Un été mouvementé

48. Terry

Pourquoi l'amour est-il si compliqué ?
On ne peut tout simplement pas s'aimer, à deux, réciproquement, sans qu'il y ait un ou deux ou dix mille obstacles devant nous ?
Je hais l'amour. Je hais aimer et être attachée à quelqu'un, comme si cette personne était le seul pilier capable de stabiliser notre vie. Si elle retire sa main de la notre, alors on tombe dans le ravin. Et on meurt.
L'amour est un élastique si fragile que lorsque quelqu'un tire trop fort, l'autre s'écroule.

Je déteste Derek, parce qu'il m'a trompé alors que pour une fois dans ma vie je tenais à cette relation. Je sais, ce n'est pas la relation rêvée de toutes les filles mais peu importe. J'aurai fait des efforts pour lui, comme je n'en n'ai jamais fait pour d'autres. Et là il a suffit que je le ramène chez moi pour qu'il me fasse une stupide déclaration ? Je n'y crois pas une seule seconde, à son baratin. Les garçons sont si menteurs. Derek fait comme si il était sérieux mais il ne l'est pas. J'en ai marre de devoir me bourrer le crâne de ses fichues morceaux de violon !

...

Si seulement je pouvais arrêter de penser à lui trois secondes. Ce serait merveilleux.
Mais en fait, je suis enfermée dans ma salle de bain depuis bien une heure. J'ai envie d'être invisible. Et j'ai surtout envie de pleurer de tout mon corps.
J'essaye d'appeler Keth sur son téléphone parce qu'il n'y a qu'elle qui pourrait me redonner joie. Elle ne répond pas. Qu'est-ce qu'elle peut bien foutre ?
Les larmes coulent toutes seules et je me force à sangloter, ça fait étrangement du bien.

"Terry ? T'es là ?"
Oh non, quel merdier ! C'est ma mère qui m'appelle de l'autre côté de la porte.
- Laisse-moi, je réponds.
- Tu as de la visite. Sors maintenant.
Quelle visite ? Derek ? Non, impossible.
J'essuie mon visage noir de mascara et je me décide à sortir enfin.
- Il t'attend, me dit-elle sans savoir ce qu'il m'arrive.
Ma mère a le don de se foutre complètement de ma vie.
Je descends et j'aperçois Stephan, un ami d'enfance à moi que je n'ai pas revu depuis bien longtemps.
- Bonjour jolie Terry.
- Salut, je... Ça va ? Quelle surprise !
- Très bien et toi ? Ça n'a pas l'air.
- Si... (j'essuie a nouveau mon visage) tout va bien.
- Ça fait au moins deux ans que l'on s'est pas vu. Je trainais dans le coin, alors je suis venu prendre de tes nouvelles.
- C'est gentil de penser à moi. On peut aller dans ma chambre si tu préfères. J'ai pas trop envie que ma mère écoute.
Il accepte et nous montons dans ma chambre.
- La déco a changé par ici, me dit-il.
- Assieds-toi, Steph. (Je lui montre le lit) Alors, raconte-moi un peu ta nouvelle vie.
- Je me plait fortement en Angleterre. La vie la bas est tellement belle... Mes études me plaisent. Mais Kansas me manque aussi.
- Tu es parti tellement rapidement, je n'ai même pas eu le temps de te dire au revoir.
- Je suis désolé, il fallait que je m'en aille au plus vite. Mais maintenant je suis là, ça me fait plaisir de te savoir bien.
Son sourire est  adorable. Le visage de Derek apparaît toujours dans mon esprit, quoi qu'il se passe.
Il reprend.
- Comment se passe ta vie sentimentale ?
Tout sauf CETTE question. Pitié.
- Plutôt moyen. Surtout lorsque le mec que tu kiff couche avec une autre.
- Oh. Merde. Quel enfoiré !
- Ça tu peux le dire.
Quelle idée de dévoiler ça ! Mais ça me trotte tellement en tête que je ne peux m'en empêcher. J'ai besoin de tout dévoiler.
- Tu es toujours avec ? Me demande-t-il, l'air triste.
Stephan a toujours compati pour moi, à chaque fois que je n'étais pas dans mon assiette. C'est vrai que l'on se connaît depuis une dizaine d'années, il était mon voisin avant de partir faire ses études en Angleterre. Ce garçon n'a jamais changé. Même à l'autre bout du monde, il pense à moi. Derek, à quelques mètres de moi, s'en fiche royalement de ma vie.
- Non.
- Essaye de l'oublier, il ne te mérite pas.
Cette phrase, il ne te mérite pas, est toute créée pour consoler et rassurer. Au fond, en amour il n'y a aucun mérite. Je ne suis pas quelqu'un de bien non plus. Alors, qui me mérite ? Qu'est ce que moi je mérite ? Je crois que Derek et moi sommes tellement bancales mentalement que l'on se complète très bien. Ou pas du tout.
- C'est ce que je compte faire, le zapper littéralement.
Il me sourit.
- Je vais rester une semaine. On pourra passer du temps ensemble si ça te dit.
- Bonne nouvelle ! Ça me ferait très plaisir.
Et là, il me prend dans ses bras. Je n'ai pas le temps de réagir. Wow.
- Désolé. Je crois que les câlins sont les meilleurs réconforts.
Derek ne m'en faisait jamais, c'est peut-être pour ça que j'étais souvent triste.
- Je peux confirmer. Tu es adorable.
- Je vais y aller. Prends soin de toi et appelle-moi, il me semble que tu as mon numéro, non ?
- On ne se contacte plus mais je l'ai toujours.

Je le raccompagne dehors.

Je ne me souvenais plus de Stephan, du fait qu'il puisse être aussi adorable. Ça fait un bien fou de se sentir appréciée par quelqu'un. Pas désirée, juste aimée. Quand quelqu'un s'inquiète pour vous, vous avez tout gagner.
Ce n'est que maintenant que je comprends ces valeurs.