Chapitre 9

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Mon frère déboule dans ma chambre, une enveloppe ouverte à la main. Je reconnais l'enveloppe du ministère. Voilà plusieurs jours que j'ai eu Dubois au téléphone qui me prévenait qu'Arthur partirait lui aussi en mission. Le réveillon du nouvel an est passé et nous devrions quitter l'Angleterre après avoir fêter l'épiphanie. Je n'ai eu de nouvelles d'Alexander non plus.

Moi: Tu es prêt à partir ?
Arthur: Je pars en mission avec toi, sous ton commandement.

Je prends l'épais manteau posé sur mon lit pour le replier sur mon bras. Nous devons partir bientôt pour déjeuner chez le grand-oncle de notre père, qui habite en ville.

Moi: Je sais, Dubois m'a appelée pour me prévenir il y'a quelques jours.

Son air stressé disparaît et il soupire, relâchant ses épaules.

Arthur: Pourquoi ne m'as tu rien dit ?
Moi: Ce n'est pas mon rôle, je préférais attendre que tu reçoives la convocation.
Arthur: Marcel ma fait parvenir la lettre au plus vite. Nous partons le 20 janvier.
Moi: Il faudra que tu ailles chercher ton équipement à ta base.

Je lève la tête et je constate qu'il a l'air inquiet, du moins anxieux. Je pose ma main sur son bras pour essayer de le réconforter et savoir ce qui ne va pas.

Moi: Que se passe-t-il ?
Arthur: Je crois que j'ai un peu peur.
Moi: Le reconnaître est déjà un signe de sagesse et de courage. Tu t'en sortiras très bien, tu es entraîné et bien noté. Je suis bien placée pour le savoir.
Arthur: Tu crois que nous pouvons mourir ?

Je prends une grande inspiration. Mentir ne fait pas partie de mes habitudes, encore moins aux gens que j'aime et j'aime à me flatter d'être honnête et franche. Cependant, je sens que cette éventualité le perturbe.

Moi: Bien sûr que oui, il y'a toujours un risque. Mais ce n'est pas un camp de scout.
Arthur: Je sais bien.
Moi: Laisse moi finir s'il te plaît. Tout est organisé, nous avons un bataillon entier, l'appui de l'armée anglaise et nous n'allons pas foncer tête baissée à la bagarre. Les diplomates seront là, il y a des médecins, des infirmiers... La première fois c'est toujours effrayant mais aies confiance en ceux qui t'entourent.
Arthur: Esprit de corps n'est-ce pas ?

Je hoche la tête en signe d'approbation. Mon petit frère s'est très bien débrouillé à l'école militaire et a de bons états de service. Je sais qu'il s'en sortira parfaitement mais moi non plus, je n'étais pas sereine lors de ma première mission. Il a le temps d'y penser, de se préparer et d'appréhender cette étape. Je lui souris pour le rassurer, sachant parfaitement que l'angoisse est la meilleure façon de rater ses objectifs. Il expire bruyamment avec un petit sourire, plein d'optimisme.

Arthur: Nous verrons bien. Dans deux semaines je n'aurai plus le temps de me poser la question.
Moi: En effet ! Allons, descendons maintenant. Tu pourras penser à autre chose.
Arthur: Tu as raison, allons y. Cette journée promet d'être agréable.

Je souris mais au fond de moi, j'ai un mauvais pressentiment. Comme ceux qu'ont les animaux qui fuient des heures avant un tsunami. On ne voit, on ne sent rien et pourtant, des heures plus tard, une catastrophe se produit. Je secoue légèrement la tête pour chasser ces pensées négatives, essayant de me convaincre que tout ira bien aujourd'hui.
Nous descendons les escaliers et prenons la voiture qui démarre aussitôt en direction du centre de Londres. Arthur et moi partageons la même voiture tandis que nos parents en partagent une autre. Ce n'est pas plus mal, au moins nous ne subissons pas la mauvaise humeur légendaire de notre mère.
Pendant le trajet, nous traversons la ville en croisant les passants. Je m'imagine des fois à imaginer leurs vies, ce qu'ils font, à quoi ils peuvent penser, où ils se rendent. Tout le monde n'a pas la chance d'être encore en vacances comme nous alors ils paraissent pressés, impatients tout en restant civilisés et élégants. Le mélange parfait de Londres : une ville dynamique à l'image d'une capitale mais calme et grandiose comme seule une ville anglaise peut l'être. J'aime beaucoup être ici, c'est reposant. Paris est plus frénétique, plus bruyante, plus enragée. Et même si je ne passe pas beaucoup de temps en ville, le peu de fois où je m'y rends, je rentre chez moi épuisée. Le chauffeur arrête la voiture près du trottoir. Nous sommes arrivés.
Il descend et m'ouvre la portière. Arthur me suit tandis que ma mère à quelques mètres arrange sa jupe plissée. Je profite qu'elle soit occupée par sa tenue pour examiner tranquillement la demeure qui se trouve en plein cœur de Londres et où je me suis rendue pour la dernière fois lorsque j'avais 16 ans. Je ne m'en souvenais plus. La maison de style victorien s'élève sur trois étages et est entourée par deux autres maisons mitoyennes. Leur petit jardin devant est délimité par des barrières en fer peint de noir. La grande porte rouge détonne avec la pierre claire et donne un aspect original à la maison. Je suis détournée de mon analyse par la voix sèche de ma mère.

L'étoile et le lionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant