Chapitre 21 - Poison (2)

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Nul n'avait réagi à sa question. L'homme bleu les avait toisés du regard avant de cracher :

- Soit. Je mènerai ma propre enquête et vous êtes tous en droit de m'aider. Si quelqu'un a le moindre soupçon qu'il me le dise et...

Le masque de dureté se déchira soudainement et l'homme bleu dut se retourner pour cacher son désespoir. Les émotions le malmenaient en tous sens comme cela ne lui était jamais arrivé. Il en était absolument terrifié.

Meltiti, le seul en qui il avait quelque confiance, s'approcha et vint poser sa main sur son épaule :

- Reposez-vous, mass. Vous avez passé le jour éveillé alors que nous dormions. Je m'occupe de tout.

Sans attendre un seul mot de plus, le jeune français s'élança, droit devant lui, marcher dans ce désert nocturne. La fatigue et un peu d'agacement guidaient ses pas, maintenant. Il s'assit derrière une dune.

Les touareg s'étaient retrouvés seuls avec Meltiti et le corps tressaillant de Tarana.

- Qui l'a empoisonnée ? Cria le pisteur. Qui ?

- Qui aurait raison de le faire ? Gémit le targui qui avait cuisiné la veille.

Tous les regards obliquèrent instantanément vers lui tandis qu'on le toisait. Meltiti murmura :

- Un traître. Un targui à la solde des français aurait tout intérêt à le faire.

- Et pourquoi ? Poursuivit-il dans un deuxième gémissement.

- Parce que Tarana... Oh Dieu et je suis le seul à... Oh Dieu !

Soudainement bouleversé, Meltiti voulut lui aussi s'enfuir. Il jeta :

- Rangez tout ! Je reviens...

Et il s'enfuit rejoindre l'homme bleu songeur caché derrière sa dune. Il s'assit simplement à ses côtés avant de murmurer d'une voix étranglée par l'émotion :

- Tarana... Oh maintenant je sais pourquoi on a cherché à la tuer. Zerzura a un poids important... Mais elle... Oh elle c'est une princesse !

- Que dis-tu ? S'étonna doucement le français.

- Tarana, Tarana est la fille de...

- Elle ne sait pas qui sont ces parents alors pourquoi ne lui avoir jamais parlé ?

- Tarana est la fille du grand Amenokal.

- Comment le sais-tu ? Comment le sais-tu ?

L'homme bleu s'était redressé et avait attrapé la tunique du targui pour le secouer avec violence.

- Comment le sais-tu ?

- Calmez-vous... Calmez-vous ! Mass... Je... Je le sais parce que j'ai longtemps été au service du grand Amenokal. Il avait un cordon autour du cou avec une lune en pierre volcanique. Et une fois, une seule fois, je lui ai demandé ce que cela signifiait. Il m'a dit que seul lui et Tarana en avaient une. Le symbole de la dynastie la plus grande.

- Sait-il où est Tarana ?

- Il la cherche depuis trop longtemps et a presque désespéré de la retrouver un jour. Le hasard m'a mené à Tamanssaret. J'y ai retrouvé notre célèbre sorcière. Et alors que je m'apprêtais à lui révéler ses origines, un targui est venu me voir pour m'intimer de me taire. Je ne l'avais jamais vu et ne l'ai jamais revu.

- Oh ! Tarana tu es la fille de... Meltiti, emporte ce secret dans ta tombe, est-ce clair ?

- Pourquoi ?

- Je crois bien que cela te dépasse. Retournons voir les autres.

Lorsqu'ils passèrent la dune, les deux hommes eurent la surprise de voir tous les touareg autour du targui chargé de la cuisine qui lui donnaient des coups de pied. L'un d'eux s'écria :

- Mass ! C'est lui mass, c'est lui qui a cuisiné. Moi je savais que c'était lui, mass.

L'homme bleu vint s'accroupir auprès du suspect et demanda doucement :

- Est-ce toi qui l'a empoisonnée ? Tarana est précieuse, tu sais. Si nous pouvions éliminer la menace...

- Non, mass. Ce n'est pas moi je vous jure !

- Ils disent tous ça, dit Meltiti. Comment voudrais-tu qu'ils avouent leur trahison ?

- Adasir, c'est cela ?

- Oui c'est mon nom.

- Adasir dans le doute, je m'abstiens.

On entendit des grognements de la part des touareg.

- Adasir, tu continues avec nous, mais au premier geste déplacé nous t'abandonnons sur place. Est-ce clair ?

- Merci, mass.

- Je prends Tarana dans mes bras. Nous partons.

La jeune fille avait toujours le corps parcouru de spasmes mais qui résistait encore à la mort. Le français la prit tendrement entre ses bras et grimpa sur son mehari.

Pendant la marche, l'homme bleu s'était mis aux côtés d'Adasir et l'interrogeait :

- À quelle tribu appartiens-tu ?

- Celle de l'Amenokal, mass.

- Depuis quand ?

- Je ne l'ai jamais quittée, mass.

- Depuis quand connais-tu Tarana ? La première fois que tu as entendu son nom ?

- Mass, c'est pourtant évident ! Quand elle est venu demander l'aide à l'Amenokal avec mass Grandfort.

- Je vois... Tu n'es donc pas coupable.

- Mais je n'ai fait que cuisiné hier !

- Hier es-tu resté auprès du dîner pendant toute la préparation ?

- Mass, oui mais si le poison avait été glissé à ce moment là nous aurions tous été intoxiqués.

- L'évidence est là, simplement là. Maintenant il reste à savoir qui a versé le poison dans l'assiette de Tarana... Par qui est passé l'assiette...

L'homme bleu s'était mis à parler à lui-même, bas et pensif.

- En réalité par Adasir, un ou deux autres touareg, Meltiti, moi et Tarana, car nous faisions passer les plats et elle était à ma droite. Adasir n'est plus suspect. J'ai un mauvais pressentiment...

- Je ne suis plus suspect ?

- Ce serait étonnant, répliqua l'homme bleu.

Meltiti était devant, menant le groupe. L'homme bleu sortit sa boussole pour prendre la position et sourit.

- Meltiti ?

Celui-ci se retourna dans un sursaut et leva un sourcil interrogateur.

- Meltiti... Il faut savoir qu'Adasir n'est pas coupable et j'ai des doutes de toutes part soudain.

- Pourquoi cela ?

- Meltiti, as-tu vraiment confiance en moi ? Es-tu entièrement dévoué à notre cause ?

- Je ne comprends pas... Pourquoi cette question soudaine ?

- Tu as beaucoup voyagé ? Tu connais Tarana depuis longtemps ?

- Oui...

- Oh Meltiti est-ce toi qui...

L'homme bleu se tourna vers le visage de Tarana, toujours reposant entre ses bras. Elle était tranquille maintenant et Meltiti blêmit.

- Est-elle morte ?

- Meltiti dis-moi que ce n'est pas toi ?

- Mass, comment pouvez-vous poser cette question ! Mais elle, elle ! Était-elle morte ?

L'homme bleu passa sa main sous le nez de la belle et murmura ému :

- Oui...

L'Homme bleu ou Histoire d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant