CHAPITRE 12

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Dans mon rêve je suis face à Travis. Ces yeux gris terne brillent d'une lueur malsaine et son sourire s'étire en un rictus méprisant. J'entends ses éclats de rire brûlants qui apposent leur marque sur ma peau à vif. Dans le coin de la salle, il y a tous les autres, riant. Me tournant vers le mur, je me retrouve face à la silhouette bleue que j'affronte chaque jour. Bondissant, elle me plaque au sol avec une force encore jamais vue. Je suffoque et essaie de me défendre, en vain. Le sang me monte au visage et j'essaie de reprendre ma respiration. Le visage de la silhouette prend tout à coup des allures plus familières. Son regard se fait de glace et Travis m'apparait. Une bouffée de colère me submerge. Il vient hanter jusqu'à mes rêves !

- Alors Gamine ? T'as fait ta valise ?

Je me réveille en sueur avec l'affreuse vision du regard de Travis braqué sur moi. Durant une minute, je me concentre sur ma respiration saccadée, mais mon pouls refuse de ralentir. Lorsque je réalise que le dortoir est vide, une vague de panique me submerge aussi violemment qu'une douche froide. C'est pas vrai ! Comment ai-je fait pour ne pas entendre la sonnerie du matin ?! Et pourquoi est-ce que personne ne m'a réveillée ?

Je m'imagine déjà entrant dans la salle d'entrainement pour affronter le regard de mort de Kurt et je suis parcourue d'un frisson irrépressible. Je me lève si vite que je trébuche, prise de vertige. En rallant, je m'élance vers la sortie, désespérée et courant aussi vite que mes jambes engourdies me le permettent. Et puis brusquement, je me prends un mur.

- Aïe ! J'en ai marre ! Hurlé-je avant de me rappeler qu'ici les murs sont rares.

Relevant la tête, je découvre que le mur n'est pas un mur mais un Corey. Ses yeux rieurs me détaillent lentement comme pour comprendre.

- Tu es venu me chercher c'est ça ? Je vais me faire tuer... Lancé-je une pointe de nervosité dans la voix.

- Bonjour El ! Ironise-t-il. Puis je savoir pourquoi tu penses vivre tes dernières heures ?

- Kurt. Lancé-je comme si c'était évident.

- Kurt ?

- Je suis en retard. Expliqué-je en me mordant la lèvre espérant vainement qu'il me démente.

- Où ?

- À l'entrainement ! Rallé-je brusquement excédée. Tu te fiches de moi ?!

- Ah ! T'inquiète petite ! C'est notre jour de repos ! Kurt était occupé pour la journée alors pas d'entrainement. Faut pas oublier que sous ses airs de tortionnaire il dirige les résistants.

- Oh.

Durant une seconde, mon esprit cherche dans mes souvenirs lorsqu'on m'a dit que nous avions un jour de repos. En vain. Il sourit et moi je me sens bête.

- Je suis pas petite ! m'écrié-je soudain piquée au vif.

Un sourire étire ses lèvres. Il me regarde du haut de son mètre 95, soulignant le problème silencieux qui me tiraille depuis mon arrivé. Moi qui espérais être la seule à avoir remarqué notre différence de taille, trop conséquente à mon goût. C'était espérer passer inaperçue avec un éléphant sur le dos...

- Ah bon ? Je suis sûr qu'on pourrait te prendre pour ma petite sœur ! Tu as combien d'années de moins que moi déjà ? Un sourire réjoui contamine à nouveau ses lèvres.

Son sourire est si contagieux que même moi je m'y fais prendre et je rigole comme une imbécile.

Lorsque je ne suis pas seule et que le silence n'est pas si lourd de son absence, je retrouve comme une petite partie d'Elissia. Une partie que je croyais perdue. Et puis dans la nuit, je me retrouve face à un moi obscur, ruminant la réalité de ce qui reste de mon monde. Une réalité qui ne cesse de me couper le souffle comme un étau se resserrant autour de ma poitrine. Je ne cesse alors de voir tout ce que j'avais, ce que je n'ai plus et que je n'aurai plus jamais. Dans ces moments, j'aimerais que la douleur, aussi forte soit-elle, ne dure qu'un instant. Je voudrais me persuader qu'en me levant, je retrouve la lumière et qu'à travers le vent, m'apparaissent ces sourires d'autrefois. Mais lorsque je sors, la bise me fouette le visage et mes yeux me brûlent, comme si tout mon être hurlait et pleurait les moments que jamais je ne retrouverai. La nuit, dans le froid obscur, je ne sens plus que mon esprit perdu dans la brume aveuglante des jours qui se succèdent. Je ne sens plus que ma peau, brulée, agressée par le poids des souvenirs et que mon cœur déchiré, qui persiste à battre dans ma poitrine.

DESCENDANTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant