CHAPITRE 30

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La fin du trajet se passe dans le plus profond silence possible. La silhouette de Ant réapparaît parfois durant quelques secondes puis se dissimule à nouveau dans le fin fond des longs couloirs. C'est peut-être mieux ainsi, pour le moment je rêve seulement d'un lit et de quelques heures de répit.

Lorsque nous rejoignons le dortoir, il y règne une sorte d'agitation électrisante. Des éclats de voix se font entendre depuis la salle commune. Nous entrons, Ant en premier puis moi un peu après, le souffle coupé par notre remontée à la surface. Lorsque j'entre, le bruit des conversations se tait aussitôt. Je jette un regard circulaire à la salle, intimidée. Tout le monde s'est tournée vers moi et m'observe, plus ou moins embarrassé. Je déglutis et rejoins mon lit en trébuchant. Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Je me défais de mon sweat et le pose sur le drap, histoire de faire comme si de rien était. Le calme est presque oppressant.
Lentement, comme si un seul geste brusque risquerait de faire exploser la tension accumulée, je déglutis et me tourne vers Cassie, debout à quelques mètres, qui continue de me fixer. Ses yeux expriment une profonde tristesse, je fronce les sourcils, tout à coup inquiète. Soudain j'aperçois un journal encore fermement agrippé par sa main crispée. Je frémis, qu'est-ce qu'il y avait dans ce journal ? Tout mon corps semble répondre à l'alerte et je me racle la gorge, tendue.
- Cassie, qu'est-ce qui se passe ?
Elle détourne les yeux et je lâche un soupire exaspéré. Personne ne peut me dire ce qu'il y a ?
- Pourquoi vous me regardez tous comme ça ? Je peux savoir ce que j'ai fait ?
Cette voix ma voix est plus forte.
- Je... On a reçu des journaux...
Je fronce les sourcils et la supplie du regard d'abréger. Cette tension est insupportable.
- Je suis désolée El.
- Désolée pour quoi ?
- Pour ta mère. Je, je suis désolée.
Mon sang se glace soudain. Je détourne les yeux. Alors ça y est ? Le jugement s'est abattu ? Tout le monde est donc désormais au courant ? La tension semble s'accumuler au dessus de nos épaules. Qu'ont t'ils raconté sur sa mort ?
Cassie, au même titre que les autres à l'air terriblement gênée. Elle entremêle fébrilement ses doigts en me lançant de petits et brefs coups d'œil. Je voudrais sourire et lui dire que ce n'est rien, je voudrais qu'elle arrête de me fixer ainsi. Mais j'en suis incapable. Je prends une profonde inspiration.
- Qu'est-ce qu'ils disent ?
- Euh... Pas grand chose, ils parlent de... son enterrement. Ils, ils ne donnent aucune... explication sur ce qui lui est arrivé.
- Je peux voir ?
- Le meilleur article est ici Gamine lance une voix mauvaise dans mon dos.
Je me tourne vers Travis. C'est bien la dernière personne que j'ai envie de voir. Il affiche un sourire éclatant et tient au dessus de sa tête un journal que je reconnais aussitôt pour l'avoir vu tous les matins entre les mains de père chez les loyalistes. La plus célèbre gazette du monde loyaliste, elle avait toujours son mot à dire sur les potins hebdomadaires ou une affaire à critiquer vigoureusement. Je fronce les sourcils, voir ma mère apparaître dans le journal le plus déchaîné et agressif que je connaisse m'inquiète un peu.
- Tous ceux là ne font que rapporter les faits, mais celui-ci donne une analyse particulièrement intéressante de toute cette affaire. Continue t'il.
Je fronce les sourcils. Serait-il possible qu'un journal accuse enfin mon père ? Une sorte d'anxiété désespérée naît alors en moi.
- Ecoute moi ça Gamine : Ce matin, les funérailles de Marguerite Vank ont été entreprises. Décès qui était jusque là resté dans l'ombre pour une raison inconnue. Après presque trois semaines, la mort de la femme de Peter Vank est rendue publique. La question qui se pose est pourquoi. Pourquoi avoir attendu autant de temps et pourquoi personne ne semble connaître la véritable cause du décès ? Plusieurs hypothèses sont possibles, mais une attire particulièrement l'attention. Suite à ce tragique événement, ayant vraisemblablement eu lieu au matin du Jour, la famille Vank a fait beaucoup parler d'elle. Tout d'abord avec le départ de la fille unique, Elissia, qui a rejoint les résistants ce qui a semblé beaucoup l'amuser au désespoir du pauvre père qu'elle abandonnait. Energiquement critiquée pour son comportement dit outrancié, elle est devenue une sorte de bouc émissaire de tous les maux de la ville. C'est à se demander s'il n'existerait pas une autre raison dissimulée aux yeux de tous pour lui infliger cette réputation. Sans oublier que le père de cette dernière, Peter Vank, a pu pour une raison inconnue accéder au rang de Chef dirigeant. Une fille qui fuit les lieux du drame, un père désespéré qui se voie couronné pour une raison mystérieuse, les éléments se mettent en place pour soupçonner que la mort de Marguerite Vank ne semble pas être un simple accident.
Et s'il s'agissait d'un meurtre ? Le coupable aurait tué dans un accès de rage incontrôlée, puis effrayé, il aurait fui, abandonnant sa famille qui malgré tout, aurait tenu à garder cette histoire secrète pour la préserver, avant d'être finalement récompensée pour son courage. Et si, le monstre de cette histoire était Elissia Vank ?

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