Chapitre 21

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On frappe à la porte. Sans attendre que je réponde, la poignée s'actionne et la porte s'ouvre, me laissant apercevoir le visage de mon père. Ses joues sont un peu rougies, il sourit largement et entre en refermant derrière lui. Il passe une main dans le peu de cheveux qu'il lui reste en grimaçant.

Papa: Brrrr, il fait un froid de canard aujourd'hui ! Bonjour ma fille, comment te sens-tu ?

Il dit tout ça en retirant son écharpe et son manteau. Je remarque qu'il a à la main un large sac en papier. Après avoir déposé ses affaires sur la patère, il s'avance vers moi de quelques pas avant de se stopper net. Je l'observe comme si je venais de naître et que je découvrais la vie. Et lui me regarde comme une miraculée.

Papa: Tu es réveillée ?

J'essaie de hocher la tête mais je n'y parviens pas. Alors je tente de parler.

Moi: Oui.

Ma gorge est sèche et les mots peinent à s'en extirper. Il fait quelques pas de plus avant de se laisser tomber dans la fauteuil qui était installé près de mon lit. Les larmes montent à ses yeux.

Papa: C'est merveilleux. Mais, comment te sens-tu ? Tu as mal à quelque part ? J'étais si habitué à te parler sans que tu ne répondes, les yeux fermés comme si tu dormais.
Moi: J'ai un peu soif.

Il se précipite et sort de son sac une bouteille d'eau. Il ouvre le capuchon dans la précipitation et remplit à moitié le verre posé sur mon chevet. Il s'approche ensuit tout doucement, comme on s'approcherait d'un animal blessé. Il m'aide à soulever ma tête pour que je puisse boire le contenu du verre. Après m'avoir resservie trois fois, il se rassoit dans le fauteuil, l'air un peu plus apaisé. Je jette un œil par la fenêtre, les arbres redeviennent verts et les premières feuilles poussent. Les espaces arborés ont de jolies couleurs pâles. Et la lumière extérieure est plus vive. Nous sommes au printemps.

Moi: Quel jour sommes-nous ?
Papa: Nous sommes le 12 avril. Cela fait une dizaine de jours que tu es ici. Les médecins t'ont plongée dans le coma pour permettre à ton corps de se remettre plus doucement de ta blessure. Tes muscles étaient touchés tu sais, et tu as eu une infection du sang.

J'essaie de retrouver mes souvenirs, de les mettre dans l'ordre. Nous étions près d'Arthur quand j'ai senti tout mon être partir en fumée sous le poids de la douleur dans mon mollet qui se répandait dans mon corps. La voix d'Alexander, celle du médecin. Je sens à nouveau petit à petit chaque partie de mon corps. Mon père me regarde avec tendresse en prenant ma main dans la sienne. C'est vrai qu'il doit faire frais dehors, ses mains sont froides.

Moi: Je suis heureuse de te voir Papa.
Papa: Moi aussi ma fille, je suis heureux de te voir. Je suis venu en Angleterre dès que j'ai appris ton rapatriement par le général Dubois. Je passais te voir chaque jour puis je passais voir ton frère. Il est juste au dessus de toi tu sais.

Un silence se pose. Arthur est dans la chambre au dessus de la mienne. Mon père sourit toujours, il doit aller mieux sinon il ne serait pas aussi heureux en évoquant mon cher petit frère. Je suis soulagée. Il observe un peu la chambre et j'essaie de suivre son regard. Les murs, la fenêtre, la patère avec le manteau, le chevet avec cet énorme bouquet.

Papa: Mais apparemment je ne suis pas le seul à avoir pensé à toi.

Il désigne le bouquet d'un geste du menton. Je sais qu'il vient d'Alexander. Les fleurs sont flétries, il n'y a pas de carte ni de mot. Il a pensé à moi mais n'a pas été très assidu visiblement. Mes yeux se promènent encore et reviennent sur des éléments déjà vus pour mieux les détailler. La poignée de la porte, la lampe suspendue au dessus de moi, les rideaux légers accrochés aux fenêtres, le manteau sur la patère. Il était là avant que mon père n'arrive. Il est à lui, il est dans l'hôpital. Mais où ? Je ne l'ai pas vu.

L'étoile et le lionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant