L'Homme bleu ou Histoire d'une légende

Chapitre 26 - Fin (2)

- Ton Beauvey... Ne s'appelle pas Beauvey.

- Mais comment ?

- Ne sois pas impatiente. Il a vécu ici, a grandi ici, mais est parti faire ces études à Saint-Cyr comme la plupart des enfants des officiers d'ici.

- Qui était son père ?

- Ne sois pas trop impatiente ! En revenant, le général lui a confié une mission pour l'Egypte. Je n'ai pas tout saisi mais je peux te dire que l'opération était sensé ramener illégalement de l'argent pour financer la guerre contre les touareg. Il me semble que le général vendait une partie du Sahara à l'Empire Britanique sans en avertir la France métropolitaine.

- Pourquoi me dites-vous ça ? Qui êtes-vous ? Blêmit soudainement Tarana en jetant un coup d'œil inquiet à la porte fermée

- Je suis le secrétaire du général et l'un de ces plus précieux collaborateurs... Surtout en tout ce qui concerne l'illégal et particulièrement le lieutenant Beauvey. Je vous dis cela pour vous amenez lentement à la vérité.

- Mais vous ne craignez pas que je rapporte ensuite à l'extérieur tout ce que vous venez de m'apprendre ?

- Non, je ne le crains pas. Je ne le crains absolument pas.

- Que... Qu'est-ce que vous dites... Je...

Elle s'affolait doucement et balançait sa tête d'un côté à l'autre. L'homme lui attrapa le bras et l'obligea à la regarder dans les yeux :

- Si l'on te laisse partir, il restera un danger pour la France. Si tu retournes voir ton père, il restera une menace. La guerre reprendra.

- Je ne comprends pas...

- Zerzura, c'était la dernière bataille pour étendre notre territoire. Maintenant, nous calmons le jeu. Nous cherchons la paix durable dans tout le Sahara. Il ne faudra pas grand chose. Nous n'avons besoin que...

- Vous voulez me tuer ?

- Peut-être.

- Je suis sorcière. J'ai déjà survécu à pire.

- Beauvey a fait une erreur en ne s'assurant pas que tu étais morte lorsqu'il t'a abandonnée.

- Peut-être qu'il voulait que je vive ! Peut-être qu'il voulait accomplir son devoir tout en me gardant vivante !

- Tu crois qu'il t'aimait ?

- Moi je l'aime ! Je l'aime encore !

Elle sursauta. Une petite porte latérale venait de s'ouvrir et un homme entrait. Un jeune homme. L'homme bleu. Beauvey.

- Eh bien moi je ne t'aime pas.

Elle se tourna vers lui, l'air hagard.

- Tu me fascines Tarana, mais au même titre que le désert me fascine...

- Qui êtes-vous ? Le coupa-t-elle abruptement.

- Tu n'as donc pas compris lorsque le capitaine te parlait de l'Egypte ?

- Que voulez-vous que je comprenne ? Non, d'abord... Où sont mass Vermet et Meltiti ?

- Je viens de croiser le commandant Vermet à qui j'ai gentiment expliqué qu'il lui fallait retourner en France. La loi du plus fort opérant, la brebis s'efface devant le loup. Quant à Meltiti... Il est en prison le temps qu'il se calme. Puis nous le relâcherons et il errera dans la ville ou rejoindra le désert. Qu'importe ce qu'il deviendra tant que nous ne l'entendons plus.

- Se calmer ?

- Je... Je lui ai annoncé une nouvelle qu'il n'a pas aimé entendre.

- Laquelle ?

- Mes projets.

- Peu importe, souffla-t-elle en secouant ses jolies boucles brunes. Dites-moi tout.

- Oui, murmura-t-il dans un sourire. Oui je vais tout te dire.

- Beauvey... Vous n'êtes...

- Entre deux missions...

- Missions ?

- On m'a assigné à Tamanssaret. Pour que je me repose. J'ai cru que je pourrais prendre moi-même mon propre chemin, tracer ma route. J'étais orgueilleux. Ma femme venait de mourir. Je me suis rebellé pour ma gloire et celle des touareg. Rebellé contre moi-même en quelque sorte. Mais lorsque j'ai été repris, captif, l'histoire a pris un nouveau tour et peu ont vu la différence. On m'a conduit à Alger. J'ai tenté de m'enfuir, Montbert m'a rattrapé. Et on m'a donné une nouvelle mission. Je me suis égaré quelques temps, certes, mais cet égarement où j'ai cherché la gloire m'a aidé à remplir brillament cette mission. Ces missions.

- Retrouver Zerzura pour avoir le contrôle parfait de Tanezrouft et donc du Sahara...

- Et destituer Vermet du commandement pour mettre un Albret plus influençable à la place.

- Beauvey... Vous n'êtes...

- Tu te demandes pourquoi, n'est-ce pas ?

Il s'approcha doucement d'elle.

- Beauvey... Vous n'êtes...

- Tu te demandes qui je suis ?

Le capitaine se retira de la pièce. Il ne restait que Tarana et le jeune français.

- Beauvey...

- Je vais te le dire... Ces mots que tu ne devines qu'en partie mais qui déjà t'effraie.

- Beauvey... Vous n'êtes...

- Je vais te dire qui je suis.

- Beauvey...

Il saisit de sa poche un pistolet.

- Beauvey... Vous... gémit la jeune fille d'une voix blanche.

Il pointa son arme sur elle.

- Tarana, je m'appelle Héloïs Lescaire, officier directement attaché à mon père pour les opérations secrètes et illégales.

Elle ouvrit de grands yeux.

- Comment auriez-vous pu résister, pauvres touareg ? dit-il.

Et il tira.

Beauvey, vous n'êtes plus l'homme bleu.

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Fin