Chapitre 29

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Je passe la porte en uniforme, sac sur le dos et frigorifiée. Je tape mes rangers sur le tapis de l'entrée pour en décoller la neige qui tombe par monceaux maintenant. Cela faisait quatre mois que je n'étais pas rentrée chez moi. Je suis à la fois fière et épuisée par ma première longue mission. Quatre mois en Arctique, c'est éprouvant physiquement et mentalement mais ce fut instructif et très enrichissant.

Moi: C'est moi !

Arthur dévale les escaliers. Du haut de ses dix-huit ans, il se grandit et ouvre se bras avec un large sourire. Je m'y jette après avoir négligemment balancé mon sac au sol. Il caresse mes cheveux et me berce doucement. Je m'écarte pour le regarder en détail.

Moi: Tu as grandis.
Arthur: Je suis un homme maintenant. Tu sembles l'oublier...
Moi: Et toi tu sembles oublier que tu seras toujours mon petit frère.

J'appuie sur le mot petit en lui frottant énergiquement les cheveux, le décoiffant au passage. Nous rions ensemble à nous chamailler alors que je tente de me réchauffer aussi vite que possible. Toute la maison embaume du délicieux dîner, je parierais pour un gratin et de la pintade au four. Des mains claquent l'une contre l'autre et un parfum de bois santal emplie mes narines.

Papa: Ah ma fille chérie ! Bienvenue à la maison ! Alors, tu ne t'ai pas transformée en pingouin ?
Moi: Papa, je suis si contente de te revoir ! Vous m'avez tous manqué. L'arctique est vraiment un désert de glace, rien de plus. Intéressant scientifiquement mais terriblement pauvre en ce qui concerne la compagnie.
Papa: Et moi donc ! Ah mes enfants, venez donc vous installer. Tu vas nous raconter tout ça Rose.

Ma mère n'a toujours pas fait apparition. Cela ne me dit rien qui vaille.
Je suis mon père et mon frère dans le salon. Notre pièce de réception familiale regroupe les canapés, la télévision et la salle à manger. La cheminée crépite doucement, la table est dressée et la télévision est allumée. Ma mère est assise sur le bord d'un fauteuil, tirée à quatre épingles et jambes croisées. Elle ne se retourne pas et ne dit pas un mot. Notre père fait comme si de rien n'était.

Nicole: Le repas est prêt à être servi Monsieur. Oh mademoiselle Rose, je ne vous avais pas entendue ! Bienvenue !
Moi: Merci Nicole, c'est très gentil de votre part.

Nicole est dans la famille depuis le départ de Lucie. Malheureusement pour ma mère, elle n'a pas réussi à monter cette femme adorable contre son horrible fille. Nicole est blonde, un peu fine pour tout le travail qu'elle a chaque jour mais elle est adorable et toujours disponible. Ses enfants sont grands et indépendants, elle habite avec nous depuis des années et lorsque nous étions encore petits, elle se levait souvent pour nous cajoler après les cauchemars. Je la prends dans mes bras, sincèrement heureuse de la revoir après une mission aussi éprouvante.

Papa: Faites Nicole, faites. Nous nous installons.

Nous prenons place à table et après avoir servi le vin, l'eau et avoir installé sa serviette sur sa chemise, mon père commence l'interrogatoire. Je le soupçonne d'être un peu envieux de ma vie de militaire aventureuse. Dans le cadre de mes études, j'ai la chance grâce à mes bons résultats de pouvoir partir en missions loin et longtemps ce qui n'est pas pour me déplaire. Du moins en ce qui concerne ma mère ; sa nouvelle lubie avant mon départ était de me fournir des cours journaliers avec la professeure de bonnes manières la plus rigide d'Europe pour faire de moi, la sauvage de la famille, une fille bien sage prête à marier.

Papa: Alors ma chérie, raconte moi comment était-ce la terre Adélie.
Mère: Chut, enfin ! Le journal va commencer, nous aurons des nouvelles.

Sa voix stridente retentit dans le salon, glaçant l'espace. Elle ne se retourne pas vers nous et n'avait même pas pris la peine de venir s'asseoir à table. Vissée face à l'écran, elle agite les mains exigeant le silence immédiat.

L'étoile et le lionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant