Bai Luo Yin - Gu Hai -2- "Une Famille Chinoise."

40-« Il n'est pas de cuillère qui ne heurte le bord de la marmite, grand sot ! »

Gu Hai émergea de sa torpeur, de son abattement comme le papillon de son cocon.

Il ne comprenait pas tout, comment il avait pu être à ce point aveugle à son propre ressenti, parcours, pour tomber bêtement dans un trou d'eau piégeux.

Une certitude s'inscrivit en lettre de sang sur son cœur. T'aurais pu mourir sans Luo Yin à tes côtés... Cela lui fut insupportable. Il pleura de sa confusion, de sa faute, de sa trahison... Il avait manqué à tous ses engagements fondamentaux, envers un des seul êtres lui ayant tendu la main sans le juger. Mieux, il t'a offert son amour, sa vie et toi ? Gu Hai, persuadé de sa raison et de sa force, plongé dans un absolu à peine imaginable, aveuglé par son envie de se prouver l'excellence de ses résolutions, avait simplement oublié de progresser en sécurité, du moins sans se prévaloir de sa vérité.

Gu Hai expérimentait la douloureuse et amertume réalité de Dame Nature. Personne ne peut être prémuni face à la marche cosmique d'un milieu réel, rationnel. Le bourbier n'était pas là pour lui, il était simplement la résultante d'une convergence d'éléments tous plus normaux les uns des autres. Aucun plan diabolique n'était venu creuser ce fossé, aucune créature n'avait réservé un sort funeste à celui s'aventurant en ces contrées hasardeuses.

Tout, même dans la démarche de Gu Hai, était un pur aléa de circonstances.

N'oublions pas ceci de tout aussi primordial.

L'environnement de Gu Hai, chaque grain, chaque particule composant le monde végétal, animal et même minéral, mais là sur des dimensions d'évolutions en millions, en dizaines, en centaines de millions d'années, eh oui, les cailloux sont également formés de molécules et d'atomes, interagit avec son voisin, asservi à des formules, des causes et effets propres à chaque ensemble, groupe ou individu le constituant.

Le cerveau de Gu Hai, l'ultime degré de sa compréhension de l'univers, forge de toute son existence, était tout pareillement contraint par la chimie. Pourquoi a t-il choisi de passer par ici plutôt que par là ? Pourquoi ce jour, cette heure, cette seconde et pas la suivante ? Pourquoi s'arrêter sur ce rocher, près de ce sentier, dans ce vallon et pas ailleurs ?

Du conscient immédiat, régissant son quotidien avec des réflexes induits, comme sa respiration, il ne pensait pas à inhaler à chaque battement de son palpitant, au rêve, cet échappatoire de tous ses fantasmes intimes, secrets, Gu Hai était soumis à sa condition de terrien. Comme vous et moi.

Aurait-il pu s'éviter cette séquence ?

Pourriez-vous vous regarder dans un miroir et dire : « J'ai parfaitement réussi ma vie jusque là, sans la moindre vague ! » 

Difficile...

Gu Hai avait notion de tout ce cheminement. Il était... Il était Gu Hai, un homme pétri de sa douloureuse enfance et adolescence, qui en quelques mois a dû réapprendre à vivre. Une révolution, une mutation de tous ses repères dont l'appréhension, l'exercice et la réalisation, n'étaient pas à la portée de tous.

S'égarerait-il de nouveau ? Sûrement. Qui... ? Vous connaissez la musique.

Décrire l'état de Gu Hai après cet épisode, serait comme s'arraché un bras sans en souffrir, le jeter au lion et trouver en cette scène, la manifestation d'une aura banale et affligeante. Il n'était pas en colère, il était déçu de lui-même. Il n'en voulait pas à quiconque, il savait son acte.

Alors...

Gu Hai comprit de sa marche solitaire, l'inutilité de se croire au-dessus des lois naturelles et l'évidence de poursuivre sa trajectoire avec Luo Yin, ses camarades soldats, ses amis et son monde. Le temps de l'électron libre, d'une croyance supérieure en ses capacités, était terminé. S'il était capable, il le serait avec ses alter ego et pas opposé ; s'il devait accomplir un exploit, il le ferait dans un cadre, comme les règles d'un combat au Temple du Mont Huan ; s'il... Gu Hai accepta ses failles, sa noirceur et le visage de toutes les victimes de ses errements. Il ne pouvait lutter contre, ils l'accompagneraient tout au long de sa vie. Lui revint les mots de Grand-père, si juste en ces instants. « Être humain est facile, devenir un homme est difficile. » Grand-père... Gu Hai intégra les choix de cet être, du résultat sur son itinéraire. Grand-mère... Il avait Grand-mère...