Lorsqu'au matin du 6ème jour je rejoins la salle d'entrainement, Kurt n'est pas encore arrivé. Tout le monde est là, même cet abruti de Travis. Mes yeux se posent d'instinct sur Ant assis plus loin dans un coin de la salle. Je me souviens très distinctement d'hier soir. Lui par contre ne daigne pas m'accorder un regard. À croire que toutes mes questions ont du l'exaspérer. Il regarde droit devant lui, comme immergé dans ses pensés. Ses yeux se perdent à l'infini. Je me demande à quoi il peut bien penser.
À ce moment Kurt débouche dans la salle. Je le vois à mes camarades qui, d'un même mouvement, se raidissent. Il porte une veste kaki et semble d'une humeur massacrante. Pour changer.
- Aujourd'hui nous allons procéder différemment, commence-t-il.
- Comment ça ? demande Don.
Kurt se retourne vers lui et je suis étonnée de ne pas voir Don s'écrouler sous son regard foudroyant.
- Nous n'allons pas nous battre ? demande Corey avec une pointe d'espérance dans la voix.
- Effectivement non.
Sa réponse nous cloue le bec. Je m'attendais à ce qu'il remette les espoirs de Corey à leur place avec une remarque cinglante, pas qu'il les entretienne. S'il l'a fait, ça ne signifie qu'une chose. Ce qui nous attend est encore pire.
- Les résistants ne doivent pas se battre seulement avec leur corps. Souffle-t-il d'une voix dure et pleine de sous entendu. Certes cet apprentissage vous est indispensable, mais il vous faudra aussi savoir rivaliser lors de luttes armées.
Toutes les paires d'yeux se dirigent alors vers l'entrée de la salle où se dresse avec majesté le mur couvert d'armes. Je déglutis. Si mon père me voyait. Je refoule aussitôt cette pensée.
- Prenez tous un flingue et placez vous devant les cibles.
Lentement, en hésitant, chacun de nous se dirige vers l'armurerie. C'est Travis, accompagné de son subalterne qui prend son arme le premier. Son expression de ravissement tranche littéralement avec le regard perdu de tous les autres. Sauf Ant qui affiche, bien sûr, une expression insondable. Lorsque je pose mes doigts sur le canon du fusil je frémis. Il est lourd. C'est bien la première fois que je touche une arme à feu. Je peux tuer des gens avec ça... Tout mon corps est saisi de frissons.
- Ils ne sont pas chargés à blanc nous annonce Kurt comme en réponse à ma remarque intérieur.
Même Cassie qui est d'un habituel positif semble blanchir un peu.
- Cette épreuve va compter dans la première phase ?
- Bien sûr. Cependant, de tout ce que vous ferez jusqu'à l'épreuve, il n'y aura que celle du combat rapproché, des armes à feu et une dernière que vous découvrirez en temps voulu.
- Il va en avoir une autre ? Se récrit Carter la voix tout à coup tremblante.
Il faut croire que même chez les résistants, avant le Jour personne n'est habitué à manipuler des armes. Dans notre groupe, seuls Travis, Kurt et Ant semblent satisfaits de la situation.
- Oui. Dit Kurt qui semble trouver amusante la vision nos visages déconfis.
- Placez-vous ordonne-t-il.
Comme réveillés en sursaut, nous nous dirigeons tous dans un même mouvement vers les cibles accrochées au mur du fond, à la place des sacs de sables.
- Suivez bien mes gestes ordonne Kurt.
Celui-ci écarte puis fléchit les jambes et monte son fusil le long de son épaule. Et il tire. Une fois. Le bruit me transperce les tympans. Plusieurs personnes sursautent. Impressionnant ai-je envie de souffler mais je m'abstiens. Je me tourne vers la cible pour constater que la balle l'a transpercée en son centre. Il tire une seconde fois et je me tourne vers lui pour mieux observer. Sur son visage, aligné avec l'arme, on peut lire de la concentration et une profonde indifférence, mélange totalement incohérent. Je prends le temps d'observer un à un chacun de ses membres et de ses mouvements, toujours nets et précis. Puis, il se tourne vers nous, durant une seconde je jurerais qu'il savoure les expressions d'horreur taillées sur nos visages. Il lève son arme devant lui et plusieurs personnes sursautent violement.
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DESCENDANTE
Science FictionAprès la guerre, le monde avait sombré si bas que, même la plus fragile des lueurs, ne parvenait plus à redonner à la terre ce qu'elle avait perdue. Les hommes avaient oubliés jusqu'à la sensation enivrante du sourire ravageur, jusqu'au doux carillo...