Le lendemain, il me fallut une adaptation au réveil. Me réveiller dans un endroit quasi inconnu n'était pas dans la liste des choses que je préférais. Je pris le temps de m'habiller en faisant attention à ma blessure qui, fort heureusement, guérissait vite. Je descendis ensuite au rez-de-chaussée et me dirigeai vers la cuisine. La maison était silencieuse et paraissait vide aussi fus-je surpris d'y trouver Alec attablé, une tasse à la main, le journal dans l'autre. Je me fustigeai mentalement de mon inattention.
A mon entrée dans la pièce, le loup releva la tête et m'offrit un sourire chaleureux.
— Bonjour Corwyn. Je t'en prie, sers-toi, le café est encore chaud, fit-il en me désignant une cafetière après avoir reposé son propre breuvage.
J'acquiesçai avant de prendre place en face de lui et de me servir une tasse du liquide brûlant qui sentait d'ailleurs divinement bon. Je piochai ensuite timidement quelques morceaux de brioche dans la panière située en face de moi, les trempant dans mon café et savourant la nourriture.
Un moment s'écoula tandis qu'Alec alterna des regards appuyés dont je pouvais sentir le poids et la lecture de son journal. Enfin, il finit par prendre la parole :
— Alors comme ça, tu es un hybride ?
La question tant redoutée avait fini par surgir. Je déglutis difficilement et le regardai dans les yeux. Il dut y voir un brin de panique car il me rassura d'une voix douce :
— Ne crains rien. La maison est vide, il n'y a que toi et moi, dit-il avec un sourir engageant.
Je pris le temps de réfléchir à ce que j'allais dire et il me laissa le temps dont j'avais besoin.
— Oui, déliai-je enfin ma langue. Je suis vampire par mon père, loup-garou par ma mère. Vous l'avez deviné à mon nom de famille.
Ce n'était pas une question mais bien une affirmation.
— Intéressant. Les hybrides de ta nature sont rares, et puissants. Ce sont tes pouvoirs vampiriques qui t'ont permis de te cacher de nous ?
J'hésitai encore à dévoiler un autre de mes secrets. Mais je jugeai que je le lui devais, étant donné que sa meute m'avait soigné et accueilli le temps de ma rémission.
— Oui.
— Hmm, se contenta-t-il de répondre en hochant la tête. Nous allons peut-être garder ce petit secret, n'est-ce pas ? Les loups ne portent pas tellement les vampires dans leur coeur.
C'était à mon tour de hocher la tête. Une guerre de plusieurs milliers d'années opposaient vampires et loup-garous, et les hybrides de mon espèce étaient bien souvent persécutés par leurs deux « familles ».
— Une dernière question. Comment fais-tu pour étouffer ton aura d'Oméga à tel point que les loups autour ne la sentent pas ? J'ai moi-même failli la manquer et Natasha, pourtant très sensible, qui t'a côtoyé pendant un petit moment, ne s'en est jamais rendu compte consciemment, bien que ta présence l'apaisait.
Je grommelai intérieurement. Bien sûr, je me doutais qu'il poserait une question de ce genre. Alec Markham était un homme intelligent. Evidemment, je ne pouvais pas l'esquiver, j'étais persuadé qu'il deviendrait encore plus curieux autrement.
— Je peux inhiber mon héritage lupin en exacerbant le vampirique. C'est aussi ce qui me permet de masquer mon odeur, avouai-je à contrecoeur.
Markham me fixa d'un oeil pensif, le menton posé dans sa main.
— Je vois. Bon, dit-il en se levant, je dois passer à mon bureau mais j'attendais que tu sois levé avant de partir. Kyle devrait revenir en milieu d'après-midi, en attendant, tu es seul. Comme d'habitude, Adele a fait des proportions gargantuesques de nourriture, donc tu ne mourras pas de faim. Tout est au frigo, tu n'as qu'à faire chauffer au micro-ondes.
