Chapitre 19 - Mystères d'une grotte (1)

14 3 7
                                    

L'homme bleu avait le souffle coupé. Il y était ! Seul, dans l'antre mystérieuse. Seul, dans ce lieu mystique. Seul, c'était l'homme bleu. Il n'en revenait tout simplement pas !

Contrastant superbement avec la lumière éclatante de l'extérieur, l'obscurité nauséabonde de l'antre pouvait rappeler les clairs-obscurs énigmatiques des vanités baroques. Des parois rugueuses et rèches, agréablement fraîches.

Aucune lumière.

Un trésor était là, à quelques pas... Tendre la main. Mais sans lumière, il était inaccessible.

L'homme bleu se sentit alors immensément frustré. Il chercha en tâtonnant. Mais rien ! Et que cherchait-il au juste ?

Le secret de Zerzura... Sous quelle forme était-il dissimulée ? Et... Quelqu'un avait-il habité ce réduit immonde ? Était-ce là qu'avaient vécu Tarana et sa famille ?

Tout cela relevait du surnaturel. L'homme bleu, excedé par cette difficulté inattendue, s'assit à terre et plongea sa tête entre ses mains.

Ce fut alors qu'il entendit un cri venant du dehors. Curieux, il s'approcha et parut à la lumière. D'abord aveuglé, il commença par reculer. Puis vit : ces compagnons, plus bas, le hélaient pour savoir si tout se passait bien. L'absence de nouvelles avait dû les inquiéter. D'un grand geste, leur chef les rassura. Puis curieux, il jeta un regard circulaire à la vallée.

Un peu plus bas, Tarana reprenait conscience dans les bras de Meltiti.

Encore plus bas, les hommes de Tamanssaret s'étaient arrêtés dans un chemin secondaire et paraissaient attendre, cachés, que les touareg soient descendus.

Tout était calme. En réalité on n'attendait que lui. Au sommet. L'homme bleu.

Comprenant alors qu'il lui fallait se dépêcher, il retourna dans la grotte. L'air frais et l'ombre lui permirent d'enlever son chèche et de mieux voir. Maintenant, il pouvait distinguer une étrange raie de lumière, si faible qu'on la voyait à peine. L'homme bleu s'y précipita et s'écria soudainement :

- Une porte !

Moins qu'une porte, c'était plus une épaisse pierre qu'il fallait pousser. Un étrange paysage se dessinait alors aux yeux de notre homme. Des conduits naturels amenaient la lumière et une ou deux fentes dans la roche apportaient l'éclairage du soleil. Vers le haut, une cheminée devait mener à un autre chemin, voie qu'ils auraient pu prendre mais que Tarana ne leur avait pas montrée.

La pièce était propre. On devinait qu'aménagée elle pouvait se révéler un fort agréable habitat. Mais la pièce était vide.

- En réalité le mystère se poursuit. Ton grand-père, Tarana, tenait au secret de Zerzura et il n'est pas étonnant que les sahariens aient été jusqu'à douter de l'existence de cet oasis.

Un peu plus loin, une deuxième cavité, toujours éclairée par cet extraordinaire jeu de lumière, révéla une sibylline cassette poussièreuse.

- Le seul véritable meuble de cette grotte... Murmura le soldat.

Le cœur battant, le souffle court, il l'ouvrit précautionneusement. Souffla sur la poussière... Et ne découvrit qu'une poignée de vieux bibelots.

Point de cartes,
Point de dessins,
Point de testaments.

Des bibelots.

Troublé, l'homme bleu sortit alors chaque objet pour les regarder attentivement. Ils n'étaient même pas gravés !

Quelque chose n'allait pas, augmentant encore le sentiment de frustration de l'homme bleu. Il s'adossa à la paroi comme pour mieux réfléchir, une coupe bronzée à la main.

- J'ai deux choix : ou la réponse est sur ses objets hétéroclites, ou sur... Ou ses objets hétéroclites ne sont là que pour dissimuler la réponse.

Il s'accroupit, posa ses deux mains sur le coffre et poussa brusquement en s'écriant :

- Réponse qui se trouverait donc sous cette... Cassette !

La place découverte dévoila une dalle plus sombre que le reste de la grotte. L'œil du français brilla, victorieux. Pinçant ses lèvres, il se saisit du pied courbé de la coupe comme d'un levier et tira pour soulever la dalle. Ces victoires ajoutées les unes sur les autres faisaient grandir en lui l'impatience et la fierté.

Et cette fois-ci on y était : il y avait bien là une trentaine de parchemins conservés dans deux amphores. Et... Le trésor était là, bien là au creux de cette dalle. Une seconde réussite.

- Et c'est moi qui ait remporté cette seconde manche, murmura l'homme bleu avec émotion.

Il descendit dans la cachette pour se saisir des deux amphores et les relever à terre. En remontant, il s'accroupit sur le sol et sentit l'émotion l'envahit tout à fait.

Incapable de bouger et ses membres aussi mous qu'une purée, il restait là à regarder sa victoire...

***

- Tarana, disait Meltiti. Tarana, vas-tu mieux ?

- Je vais mieux. Où... Où sont les autres ?

- Les autres sont montés à la grotte. Mais tu es trop fragile pour les suivre.

- Je... Je voulais voir.

- Alors raconte-moi et tes souvenirs reviendront, tu verras.

- Conter ? Que savez-vous ?

- On sait que c'est la grotte où tu as vécu.

- Meltiti, tu te dis que c'est haut.

- Je me demande comment vous faisiez pour y accéder chaque jour.

- C'est là où j'habitais. Une grotte où la lumière perçait à travers des fenêtres naturelles. Grand-père habitait là-haut, seul.

- Je sais.

- La suite je ne l'ai jamais raconté. C'est mon secret. Mais aujourd'hui vous m'arrachez mon secret. Vous m'arrachez mon enfance. Je cultivais ces souvenirs gentiment : maintenant Meltiti, je vais tout récolter, je vais tout faucher pour que vous sachiez tout. Plus de secret.

- Si tu veux te taire, tais-toi.

- Il ne sert plus à rien de se taire, Meltiti. C'est en haut que j'ai grandi. La rampe était en bon état et, grands montagnards que nous étions, nous la franchissions aisément. Pour faire le tour du cirque par le haut, il y avait néanmoins un autre chemin qui suivait les crètes. Il était beau ce chemin. Il était beau ce chemin.

Elle se tut un instant avant de reprendre plus vivement :

- Mes parents, je ne les connais pas !

Ses yeux étincelèrent sauvagement, ses poings se serrèrent et elle prit son temps pour reprendre son récit :

- Je ne connais que mon grand-père car mes parents m'ont abandonnée à lui quand je n'étais qu'un nourisson. Tu vois Meltiti. Le mystère qui m'entoure, entoure aussi mes souvenirs. Où que l'on creusera, il y aura toujours du mystère... Mes parents, je ne les connais pas !

L'Homme bleu ou Histoire d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant