Bai Luo Yin - Gu Hai -2- "Une Famille Chinoise."

49-La main de l'Homme.

Le matin s'annonçait par la fenêtre avec la montée en puissance des activités humaines. Les bruits des véhicules encombraient la rue, ceux des appartements adjacents, la chambre d'un couple homosexuel.

Dao Lee sur le lit de son frère d'arme feuilletait un album photographique volumineux... Non, d'une vie ! Il l'avait simplement saisi dans le chevet de Luo Yin. Il y avait effectivement des images, mais il y avait surtout les témoignages des personnes proches de Gu Hai et Luo Yin. Une bible d'informations pour celui qui cherchait à comprendre ce duo peu commun.

Dao Lee n'avait pas retrouvé le chemin du sommeil après son explication avec Gu Hai. De plus, il avait entendu les deux garçons discuter un moment et finalement, signer par ce qui le bouleversait à chaque fois, un baiser de réconciliation, d'un pas de l'un vers l'autre, d'une étape de franchie dans leur édification mutuelle. Dire que je me prends la tête avec Fei Lu pour des conneries... Il tournait les pages et mesurait à l'aune des documents, le parcours douloureux de deux hommes soumis à un environnement hostile. Et le mot est faible, bordel ! Gu Hai pourquoi tu ne m'as pas dit tout ça ?...

Il prit un des DVD joints au récit et l'inséra dans son ordinateur portable. C'était le film de la fête du départ de Gu Hai pour son service, réalisé par la cousine de celui-ci, Fang Fei. Il y vit l'ensemble de la soirée et les portraits des membres de la famille de Luo Yin et de Gu Hai, des amis et des invités dont il avait ouï dire. La scène de la cassette audio de la mère de Gu Hai lui mit un coup de poing. Ce mec est encore debout !?... Mon frère... Il hocha le visage.

Le deuxième support vidéo digital était la narration de l'exposé de Lu Yang. J'aime ce type et sa vision... sa vision linguistique, comme sa copine... Euh... Jin Lu Lu ! Ils sont un équilibre pour eux... La porte de l'appartement claqua.

Dao Lee se leva et rencontra Lu Yang avec un sachet de nourritures.

-Salut ! Déjà aux aguets ? Lu Yang sourit.

-Non, ils ont été sages sur ça, plus occupés par leur... Il accompagna Lu Yang dans la cuisine.

-Laisse-moi deviner ?... Il fixa Dao Lee. Un recadrage des tergiversations de Gu Hai sur le... sur sa propriété ?

-Bingo ! Ils déballèrent les courses. Tout est rentré dans l'ordre, enfin en apparence !

-Tu m'étonnes ! Lu Yang brancha l'auto-cuiseur pour le riz. Celui-là... Il montra le placard pour la vaisselle. Vous partez à quelle heure ?

-A 9 heures de l'aéroport ! Dao Lee prépara la table pour quatre.

-Alors, tes premières impressions de nos hôtes ? Il alluma le four pour maintenir au chaud les baozis et brochettes.

-En fait, je viens de finir de consulter ton travail pour ces phénomènes... Il s'assit à un bout de l'étal. Je te félicite et je suis estomaqué par leur résilience à se redresser, à faire front sans se départir de cette aura d'humanité les cernant. Gu Hai m'avait dépeint succinctement son univers et les personnes le côtoyant, mais ta version est éloquente, même si elle reflète des instantanés, des tranches de vie.

-Merci... Lu Yang se plaça en face de Dao Lee. Il avala une bouchée de gâteau au jujube et à l'igname de Chine, imité par son partenaire. Il y a chez eux, mais en chacun de nous aussi, tout et son contraire, de l'amour le plus merveilleux à une noirceur si profonde, si ancrée dans leurs cellules, qu'ils la portent comme un fardeau. Ça les rend plus accessibles ou plus terribles, selon les gens, les situations... Mais, je crois savoir que tu l'as éprouvé ?