CHAPITRE 41

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Une détonation épouvantable me perce soudain les tympans et j'ouvre les yeux dans un sursaut. Je pousse un cri et me relève, couverte de sueur. Je fronce les sourcils et retombe sur le sol. Une douleur me traverse le corps. Je gémis et roule sur le côté pour me relever. Ma tête me brûle.

J'ouvre à nouveau les yeux, haletante. Qu'est-ce qui se passe ? Une seconde détonation retentit dans l'air et je serre les dents. Une explosion. Je me laisse deux secondes, le temps d'assimiler et reprends mes esprits. Il faut que je sorte !
J'observe la pièce autour de moi. Mes mains se mettent à trembler mais je réussis à me mettre debout. Je déglutis. Je suis enfermée. Je tourne trois fois sur moi-même. Aucune fenêtre et rien qui puisse m'aider à sortir. La salle est vide. Je sens mon cœur battre jusque dans mes oreilles. Le tremblement de mes doigts s'accentue. Il faut que je sorte. Troisième explosion. Je ne peux plus respirer. Reste calme Elissia ! M'intimé-je. Je me force à respirer calmement.
C'est comme dans la seconde épreuve. Il y a un moyen de sortir. Il y en a forcement un. Je réfléchis à toute allure. Une clef. Kurt avait une clef ! Je me tourne brusquement vers la porte. Une serrure ! Je me précipite vers la seule échappatoire et me place à hauteur d'œil, face au verrou. C'est une vieille serrure, il doit forcement y avoir un moyen de la faire sauter. Je déglutis. Quelque chose de fin ou de pointu. Si seulement on ne m'avait pas pris mon arme. Deux coups de feu et j'aurais été libre !
Une arme... Je lâche un hoquet de surprise. Je fouille à toute vitesse dans ma veste les mains tremblantes. J'attrape le manche du poignard. Je le regarde, un peu anesthésiée. Je n'ai jamais forcé de serrure, je ne sais même pas comment on fait. Je tente de me réconforter, ça ne doit pas être si sorcier. Je me saisis du couteau et l'insère dans la serrure. Elle est rouillée, si je ne parviens pas à déverrouiller le mécanisme je pourrais peut-être la briser. Je donne plusieurs coups. La pointe en métal est solide et bientôt je vois le verrou commencer à méchamment se cabosser. Je redouble d'effort. Mes doigts me lancent et ma tête me hurle de me dépêcher. La vision du corps d'Ant qui s'écroule au sol tourne en boucle dans ma tête. Je ne laisserai pas une chose pareille arriver !
Tout à coup la serrure cède. Un sentiment de profond soulagement m'enveloppe et j'ouvre la porte à la volée. Je pénètre dans le couloir. Vide. Je me mets à courir vers le dortoir. Lorsque j'arrive il est vide lui aussi. À quoi est-ce que je m'attendais ?! Ce n'est sûrement pas un feu d'artifice que j'entends percer la tranquillité de la nuit. Je refoule la nausée en imaginant mes amis sur le champ de bataille, dans la cohue sanguinaire des assaillants. Tous qui se jettent corps et âme dans un complot qu'ils ne saisissent même pas. J'attrape le fusil encore sur le sol, là où je l'avais posé et sors.
Il faut que je rejoigne la salle commune ! Le stress commence à s'emparer de moi. Je le sens monter, s'infiltrer sous les pores de ma peau et contaminer mes pensées. J'ai déjà du mal à respirer et mon cœur bat dix à cent fois plus vite.

Je pénètre essoufflée dans la salle commune. Le silence me fait l'effet d'une véritable explosion. Je jette un coup d'œil à l'unique sortie. Au loin une explosion se fait entendre couvrant sûrement le bruit des détonations encore inaudible d'ici. Je me surprends à vouloir rester là encore un peu. Plus j'avancerais dans ce couloir et plus la mort se fera sentir. Je la devine déjà, blottie dans l'havre de paix de la salle commune. Je vois déjà venir les enfers de l'autre côté du couloir. Je prends une inspiration et me jette, moi aussi, dans la tempête.

Au début, je n'entends que le silence assourdissant de mes pas pressant sur la pierre, puis des cris, des coups de feu. Je me mords la lèvre jusqu'au sang. Je vois l'entrée du couloir au loin. Il fait nuit dehors mais le carnage est illuminé par de multiples torches enflammées que tiennent quelques combattants au dessus de leur visage.
J'arrive enfin à l'extrémité du couloir. Le vent souffle fort et je me force à ne pas respirer. Ma tête bourdonne. Le spectacle est comme dans ma vision. Le ciel est d'un noir profond, acre et ténébreux. Les lumières rouges des flammes baignent la scène d'une lueur d'épouvante. Et surtout, ces hommes et ces femmes qui se battent. Ces corps que j'entends s'écraser sur le sol et ce sang qui gicle. Je prends une inspiration. Ant a besoin de moi ! Je me force à respirer par la bouche. Je sais ce qui va venir. Et je ne veux pas respirer cette odeur de corps en putréfaction et de sang. Je contemple le spectacle en essayant de ne pas m'attarder sur les corps au sol. Il faut que je reste calme. J'ai déjà vécu cette scène. Si je ne me calme pas je ne pourrai sauver personne.

Et puis, une puissante explosion retentit à quelques mètres balayant toutes mes résolutions. La détonation me brise les tympans comme un hurlement de douleur. Mon corps est violement projeté avant même que je ne comprenne. Je sens seulement ma tête qui se cogne brutalement contre le sol. Je suffoque. J'ouvre les yeux mais ils se referment aussitôt. Ma vision est légèrement trouble. Je fronce les sourcils. Des volutes de fumée s'élèvent autour de moi. A tâtons je cherche la manche de ma chemise et arrache un bout de tissu que je plaque contre mes lèvres. Je déglutis, le décor tangue devant moi. Il faut que je me relève. Je prends une inspiration et relève la tête. Un son strident vient percer mes tympans. Je n'entends plus rien si ce n'est lui. Il résonne à l'infini et son aigu se répercute sans fin, jusqu'à s'infiltrer en moi. Je lâche un gémissement et plaque mes mains sur mes oreilles. Un râle de douleur s'échappe d'entre mes lèvres tandis que le son s'infiltre plus profondément en moi jusqu'à ce que je ne puisse plus respirer. Mes membres me semblent étrangers, engourdis. Le son persiste et je mets une minute de plus à comprendre qu'il vient de moi. Mes oreilles. L'explosion a du avoir un impact sur mon audition. Mais le son va revenir. Il le faut. Je prends plusieurs inspirations. Il faut que je me relève. Je tente d'ouvrir les yeux. Cette fois, je me sens un peu plus équilibrée. J'entends plus faiblement le son des balles qui sifflent dans l'air mais je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'une bonne chose. Je me laisse une minute supplémentaire et le son revient quasi entièrement. J'avale ma salive et tente de me stabiliser.

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