Dès mon réveil le lendemain, je m'attelai à mes différentes tâches, à commencer par la rédaction du discours que j'allais devoir faire lorsque j'irais à Paris. Lors de temps troubles comme celui-ci, il était d'usage que les Lords s'expriment face à leur famille de façon officielle. Fédérateur, cet exercice permettait également de transmettre directement les ordres à appliquer, sans qu'ils ne passent par un intermédiaire, risquant alors d'être déformés.
Cependant, je tournai rapidement en rond, ne parvenant pas à coucher mes idées sur le papier. Après avoir fait le désagréable constat que j'étais seul à la villa, et qu'il n'y avait donc personne pour me changer les idées, je décidai de sortir, prenant mes couteaux au passage. Je partis vers le bois en trottinant, appréciant la légère bruine qui tombait.
Comme à mon habitude, je m'échauffai en réalisant quelques enchaînements, lançant mes lames avec force dans un tronc d'un arbre. J'utilisai ensuite différents couteaux gravés de runes, veillant au bon fonctionnement des sorts qu'ils renfermaient.
La magie runique avait cette particularité de pouvoir imprégner des objets. Cela renforçait ses effets, et permettait également aux jeunes vampires d'utiliser des sorts. Liés à moi, ces sorts s'activaient lorsque je leur insufflai l'énergie nécessaire. Cette activation était également reliée à un geste, propre à chaque sort. Pour le sort d'entrave contenu dans quatre de mes couteaux, il s'agissait d'une torsion du poignet, similaire à celle qu'on faisait pour tourner une clef dans une serrure. Si j'avais besoin de quatre lames pour ce sort, c'est car il était relativement complexe, et de si petits objets ne pouvaient contenir la puissance des runes nécessaires à son tissage, du moins, pas individuellement. C'est pourquoi le sort était séparé en quatre parties, toutes essentielles à son bon fonctionnement. D'autres tissages plus basiques n'avaient pas nécessairement besoin d'être fractionnés. Cela dépendait également de l'habilité du tisseur, et de sa capacité à faire des sorts complexes avec un minimum de runes. Les runes étaient un véritable langage, et pour tisser un sort, il suffisait d'exprimer son intention le plus clairement et simplement possible. Il s'agissait d'une magie assez peu flexible, mais extrêmement puissante, particulièrement efficace pour les sorts de protection, ou d'entrave. Magie vivante, elle était cependant sensible au sabotage de tisseurs plus puissants. Ainsi, pour contrer un sort, il suffisait de rompre les motifs runiques qui le composaient, en altérant quelques runes. Pour s'en protéger, les tisseurs avaient recours aux complexifications. Il s'agissait d'autres alphabets, de plus en plus complexes et difficiles à maîtriser, qui protégeaient le motif de base. Ainsi, l'intention du sort était toujours contenue dans la première complexification, les suivantes visant simplement à le renforcer, ou le protéger. Car pour briser un sort, il fallait connaître suffisamment les différentes complexifications afin d'altérer les runes de la bonne manière. La magie runique était donc un art particulièrement difficile et délicat, et beaucoup de vampires mourraient avant d'avoir pu le maîtriser convenablement. Mon père excellait en la matière, et possédait une maîtrise parfaite des sept complexifications qui existaient. Très peu de vampires pouvaient maîtriser la septième complexification, qui nécessitait une prédisposition naturelle à l'art runique. Ceux sachant la tisser possédait donc un avantage colossal face aux autres tisseurs, puisque leurs sorts ne risquaient pas d'être contrés. C'était pour cela que les tissages de mon père étaient si réputés, et que les différents sorts qu'il avait tissé dans mes couteaux étaient si puissants. Il m'avait transmis une partie de son savoir, et compilé le reste dans d'innombrables volumes qui occupaient une bibliothèque entière, à laquelle moi seul avait accès. à l'hôtel particulier de ma famille, à Paris. Quand bien même j'avais hérité de son grand potentiel, je parvenais à peine à appréhender la septième complexification, et je devais donc récupérer certains volumes afin de m'entraîner.
Cependant, même si je ne pouvais pas encore tisser de sorts moi-même, étant trop jeune, je pouvais, comme tous vampires, activer des sorts en dormance, ou les détisser. Ma connaissance des complexifications m'avait donc déjà été utile à de maintes reprises. Les travailler avait également toujours été un exercice source d'apaisement pour moi, et cela me permis de rassembler mes esprits. Lorsque je rentrai dans la villa, j'étais donc bien plus concentré et apte à travailler.
VOUS LISEZ
Silver Lake
FantasyCorwyn Alucard fuit depuis maintenant trois longues années les vampires à ses trousses. En arrivant à Silver Lake, il ne pensait pas que les évènements prendraient cette tournure. Maintenant, il est presque prisonnier de cette ville et de sa meute d...