Chapitre 3

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La balle pénétra sous ma cage thoracique, l'angle de tir ayant permis au projectile d'éviter les os. La douleur se répandit tel un tapis de flammes dans mon corps au moment où je tombai en arrière et touchai le sol. En essayant de me relever, un grand froid s'empara de moi, et j'arrêtai tout mouvement, exerçant un contrôle surnaturel sur tous mes muscles. La balle avait dû effleurer un ventricule avant de buter contre mes côtes et un éclat s'était sûrement aventuré plus profondément dans mon coeur. La balle étant en argent, si le bout de métal continuait sa route, je mourrai. Je pris à peine une respiration avant de parler :

— Eclat dans le coeur. Je bouge, je meurs.

Je savais que Natasha ferait le nécessaire pour appeler les secours. Je plongeai donc en transe afin d'arriver à un contrôle total me maintenant en vie.


La douleur me fit sortir de mon état second. J'émis à peine un son puis ouvris les yeux. Natasha était penchée sur moi, un couteau d'office à la main. Lorsque qu'elle sentit mon regard, elle tourna la tête vers moi.

— Je garde la plaie ouverte en attendant que les secours arrivent.

Puis elle me regarda avec des yeux de louve :

— Tu n'es pas humain. Tu sens le loup...et quelque chose d'autre.

Je ne prenais même pas la peine de répondre, c'était inutile.

Au cours des minutes qui suivirent, Natasha tourna le couteau dans la plaie au sens littéral du terme, car si la blessure avait commencé à guérir, il aurait été beaucoup plus compliqué de ressortir la balle. J'entendis soudain des bruits de pas et Natasha tourna la tête, sans se crisper cependant. Elle devait reconnaître l'avalanche d'odeurs qu'elle sentait, et il est vrai qu'il y avait un point commun entre la fragrance de mon amie et celle globale du groupe qui venait d'arriver. Nat se leva et regarda le leader des secours qui n'était autre que son frère jumeau, Kyle.

— Nous avons été attaqués par une escouade de White Hats. Sans Corwyn, je serais morte. Mais il a pris une balle qui a frôlé son coeur et un éclat s'y est enfoncé, expliqua-t-elle en me regardant.

Beaucoup de choses étaient passées dans ces quelques phrases. Entre autres le fait que je n'étais pas humain. Son frère hocha simplement la tête et fit un signe à un homme qui se trouvait hors de mon champ de vision. Son odeur, pleine d'herbes, de pierres et d'encens, m'apprit que c'était un mage, et son aura était puissante malgré son jeune âge. Il semblait timide, mais dès qu'il commença à travailler, son visage se fit beaucoup plus sérieux.

— Je suis un mage guérisseur, m'expliqua-t-il, sûrement pour m'apaiser. Je vais extraire la balle en me servant de mon pouvoir et cela ne devrait pas causer de dégâts supplémentaires.

J'essaya de ne pas relever le « devrait » et attendit qu'il commence. Je ne m'étais pas attendu à quelque chose en particulier, mais la douleur qui m'empoigna le coeur me coupa le souffle et le mage m'offrit un regard désolé.

— Oui, ça fait mal. Et je ne peux pas vous garantir que ce sera rapide.


En effet ce fut long et terriblement douloureux. Je retins mes cris et mes grognements par pudeur et fierté face à ce groupe de loups. Mais plus que tout, ce fut le regard fuyant de Natasha qui me brisa le coeur. Pendant que je sentais mon corps attaquer le métal et le repousser hors de moi grâce à l'aide du mage, ses yeux fuirent les miens, refusant de m'apporter le soutien que je lui quémandais. Alors je me contentais de fermer les paupières, encaissant la douleur.

Je dus perdre connaissance car je me réveillai dans une chambre qui n'était pas la mienne. Je me relevai et grognai, une douleur m'empoignant la poitrine. Les blessures par argent étaient douloureuses et relativement longues à guérir, et celles au coeur étaient pires que tout, quand elles n'étaient pas tout simplement mortelles. Je m'estimais déjà heureux d'être encore en vie à l'heure actuelle. Je posai précautionneusement mes pieds au sol et continuai de m'appuyer sur le lit. Ce faisant, j'observai la chambre dans laquelle j'avais atterri. Le mobilier était simple mais élégant et de qualité, une chambre pour les invités, de toute évidence. Mais malgré le fait qu'elle n'était de par sa fonction assez peu occupée, l'odeur de la meute l'imprégnait. Je soupirai. Moi qui avais à tout prix évité les contacts avec les loups...

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