Chapitre 11

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Après mon retour à la maison de ma famille, j'ai convoqué mon jet privé pour le lendemain matin créant ainsi une dispute avec ma mère. Je suis rentrée un jour plus tôt que tout le monde et j'ai savouré le fait d'avoir le manoir pour moi seule. J'en ai même profité pour donner un jour de congés au personnel que ma mère oblige à travailler même lorsque nous sommes tous absents.
J'ai préparé notre départ au canal de Suez en faisant les comptes du matériel et en rendant les dernières pages de paperasse que le ministère exige. Partir en mission ne m'effraie pas le moins du monde et je dirai qu'après tout ce remue-ménages, explorer les plaines arides dans un véhicule blindé à l'atmosphère étouffante me fera le plus grand bien pour me vider la tête. J'ai aussi été soulagée de ne pas avoir entendu parler de cette histoire de relation entre Alexander et moi, ici en France. Dieu seul sait quelles auraient été les conséquences pour moi.

Mon frère et mes parents sont rentrés le lendemain dans la soirée. Il en était fini de ma tranquillité. Ma mère s'est mise à hurler et à râler car selon elle, rien n'était fait comme il l'aurait fallu pour leur retour. Heureusement, il était tout de même assez tard et elle est partie se coucher peu de temps après. Nous avons veillé avec mon père et mon frère au salon. Le feu crépitait dans la cheminée et notre père jouait aux cartes avec nous dans sa chaise à bascule. Nos verres étaient remplis de nos boissons préférées : un bourbon pour mon père, un gin tonic pour mon frère et une limonade pour moi. Ce rituel avant un départ s'est installé dès ma première mission. Mon père n'a jamais compris mon orientation professionnelle mais contrairement à notre mère, il l'a accepté. Cependant, il a toujours eu peur pour moi puis pour Arthur et disait à chaque fois qu'il risquait de nous perdre. Pour le rassurer, cette soirée était nécessaire. Nous nous amusons et nous rions avec insouciance jusqu'à vingt deux heures trente environ, heure à laquelle chacun remonta dans sa chambre pour se reposer.

4 heures trente du matin.
Nous sommes le jour du départ. Aujourd'hui nous décollons tôt de la base militaire pour mettre en place le camp le plus tôt possible dans la matinée. Notre père a tenu à nous accompagner à l'aéroport, même avec une tête trahissant son manque de sommeil. Marcel notre chauffeur est plus habitué car c'est lui qui me conduit ou me récupère peu importe l'endroit ou l'heure.
Alors qu'Arthur a encore la tête enfouie dans les bras de notre père, je commence à avancer vers l'avion qui va transporter tout l'effectif jusqu'en Moyen Orient.

Général Dubois: Whitacker, comment allez-vous ?
Moi: Je vais bien mon général merci, et vous-même ?
Général Dubois: Parfaitement. Whitacker, il y a un changement. Je ne pars pas avec vous pour cette mission, on me demande de rester ici pour superviser l'opération à distance.
Moi: Mais alors qui va diriger sur le terrain ?
Général Dubois: Vous, Whitacker. Vous êtes la plus gradée après moi. Je vous fais une confidence : si le ministère choisit de vous laisser diriger seule la mission, c'est qu'une promotion vous attend.
Moi: J'en suis très honorée mon général mais j'avoue que diriger sans vous pour m'épauler n'est pas habituel.
Général Dubois: Nous aurons contact par téléphone au moins deux fois par jour. Ne vous inquiétez pas, vous en êtes capables. J'espère que vos effectifs sont prêts.
Moi: Ils le sont mon général, nous ferons tout ce que nous pourrons pour remplir la mission.
Général Dubois: Vous retrouverez vos homologues anglais dès l'atterrissage, c'est convenu comme cela. Vous serez la plus gradée aussi de leur côté. Ils attendront vos ordres. Bonne chance Whitacker.
Moi: Merci mon général.

Il pose sa main sur mon épaule en souriant gentiment. Il me salue et finit par s'éloigner, me laissant seule avec ces changements que je n'aurai pas pu anticiper. Tous les effectifs montent dans l'avion et dix minutes après seulement, nous sommes prêts à quitter la France.

Le vol se passe parfaitement bien et nous atterrissons sur la base en Égypte. L'effectif quitte le cockpit de l'engin kaki en récupérant leurs sacs de matériel personnel et se place en formation habituelle pour que nous puissions les compter. Je suis assistée de sous-officiers et  le groupe anglais s'approche de notre groupe. Leurs équipements et leurs uniformes sont aussi impeccables que les nôtres et le premier de groupe s'avance vers moi. Il est censé être le plus haut gradé de leur effectif et nous devons travailler en étroite collaboration pour cette mission. Je salue comme il se doit mon homologue. Je mets du temps à pouvoir parler car la surprise est totale.

Moi: Colonel Stanfordham, je suis le Général de corps d'armée Whitacker. C'est moi qui dirigerait cette mission. J'attends de vous une franchise et une confiance totale, bien entendu j'en ferai de même.

Mon interlocuteur paraît désemparé par la formalité de mon salut, qu'il m'a bien sûr rendu et il prend lui aussi son temps pour me répondre. J'imagine que la surprise doit être moins importante pour lui, bien que je puisse concevoir que cette situation le déstabilise.

Alexander: Général, nous nous soumettrons à vos ordres lorsqu'il en sera temps. Je propose que nous rejoignons les camps.

Je n'aurai jamais cru revoir Alexander de ma vie ailleurs que dans ma télévision, le jour où il se marierai avec une parfaite petite anglaise. Et encore je pense que j'aurai changé de chaîne. Je ne savais pas qu'il faisait partie de l'armée britannique, encore moins de ce corps là, ni qu'il serait envoyé en mission ici, ni qu'il disposait d'un grade aussi haut. Il a du faire des études pour en arriver là à son âge.
Nous montons en se répartissant équitablement dans les voitures et véhicules blindés qui nous attendaient puis prenons rapidement la route du camp. Si tout se déroule sans problème, nous devrions y arriver dans une petite heure. Je suis dans un 4x4 avec le sous-officier le plus proche de moi en terme de grade. Il s'appelle Paul Thomas et nous étions à l'école militaire ensemble. Je me suis tout de suite fait la réflexion qu'il avait plus un nom à être curé que soldat mais il est aussi rapidement devenu mon meilleur ami et aujourd'hui nous nous suivons le plus possible. Lui a fait le choix de ne pas gravir les échelons pour des raisons qui lui appartiennent.

Paul: Tu avais l'air troublée face au colonel, ça ne va ? C'est la chaleur ?
Moi: Non, ce n'est pas la chaleur Paul.

Je lui raconte le passif que nous avons en commun Alexander et moi, sans pour autant trop rentrer dans les détails. Paul reste concentré sur la route mais il n'en perd pas une miette.

Paul: Tu te rends compte de ce que ça veut dire ?
Moi: Oui... ça aurait pu détruire ma carrière.
Paul: Pff ta carrière ! Tu n'as que ce mot là à la bouche ! Mais non, moi je te parle de devenir reine.
Moi: Ah, tu parles ! Franchement tu m'imagines dans des salons, vêtue de robes longues agrémentées du noeud de Cambridge, marchant bien sagement deux pas derrière mon mari toute ma vie pendant qu'on me fait des révérences a s'en briser les genoux ?
Paul: C'est vrai que dit comme ça, on ne peut pas dire que ça colle à ta personnalité.
Moi: Pas le moins du monde et tu aurais du voir tous ces gros titres et ces photos pixelisées... c'était à vomir. Heureusement je m'en suis sortie et pas trop mal.
Paul: Rassure moi, tu continues à le voir en cachette tout de même...
Moi: Pourquoi faire ?

Je le regarde avec perplexité et il en fait de même. Paul connaît bien mon caractère, mes aspirations et mon seul but dans la vie : continuer ma carrière de manière irréprochable.

Paul: C'est vrai, n'importe qui n'hésiterait pas une seule seconde à ne plus fréquenter un homme pareil.

Je secoue négativement la tête en guise de réponse. Cette discussion est inutile, Paul est un amoureux de la vie et un amoureux tout court. Voilà des années qu'il file le parfait amour avec sa femme Nathalie et pour lui, tout le monde peut et doit vivre le grand amour. Malheureusement je ne trouve aucun intérêt à ce genre de vie. C'est un de nos points de divergence.
Nous atteignons les camps quelques dizaines de minutes plus tard. Tous les effectifs quittent les véhicules garés devant de grands bâtiments dont les murs ont la même couleur que la terre. Je confie aux sous-officiers d'afficher quelques panneaux pour permettre aux soldats de se repérer dans cette gigantesque maison. Après avoir ordonné aux hommes d'occuper le premier étage tandis que les femmes occuperont le second, je me rends au fin fond du couloir du rez-de-chaussée où se trouve la porte en bois peint de vert derrière laquelle se cache mon bureau et ma chambre pour les deux prochains mois. L'environnement est assez spartiate mais j'ai une douche attenante qui ne m'obligera pas à me rendre aux douches communes et mixtes de l'inter étage. Je commence à installer mes affaires, prête à commencer mon travail. Ça y est, mon cerveau est vierge et ma tête est vidée, il n'y a plus que moi face à moi-même.

L'étoile et le lionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant