur est apaisé de le savoir chez ses parents et en bonne santé.

------------------------------------------------------------------------------

Samedi 20 juillet 2013.

Je finis le travail à 19h00. Je suis en vacance dans deux semaines et ça fait plusieurs jours que je me demande si je pars en vacance avec Fanny ou si je vais en Algérie. Je pianote sur mon ordinateur pour voir les destinations possibles.
Mon téléphone sonne : Sanah.
Je décroche :