— D'accord, fis-je en acquiesçant.
Alec pencha la tête sur le côté, comme s'il réfléchissait, puis tourna les talons. Au moment où il franchissait le seuil de la cuisine, il se retourna, revint vers moi et se pencha pour me déposer un baiser sur le front. Je restai interdit alors qu'un sourire doux et possessif se peignait sur ses lèvres.
— Bonne journée Corwyn.
Ce genre de geste chez un loup Alpha était un signe évident de possession et d'amour. Alec Markham m'avait plus ou moins placé sous sa protection. Cela me faisait ressentir une frousse terrible, mais en même temps, je n'avais pas été aussi apaisé depuis longtemps.
Mon petit-déjeuner fini, je résistai à la tentation m'envahissant qui m'incitait à fouiner dans la maison. Cela n'était pas correct, je me devais de rester à mon rôle d'invité de la meute. Pour m'occuper, je remontai dans ma chambre et ouvris mon sac avant de me servir des petites pochettes contenant mes couteaux de lancer. Je n'avais pas eu l'occasion de m'entraîner autant que je le voulais ces derniers temps et je comptais bien y remédier.
Je descendis donc après m'être revêtu d'un des pulls laissé à mon intention dans l'armoire. Je me rendis dans la cuisine où j'avais remarqué une porte donnant vers le jardin. Après être sorti, j'étais forcé d'admettre que ça tenait plus de la forêt que du simple jardinet. La première partie de la zone formait un magnifique jardin de plusieurs centaines de mètres carré, organisés en jardins « à thème » avec une pelouse d'un vert brillant qui me rappelât celle du manoir familial. Derrière s'étiraient ce qui semblaient être des hectares de forêt. La villa de la meute se trouvant en bordure de ville, une bonne partie de la forêt s'étendant à l'ouest devait être sur leur terrain. Cela leur permettait notamment de chasser tranquillement, je pense.
Je me dirigeai en trottinant vers l'orée du bois, appréciant de me délier les muscles. J'avais accroché mes lames à mes cuisses et mes avant-bras. Mon équipement habituel, six couteaux à chaque cuisses, quatre à chaque bras. D'habitude j'avais deux lames plus grandes au creux des reins, mais je n'avais pas prévu de les utiliser lors de ma séance aujourd'hui. Me trouvant un arbre qui me laissât une zone confortable de tir, je commençai mon entraînement, alternant le côté droit et le gauche. Au début, ma précision était, autant le dire, assez approximative et cela me faisait, autant l'avouer, assez râler. Je m'appliquai donc et je retrouvai bien vite le calme que m'apportait un entraînement aux couteaux. Ramassant l'ensemble de mes armes, je me préparai à l'enchaînement nécessitant l'utilisation de mes vingt couteaux. Je commençai à droite avant de me feindre vers la gauche et d'enchaîner du côté droit, puis effectuai une roulade avant de lancer une lame de la main gauche et une autre de la main droite en me relevant. Cette danse continua jusqu'à l'épuisement de mes munitions et je constatai avec ravissement que la totalité des couteaux était plantée dans le tronc, désormais marqué d'une multitudes de petites fentes.
Reprenant mon souffle, ma blessure en cours de cicatrisation se rappela à mon bon souvenir. L'adrénaline avait endigué le flot de douleur et je grimaçai en sentant les vannes se rouvrir. Détachant l'ensemble des armes de l'arbre, je retournai à l'intérieur de la bâtisse non sans avoir vérifié que je n'avais pas, malgré mon exercice physique, laissé trop d'odeurs dans la petite clairière.
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Silver Lake
FantasyCorwyn Alucard fuit depuis maintenant trois longues années les vampires à ses trousses. En arrivant à Silver Lake, il ne pensait pas que les évènements prendraient cette tournure. Maintenant, il est presque prisonnier de cette ville et de sa meute d...