Bai Luo Yin - Gu Hai -2- "Une Famille Chinoise."

23-L'affront de Gu Hai.

Des séries de grognements, de sons rauques, de sifflements, de cris perçants et de bavardages haut-perchés avaient lieu au fond d'un encaissement, avant le plateau calcaire. Au milieu de rochers, d'herbes rases, de cailloux et de sable, deux rapaces se disputaient une proie sanguinolente. Ce n'était pas un corps humain, mais celui d'un rongeur, une marmotte adulte.

Le troisième charognard finissait son vol d'atterrissage près de ces deux congénères. Les cris redoublèrent.

Le cou ensanglanté de l'un se frotta fortement contre le corps du dernier arrivé et lui signifia de chercher un autre cadavre.

Norbu connaissait le rôle fondamental de cette espèce dans l'équilibre de la chaîne alimentaire et celle de la transmission des maladies. Il se prépara derrière leur cachette à faire fuir les monstres.

L'envergure d'un vautour adulte pouvait atteindre 3.10 m, pour un poids de 12 kg et une hauteur de 1.50 m. Il ne fallait pas avoir froid aux yeux. Dao Lee, dans le dos de son camarade, admira la maîtrise de Norbu, rompu à l'exercice.

-Je vais imiter l'once, la panthère des neiges, l'ennemi juré des rapaces. Ceux-là, aucun risques d'être frères ! Il sourit. Dao Lee faillit éclater de rire en pensant à Gu Hai essayant de copiner avec ce volatile géant. Il faut se méfier, car ils sont sournois. D'un seul coup de bec, ils peuvent te fracasser le crâne et je te parle pas des serres, les griffes. Regarde leur puissance... Il montra un vautour déchiquetant les entrailles avec son bec et ses pattes.

-Bordel, vaut mieux pas asticoter ces oiseaux-là ! Dao Lee était content d'être descendu avec Norbu. Le temps de la réalisation de leur mission, il apprenait de ces hommes hors du commun.

Norbu toussa d'une voix profonde et poussa des grognements. Les vautours arrêtèrent aussitôt leur festin et commencèrent à s'envoler. Il bougea des cailloux et des graviers, simula le déplacement du félin. Il réitéra trois fois l'opération et les rapaces finirent par regagner les cieux, par tournoyer à l'abri.

-Bon, nous n'avons pas beaucoup de temps. Le vautour n'est pas stupide et va vite se rendre compte de la supercherie !... Il montra le cadavre. Je les ai fait partir, car je voudrais vérifier la cause de la mort de la marmotte. Un adulte ne meurt pas comme ça... Il se rapprocha, frôla le sol, afin de ressembler le plus possible à un léopard. Viens voir !

-J'arrive... Dao Lee, resté à l'abri des yeux perçants, s'aventura jusqu'à Norbu et le corps du mammifère.

-Tu vois là, l'os du cou ?... Il montra une fracture bien nette. Ce ne sont pas les oiseaux qui peuvent faire ça. Il faut exercer une force opposée et semblable, comme casser un morceau de bois en deux parties égales... Il joignit le geste à la parole. Soit, il s'est brisé le cou en chutant d'une quelconque façon, ce qui est peu envisageable, où quelqu'un l'a fait ?... Ce sont des animaux agiles et précautionneux, n'entreprenant rien au hasard... Il réfléchit quand le cri d'un vautour le rappela à la réalité. Partons, ils reviennent les bougres et ils ne sont pas contents !... Norbu gloussa.

Revenu sous le couvert d'un surplomb, les deux soldats firent le point.

Dao Lee se rangea à l'avis de son camarade, dont le savoir et les connaissances faisaient merveilles. Il retint la leçon en toute humilité.

-Bon... Une marmotte mâle est morte, le cou brisé. Il ne peut être tombé de son terrier, ni au cours de sa quête de nourriture, je ne l'ai jamais vu... Hum... Il se réfugia dans sa réflexion. Dao Lee échafauda une théorie aussi. Hum... Je crois que ton frère à raison, Liu Chung a dû glisser dans une crevasse ou plus exactement, un trou creusé dans le calcaire et servant d'abri aux marmottes du coin, quand le froid arrive ou les intempéries. Il a dû rencontrer le mâle au hasard de sa chute et cela s'est finit par la mort de l'un, peut-être des deux. C'est un animal sédentaire, grégaire et social avec les siens. Il défend son territoire et sa famille, jusqu'à la mort, sans hésiter !