Chapitre 10 - Pas de compromis (2)

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À quelques pas d'ici, l'homme bleu s'était affalé sur une mauvaise paille dans le coin d'une maison et tentait de reprendre son souffle. Non chez des connaissances : désir d'indépendance ! Haletant irrégulièrement et laissant s'échapper du fond de sa gorge de grands râles.

La paille s'empourprait de son sang. Ses vêtements se tâchaient de rouge. Il s'était mis à frissonner, transi de froid dans cette atmosphère saharienne. Et la fièvre ruisselait sur son front. La mine pâle et fatiguée.

Il eut beau chercher tout le courage possible, il n'en trouva point assez pour se redresser et terminer sa mission.

La nuit passa et le lendemain. Deux jours. La faim commençait une fois de plus à le tirailler mais...

- J'ai survécu au Tanezrouft, pourquoi mourrais-je ici ? La peste soit de ce corps inutile et niais !

Mais la faim se faisant trop forte, il parvint au prix de grands efforts à sortir de son trou et se traina jusqu'au Souk. Ici, pas de principes, il vola de quoi se sustenter et revint dans sa cachette. Il reprit vite des forces, n'était-il pas robuste ? Et se résolut, malgré sa grande faiblesse, à poursuivre son plan.

Il vint d'abord chez El Touati et ce-dernier l'accueillit avec surprise et effroi :

- Vous ? Que... Êtes-vous souffrant ? Je vous vois tout fiévreux... Et dans un sale état !

- J'ai eu des soucis.

- Vous, des soucis ! Et pourtant... Ce ne doit pas être terminé : des affiches dans toute la ville qui annoncent que vous et Grandfort êtes dégradés.

L'homme bleu leva un visage blême et douloureux vers son ami. Cette annonce le surprenait, bien qu'il s'y soit attendu, et le blessait profondément dans son estime. Il s'affala sur le premier sofa venu, le dos courbé, la tête entre ses mains.

- Est-ce que ça va ? Vous êtes l'homme bleu... Vous...

- Oui, ça va. Oublions cela et... Oh mais qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je fais ! Oublions... Oublions. El Touati, j'aurais besoin que vous portiez un message à Abalessa. Le pourriez-vous ?

- Certainement.

- Merci. Tenez, prenez-le. Non... Je rajoute une phrase.

Il griffona hâtivement deux mots avant de tendre le papier.

- Et... Est-ce tout ?

- Non. Je voudrais un sarouel noir et un vieux burnou brun, auriez-vous cela dans vos affaires ?

- Ça doit se trouver. Et.. C'est tout ?

- Oui.

Le ton était las et fatigué. L'homme bleu pinça ses lèvres sèches avant de lever un regard trop clair vers son ami :

- Merci. Maintenant, j'y vais.

Pourvu de ses habits, il put rejoindre sa fange et se changer.

El Touati, quant à lui, grimpait à dos de mehari et passait les portes de Tamanssaret. Il trotta rapidement jusqu'au lieu donné et y trouva Tarana et Grandfort.

Ces deux derniers angoissaient face aux deux Imgharen et à l'Amenokal anxieux. Ils tentaient de les faire patienter mais en leur esprit maudissaient l'homme bleu de les avoir placés dans une aussi mauvaise posture. Alors quel ne fut pas leur soulagement en lisant la lettre de l'homme bleu !

"Chers amis,
Il me fallait impérativement passer à Tamanssaret pour régler des détails de notre affaire. Las quelques soucis de santé me retiennent plus longtemps que je ne le pensais. Ne vous inquiétez pas. Ne vous préocuppez pas de moi. Je tente de revenir au plus tôt ou de vous envoyer d'autres nouvelles plus précises sous peu. Le temps me manque.

L'Homme bleu ou Histoire d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant