CHAPITRE 5

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Je suis le résistant jusqu'à une table voisine. Il laisse sa place à un loyaliste et un nouveau nom est appelé. J'ai le cœur qui bat à cent à l'heure et si je ne savais pas ça impossible, je mettrais ma main à couper que c'est lui que je sens remonter dans ma gorge. Je déglutis. Je sens mon esprit s'évader, mes yeux fureter de droite à gauche. Je retiens tout, le pas mesuré de l'homme, ses cheveux bruns coupés à ras sous ses oreilles et l'encolure de son tee short qui dissimule le début d'un tatouage. Je garde même en esprit la courbure de ses bras et de ses muscles sans arrêt tendus, aux aguets.

- Bienvenue chez les résistants. Entonne t'il d'une voix forte en se tournant vers moi.

- merci...

- Je suis un des dirigeants résistants, je superviserais une partie de ta formation !

Oh ! Je déglutis, je me sens toute petite tout à coup. Moi avec mon mètre soixante-dix et lui, deux têtes au dessus, dirigeant du clan résistant.

Il semble habitué à ce genre de réaction parce qu'il me lance un sourire amusé.

- Il me faut ton nom.

Je mets un moment à comprendre ce qu'il m'a dit.

- Oh ! C'est Eli...

Je le regarde un instant sans savoir quoi dire. C'est ridicule, mais je ne suis plus Elissia. Je ne peux pas lui dire que c'est mon nom alors que je suis parvenue à défier mon père, et que ma mère n'est plus là...

Je suis quelqu'un d'autre. Les choses ne seront plus jamais pareilles maintenant que j'ai franchis l'unique porte qui sépare à tout jamais aujourd'hui de demain... Mon regard dérive. Il passe de sa main enroulée autour du crayon, à son l'écriture ronde et étirée vers le ciel, puis à son regard amusé.

- Eli... ?

- Non. Juste El. C'est ça mon nom.

Il acquiesce en silence, un sourire en coin dissimulé sous son regard sérieux.
Je me retourne et les observe discrètement, eux les fameux résistants qu'on m'a toujours défendue d'approcher. Et malgré moi, je ne peux m'empêcher de sourire. Parce qu'en les regardant, en observant leurs mains jointes, leur rire déployé et leur démarche légère, je me sens chez moi. Comme si durant toute mon enfance, je ne m'étais jamais sentie aussi à ma place. Comment peut il y avoir de telles différences dans notre monde ? Les rires des résistants et l'attitude irréprochable des loyalistes, les sourires chaleureux et les  regards sévères, la liberté du noir de jais gravé sur ma main et ce fardeau qu'est la perfection malsaine vénérée par le clan loyaliste.
On croirait que ma mère est toujours là. Qu'à aucun moment son regard ne s'est figé éternellement. Au milieu de cette nouvelle voie qui s'offre à moi, il y a cette femme étendue sur le sol que personne ne pourra jamais plus revoir. Ici, ce sont les rires enthousiastes, ce bonheur si attendrissant qu'on croirait pouvoir le recueillir dans le creux de ses mains. Tout ça, c'est tout ce que j'ai toujours souhaité.

Je rejoins le reste du groupe et m'assoie à même le sol. Je m'installe à côté d'une fille. Elle a de longs cheveux blonds platine ondulés qui lui dégringolent jusqu'à la taille. Elle arbore de grands yeux bleus perçants. Je suis presque certaine qu'elle vient de chez les résistants. Avant de marquer d'encre noire le dos de sa main, elle avait déjà gouté à cette vie là, ça se voit à son regard qui rayonne d'une fierté immense. C'est sûrement une fille qui aime sourire et croquer la vie à pleine dent. Quelqu'un de spontané qui rit facilement, parfois même trop. Quelqu'un de bien.

- Tu es la fille de Peter Vank ?

Elle se tourne vers moi en faisant danser des centaines de boucles or autour de son visage et je réalise alors que c'est à moi qu'elle s'adresse. Je me sens rougir et me tortille sur moi même. J'ai la ferme impression d'avoir inscrit en grosses lettres sur mon front FILLE DE DIRIGEANT. Je me frotte le front, gênée.

DESCENDANTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant