L'étoile et le lion

Chapitre 37

Moi: Alexander, descends !

Je donne notre dernier sac à Jack. Il le dépose aligné avec les autres dans le coffre de la Rolls Royce dans laquelle il va nous conduire. Alexander apparaît enfin dans l'encadrement de la grande porte. Je lui tends ma main, comme une invitation. Il l'attrape et me tire rapidement vers lui. Il me tient entre ses bras, ses yeux plongés dans les miens.

Alexander: J'étais allé chercher une écharpe. Il fait frais en Écosse le matin.

Il dépose une écharpe en cachemire crème autour de mes épaules et l'enroule négligemment autour de mon cou. À moitié cachée sous le tissus, je rie de sa bêtise. Il fait exprès de m'enfouir là dessous pour rendre le départ plus facile. Je baisse le pan de l'écharpe et dépose un baiser sur sa joue.

Moi: Viens, nous allons être en retard.
Alexander: Pas du tout ! C'est les vacances et puis, ce n'est pas une arrivée ponctuelle qui redorera mon blason auprès de ces courtisans ridicules.

Il a fait mine d'oublier que nous avions nos bagages à faire, il a ensuite refusé de s'en occuper en nous clouant au lit de longues heures. Il a évité le sujet et retardé les préparatifs du voyage. C'est en le regardant plier ses pulls et ses chemises, le regard dans le vide, que j'ai vu à quel point la cohabitation avec sa famille le blessait. Tout cela doit être tellement profond pour lui que je n'ose m'y aventurer. Mais j'ai un pressentiment et je crois que ce séjour fera exploser en plein dans ma figure les secrets enfouis d'Alexander et de sa famille. Il laissera échapper en même temps ses démons les plus effrayants.

Je le tire par la main et il fait mine de traîner les pieds, comme un enfant dans un jouet dans un supermarché. Nous voilà installés dans la voiture. Une voiture officielle de la famille royale donc une Rolls. Alexander m'a avoué une fois qu'il avait acheté une Bentley pour sa première voiture uniquement pour emmerder son père et depuis, toutes ses voitures sont des Bentley ou des McLaren.
Jack démarre et aussitôt, Alexander se retourne pour regarder s'éloigner le palais de Kensington, comme s'il risquait de ne jamais revenir. Je prends sa main dans la mienne pour le rassurer. Il me regarde et me sourit comme j'aime qu'il le fasse, pleinement et tendrement, détaché de toute pensée.

Le trajet jusqu'en Écosse est long, très long mais la famille royale se rend à Balmoral en voiture. D'après ce que j'ai compris c'est une sorte de tradition. Il est sept heures du matin et nous entamons notre périple de presque neuf heures pour être arrivés pour le dîner. J'essaie de rester éveillée pour tenir compagnie à Alexander et lui éviter de se laisser emporter par le flot de ses pensées qui le tourmentent. Ma tête bascule plusieurs fois mais je lutte contre le sommeil. Son assaut devient trop fort, je pose ma tête sur son épaule et je m'endors, bercée par les mouvements de la voiture et les battements de son cœur, ma main toujours dans la sienne.

Vers midi, nous nous arrêtons pour déjeuner. Je m'éveille difficilement, engourdie par cette position assise. Nous sommes sur une petite aire routière à la lisière d'une forêt, je ne sais où. Jack sort les sandwiches et les boissons. J'en profite pour faire quelques pas et m'étirer hors de la voiture. Heureusement, j'ai mis une tenue confortable.

Jack: Pas trop longtemps Rose, il ne faut pas qu'on nous voit.

Alexander a été très clair. Pas d'arrêt sur une aire publique, pas d'achat dans les petites supérettes des autoroutes, pas de visibilité et pas d'escorte. En bref, nous devons être invisibles. Passer à travers le public, les touristes, les curieux et les journalistes. C'est un des points qui le fait le plus angoisser. Je ne sais pas de quoi il a aussi peur même si je crois savoir d'où viennent ces peurs.
Je rentre à nouveau dans le véhicule et nous mangeons notre pique-nique avec la radio qui fait la conversation. Alexander me jette quelques coups d'œil. Je le vois mais je ne relève pas, je ne veux pas augmenter sa vigilance et son stress.