C'est impressionnant. Une eau sinueuse trace son chemin dans la terre autour d'elle. C'est une bâtisse immense avec un dôme gigantesque sur lequel s'écoule une l'eau aussi pure que le ciel. La porte d'entrée est une gigantesque arcade par laquelle passe le cours d'eau du croissant de lune, encré dans le sol comme un petit ruisseau. Autour, on peut voir d'autres fenêtres avec des vitraux aux couleurs océanes. Je note la présence d'un petit pont en marbre pour chevaucher le cours d'eau, sur lequel se dresse majestueusement, une sirène aux traits délicats, empreints d'une délicieuse perfection.
La structure ressemble quelque peu à celle du bâtiment loyaliste. Enfin si on oublie le toit, toute cette eau qui s'engouffre dans les sinuosités de la terre et les gigantesques vitraux.
Je prends conscience pour la première fois de ce qu'est réellement Eureka, La Cité sous marine. Une maitrise féérique et enchanteresse des eaux indomptables. Le seul élément jusqu'ici à ma disposition pour expliquer le surnom de la ville était le sous sol du bâtiment loyaliste. Au centre de la pièce principale, il y a un escalier qui tourbillonne du plafond jusqu'au sol et vient aboutir gracieusement sur le socle d'une gigantesque fontaine où des nymphes en marbre scintillant se pavanent sous le regard charmé des travailleurs. Arrachant de leur beauté, des sourires envoutés aux fonctionnaires qui déambulent des tonnes de dossiers entre les bras. Mais voilà que les déesses sont à présent reléguées au second rang. La bâtisse est sans aucun doute dix fois plus impressionnante, même la perfection de ces créatures mythiques ne peut remettre en question la précision délicate des colonnes de marbre, ou les couleurs enchanteresses des vitraux sans parler de l'harmonie antique qui mêle la pierre drue et sombre au miroitant dôme aquatique.
Plus nous approchons, plus il y a de choses à voir, comme si nous n'en avions jamais fini. Mes yeux papillonnent sans cesse d'une chose à l'autre, intenables. L'herbe sous mes pieds, le bleu transcendant du ciel, tout semble plus lumineux, revigorant. Tout mon être brûle passionnément devant le spectacle qui s'offre à moi.Bientôt, on peut voir apparaître une foule considérable devant la gigantesque porte du bâtiment. Regroupée sous le dôme océanique, ils forment une immense tâche colorée, qui s'étend et s'empare du paysage. Entassés autour du cours d'eau, ils sont peut être une centaine et plus on se rapproche, plus j'entends leurs cris de joie et leurs rires. Ils se tiennent nonchalants, leurs sourires débordants qui contaminent chaque visage sans exception, rassemblés au dessus du petit « pont-sirène ».
Lorsque nous arrivons ils se mettent à courir vers nous. Je me fige incapable de savoir si je dois essayer de m'enfuir ou les accueillir à bras ouverts. Je jette un regard à Warren qui se tient à côté de moi. Il a un mince sourire qu'il essaie vainement de cacher. Et plus loin Kurt qui se renfrogne comme craignant le pire.
- C'est pas vrai, de vrais gamins ! Souffle Warren en riant.
Les résistants se jettent sur nous et nous attrapent de leurs mille mains. Ils nous serrent dans leurs bras et se mettent à rire et à chanter. Je me retrouve hilare, l'âme saisie par une dizaine de mains inconnues, pressée de droite à gauche et secouée d'une dizaine de tapes amicales, bercée par leur voix tonitruantes.
« Chacun choisit sa voie,
Nous on a choisi le combat,
On veut protéger,
On a envie de liberté,
C'est nous les forts,
Même si parfois on a tort,
Fiers et orgueilleux,
Rusés et courageux,
On se bat jusqu'au dernier,
Si c'est pour not' liberté,
Et si on est blessé,
On l' fera pour ceux qu'on a aimé,
On est des résistants !
Des vrais combattants !
Et quand on sourit
On illumine les vies »Je ris au son des paroles tellement ridicules et dissonantes comparées aux mélodies toujours parfaites des loyalistes. Les syllabes sont mâchées, le rythme se confond et se mélange, les temps ne sont même pas respectés et dans l'éclat de voix générale s'élèvent des rires et des tapements de pieds asymétriques. Et pourtant, elle semble tellement plus naturelle, débordante de vitalité, que la perfection incarnée des musiques de mon enfance. Au contraire, celle-ci semble avoir été créée par une troupe d'élèves de primaire dans la cour de récré. Je me laisse porter à l'intérieur en écoutant Kurt pester. Une sensation de bonheur comble légèrement le vide en moi, quelques instants. Comme si un liquide chaud et agréable avait enfin remplacé celui détestable, glacé et dénué de vie qui coulait dans mes veines depuis plusieurs heures. On me repose sur le sol, euphorique, délicatement, comme lorsqu'on sort d'un rêve, échevelé et bouillonnant. Puis, dans une sorte de respect bruissant, chacun s'écarte pour laisser les dirigeants passer.
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DESCENDANTE
Science FictionAprès la guerre, le monde avait sombré si bas que, même la plus fragile des lueurs, ne parvenait plus à redonner à la terre ce qu'elle avait perdue. Les hommes avaient oubliés jusqu'à la sensation enivrante du sourire ravageur, jusqu'au doux carillo...