Chapitre 11 - Pillage (2)

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L'homme bleu resta encore deux jours à vivre dans son coin sombre. Il parcourait quelquefois la ville, le visage masqué par un chèche noir et vêtu d'un burnou bleu très sombre qui ne lui était pas habituel. Il reprit quelques forces et put observer un peu le camp militaire. Deux jours.

Puis il s'équipa d'une solide corde et accrocha sous son burnou un pistolet et deux sacs. La nuit venait. Il avait résolu d'en profiter pour mener à bien son opération.

Il s'approcha des fortifications et les évalua d'un coup d'œil. Hautes, on aurait pu dire infranchissables mais aux audacieux il n'y a pas de frontières. Lui sourit.

Il se savait encore très faible pourtant, et le trou de la balle qui l'avait traversé n'était pas encore rebouché. Mais il décida de faire fi et, après avoir lancé la corde, commença son escalade.

Il parvint sans encombre au sommet des fortifications. Et d'ici, il surplombait tout juste la grange où se trouvaient les armes. Esquissant un sourire ravi, il se laissa glisser le long du toit jusqu'au sol, suivant la corde qu'il avait fait passer de l'autre côté. Tout se fit dans un silence épais. Beauvey était tranquille.

Il entra dans la grange et ne tarda pas à remplir les deux grands sacs qu'il avait avec lui. Le pistolet accroché à sa hanche glissa à terre sans bruit, il ne le vit pas. Et lorsqu'il se décida satisfait, il sortit prestemment. Cette opération s'était faite rapidement. Il sortit sans encombre également et, en passant devant chez El Touati, déposa les deux sacs devant sa maison avec un mot qui expliquait tout. Il revint dans son coin.

Non, le danger aurait pu venir d'ici mais ce furent les conséquences qui l'attrapèrent.

Au lever du soleil, les soldats s'apperçurent vite qu'il manquait une cinquantaine de fusils. La hiérarchie accourut et réprimanda ceux qui étaient de garde en les envoyant quelques jours aux arrêts. Puis Vermet, Albret et Montbert, les trois officiers les plus gradés à ce jour, se retrouvèrent dans l'armerie pour discuter de ce vol.

- Ce vol vient des rebelles, commença timidement Albret.

- Exact, mon capitaine. Il leur manque les armes. Ils sont prêts à la révolte. Et ils ont sûrement des espions dans toute la ville, réfléchit le commandant.

Mais le jeune lieutenant n'écoutait pas. Il passait entre les étagères en effleurant du bout des doigts le bois poussiéreux. Songeur. Il tentait de se rappeler ce qu'il savait sur ce vol : milieu de nuit, une corde, quelqu'un d'agile, rapide.

Son regard accrocha soudainement un objet dans un coin entre deux étagères vides. Une arme qui avait glissée peut-être ? Montbert la ramassa et plissa des yeux, curieux. Dans cette armerie, il n'y avait aucun pistolet. Et celui-ci avait ceci de particulier que c'était une marque rare et onéreuse. Le pistolet était tâché de sang. Montbert se mordillait la lèvre inférieure en tortillant l'appareil de ses doigts agiles. Il le soupesa, le fit sauter légèrement... Jusqu'à ce que ses soupçons se confirmât tout à fait :

- C'est un rebelle mais ce n'est pas un targui.

- Beauvey ?

Intrigués, les deux autres hommes s'approchèrent pour observer de plus près le pistolet que Montbert leur tendait. Ils acquiescèrent gravement.

- Et il est blessé.

Dans la foulée, Vermet se retourna vers la cour du camp militaire en plissant des yeux. On fit appeler tous les militaires. Et l'ordre partit : la ville était fermée, les soldats la fouillaient.

On remua les souks, les granges, on pénétra chez l'habitant. El Touati dissimula précieusement les armes sous une trappe. On fouilla. On interrogea. On força. Beauvey était terrifié.

L'homme bleu s'était enfoncé encore plus dans son trou. Avec la saleté, sa blessure s'était infectée et un mal de tête carabiné l'avait pris. Incapable de se nourir, abandonné dans cette ville, la faim tiraillait son ventre et il perdait lentement toutes ses forces. Sous l'effet de la chaleur, il suait et son gosier était tout desséché par la soif mais... Une force morale...

- J'ai tenu dans le Tanezrouft, je tiendrais bien ici. Il... Il faut que je m'en aille... Quand... J'aurai retrouvé des forces.

Et deux soldats zélés, appercevant la forme au fond de ce bouge, s'approchèrent timidement. Beauvey poussa un petit cri de frayeur et réunit toutes ses maigres forces pour se redresser et grimper sur le toit d'un taudis de bidonville. Surpris par cette résistance, les soldats le poursuivirent. Le fugitif prit un air désespéré et sentit son cœur battre furieusement tandis que son esprit marchait à le sortir de cet embaras. Aucune solution, il était fait comme un rat !

Il jeta vers ses deux poursuivants un regard terrifié. Son chèche s'était en partie défait et les militaires frémirent en reconnaissant sa figure à demi- légendaire.

- Lieutenant Beauvey ! S'écrièrent-ils de cœur en s'arrêtant sous l'effet de la surprise.

- Eh ben voilà... Il fallait juste demander, grommela l'homme bleu dans un sourire.

Il comprit immédiatement après que son espoir avait été vain car les deux soldats reprirent la poursuite et lui sautèrent dessus en quelques mouvements. Beauvey glissa à terre, désemparé, et retint quelques larmes de rage. Il se savait faible jusqu'à l'absurde et se maudissait de cette vulnérabilité. L'un des soldats le souleva sans qu'il n'opposât de résistance - il en aurait été incapable - et le regarda dans les yeux. Beauvey soutint ce regard sans sourciller, mais d'un air mélancolique.

- Comme vous avez changé, soldat... Murmura le militaire.

- Venez, suivez-nous, ordonna le second avec un serrement au cœur.

Et Beauvey se laissa faire comme un enfant, tout gentiment, faiblement. Les rebelles étaient organisés, ils avaient des armes. C'était lui qui avait fomenté cette rébellion : mais il n'y pouvait pas participer. Et cela le révoltait intérieurement.

On le fit entrer presque cérémonieusement dans le camp militaire, l'observant comme une bête. Montbert s'approcha et posa une main ferme sur son épaule en ordonnant simplement :

- Qu'on le conduise en prison.

Deux heures après toute la ville était au courant.

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C'était prévisible mais êtes-vous déçus ? Étonnés ? Ravis ? Aimez-vous l'homme bleu ? Le méprisez-vous ? L'adorez-vous ? Et Montbert, Albret et Vermet ?

Que pensez-vous pour la suite ? L'homme bleu va-t-il encore pouvoir s'échapper ? Que lui fera-t-on ?

Je suis ouverte à toute discussion et prête à blablater😝 !!!

L'Homme bleu ou Histoire d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant