Chapitre 48

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Serrée contre le mur, enveloppée dans ma mince couverture, je grelotte. J'ai un peu froid mais surtout j'ai peur. Je n'ai rien dit et je m'efforce d'être dure pour que personne ne se rende compte que je ne dors pas depuis que nous sommes ici. Les coups de feu, les détonations, les bruits de radios, les cris affolés résonnent dans ma tête et ne me laissent aucune minute de répit. Tous les jours nous apprenons un nouvel incident : un char endommagé, du matériel volé, des militaires constitués prisonniers.
Le général Dubois m'a confié cette mission lors de ma nomination de colonel. C'est ma première mission en terrain de guerre. J'étais tellement fière d'annoncer à mon père qu'on me confiait une mission de récupération en Afghanistan. Maintenant que je suis ici, je ne rêve que d'une chose : rentrer à la maison. Je croyais jusqu'à présent que l'enfer sur terre était auprès de ma mère mais depuis ces quelques semaines, j'ai la preuve qu'il peut prendre une autre forme.

Je me lève pour aller me rafraîchir aux toilettes. La nuit est calme. Je ne fais aucun bruit et me faufile entre les allées de lits de camps et dans les couloirs du bâtiment que nous avons investi. Une fois arrivée aux toilettes, je me jette sur l'évier et m'arrose le visage abondamment. Au bout de quelques minutes à fermer les yeux, je relève la tête pour me regarder dans le miroir. J'essaie de trouver au fond de moi quelque chose qui m'aide à tenir et plus rapidement, à m'endormir pour ce soir. D'un coup, une forte détonation se fait entendre, résonne contre les murs et fait trembler le petit miroir accroché en face de moi. Je tombe au sol, adossée au mur poussiéreux. Plus rien, puis, une sirène d'alarme. Progressivement, des cris montent dans les airs. Des enfants, des femmes et des hommes crient de toutes leurs forces. Peut-être qu'un bâtiment s'est effondré ou qu'une bombe a été lâchée sur des civils. Je ne peux me retenir de pleurer, à chaudes larmes. Je me sens impuissante et ridiculement petite face à la tâche qui m'est confiée. Je reste ainsi, le visage enfoui dans mes bras repliés sur les genoux, pendant de longues minutes qui me paraissent être des heures.
Progressivement, tous ces cris changent dans mon esprit. Je les ressens comme un appel puissant, presque divin. J'ai l'impression que c'est moi et mes troupes qu'on appelle, pour aider et sauver cette population qui souffre sans n'avoir rien demander. J'ai l'impression que c'est le général Dubois qui me dit de mener la mission à bien pour l'honneur de l'humanité, pour la paix que défend mon pays. Et ce sentiment grandit en moi. Je finis par me relever péniblement mais une fois sur mes deux pieds, je me sens infiniment plus forte. Demain matin, je me battrais pour réaliser ce qui m'a été demandé et ce pendant les cinq prochains mois. Je retourne dans mon lit de camp. Ma tête touche l'oreiller et je m'endors presque instantanément.

Je me réveille en sursaut avec cette image de mes yeux clos. Tout ce que je vois, c'est le petit salon vert dans lequel j'aime tant passer de temps seule avec Alexander. Il est plongé dans le noir, seules les lumières des lampadaires à l'extérieur éclairent la pièce. L'eau de la douce pluie ruisselle sur les carreaux. Ce soir, j'ai décidé de dormir ici. Je veux éviter Alexander. Je sais que cette situation est uniquement de ma faute et je ne suis pas prête à lui faire face. Cela me déchire le cœur de savoir qu'il est seul dans notre chambre, qu'il doit avoir une peine immense en pensant à ce que je lui ai caché, que notre union est compromise. L'angoisse monte, je veux m'assurer qu'il va bien.
Je me lève d'un bond de l'immense sofa sur lequel j'ai revu un souvenir de ma première mission en zone de guerre. Je m'entoure de la couverture que j'ai prise avant de m'enfermer dans cette pièce. Alexander n'a même pas essayé de m'en faire sortir. Après le départ de son père et de la reine mère, nous ne nous sommes plus croisés. Je me dirige vers notre chambre, cela me fait traverser tout le palais de Kensington. Plus j'approche, plus je ralentis mon pas. En silence, sur la pointe des pieds, en ayant la peur au ventre de me faire surprendre. Cela est impossible, tout le monde est rentré chez soi, mis à part les membres de la sécurité. J'arrive enfin à la porte, je retiens mon souffle plus que jamais. Je suis surprise en voyant la porte entrebâillée. D'habitude, Alexander ferme la porte pour conserver notre intimité et notre tranquillité. J'étais persuadée de la trouver fermée au vu de sa colère contre moi. Je pousse légèrement le bâtant et je l'aperçois enfin. Il se tourne et se retourne dans le lit en envoyant valser les draps. D'un coup, il change de position. Je recule d'un pas, de peur qu'il ne me voit. Il vient d'encercler mon oreiller et de le serrer contre lui. On dirait qu'il le sent en inspirant profondément, la tête enfouie dans le tissu de soie. Je le regarde avec tendresse et sans m'en rendre compte tout de suite, je me mets à pleurer. Je reste cachée dans l'embrasure de la porte pendant de longues minutes quand soudainement, il s'assoit dans le lit en regardant droit devant lui.

L'étoile et le lionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant