« tu es mon cœur je suis ton sang, mon Dieu que je t'aime tant »
[Raclement de gorge] [soupir]. C'est un peu nul de commencer comme ça, tu ne crois pas ?
Bref.
Quand j'ai été voir Batman pour la première fois, j'ai eu peur. Peur de la personne qu'il était, de ce qu'il pouvait me faire mais quand je suis allée le voir une deuxième fois, j'étais moins effrayée.
Parce que je savais à quoi m'attendre, une seconde fois. Je suis donc revenue sur ce fameux toi, après que Jérôme ait tué encore des personnes. Je voulais qu'il soit stoppé pour la sécurité de tout le monde.
Il le fallait.
Il s'est présenté comme l'autre fois, en surgissant de la nuit comme par magie. Je n'avais pas froid, pas cette fois. J'étais le contraire de la dernière fois, j'étais plus confiante.
J'avais besoin de lui mais il ne comprenait pas, ce qui voulait dire qu'il ne sait pas ce que c'est avoir besoin de quelqu'un. J'ai alors tout de suite compris que c'était une personne seule qui se cache derrière ce masque, j'ai compris qu'il devait être seul pour faire ce qu'il fait.
Une personne seule, solitaire, discrète, à l'écart de la société.
J'ai creusé le sujet sur son identité plus tard, pour mettre un nom sur la personne que je voyais au milieu de la nuit.« On se regarde droit dans les yeux sans rien dire pendant de longues secondes. Le peu de son visage que je vois me montre qu'il serre la mâchoire, déterminée à rester froid comme la glace.
- Je peux le faire venir. Je peux l'appeler et tu pourras le coincer.
- En es-tu vraiment capable ?
- Oui. Parfois, il s'incruste tardivement dans ma chambre.
- C'est une personne dangereuse que tu fréquentes, Katerina, gronde-t-il.
- Pas avec moi.
Il ne me ferait jamais de mal, il ne le fera jamais de toute sa vie et j'en suis certaine. Notre amitié est solide, je suis sûre qu'elle existe encore et qu'il y a possibilité que nous puissions la garder.
Mais quand il apprendra que je parle à Batman dans le but de l'arrêter, je dois avouer que je ne sais pas quelle sera sa réaction. Il est imprévisible à présent.
- J'ai une meilleure idée.
- Une meilleure idée pour attraper mon meilleur ami ? Oh et bien, éclaire ma lanterne, ricané-je, mauvaise.
Le truc est que je n'ai pas compris ce qu'il m'arrivait sur le coup. J'ai compris ce qu'il avait fait quand je me suis réveillée dans un endroit sombre et humide de la ville, dans un sous terrain ou une grotte.
Il m'a assommée et cela doit faire des heures que je suis ici, mais je ne saurais dire combien de temps. Mes liens sont trop forts pour que je puisse me libérer alors je contemple l'endroit, humide, sombre, glacial. Je peux entendre de l'eau couler le long des parois, le vent s'incruster dans la grotte et souffler.
J'ai sommeil mais l'adrénaline m'empêche de fermer les yeux et je dois avouer que ce n'est pas un lieu pour dormir tranquille.
J'entends un bruit étrange, provenant de l'obscurité. Malheureusement, je ne vois absolument rien dans ce noir mais je sais que j'ai peur, très peur.
- Qui est là ?
J'entends soudainement un rire à glacer le sang mais je comprends que ce n'est autre que mon meilleur ami. Je soupire de soulagement bien que d'autres seraient terrifiés puisqu'ils ne le connaissent pas comme moi je le connais.
- Jay ? appelé-je.
Une masse sombre se dirige tout droit vers moi jusque ce que je puisse distinguer les traits de son visage quand il approche son visage du mien. Un soulagent se propage dans mon cœur et surtout dans mon regard tandis que ses yeux verts restent empreint d'un grand mystère.
Il sourit en faisant des grimaces, comme s'il était un clown et qu'il animait une activité pour des enfants.
- Détache-moi.
- À vos ordres, capitaine !
Jérôme passe derrière et moi et me détache sans le moindre effort, comme s'il avait fait cela toute sa vie. Ses doigts sont froids mais son visage dégage quelque chose de plus chaud.
Il ne m'aide pas à me relever et se met plutôt à siffloter comme la situation ne lui était pas étrangère. Mon meilleur ami laisse tomber une carte de jeu par terre, le joker.
- Pourquoi tu fais ça ?
- Et pourquoi pas ? répond-il, amusé.
Je le suis dans le dédale de cette galerie avant que nous ne rejoignons la surface. Il est animé par une surexcitation que je ne connais pas et a l'air de bonne humeur.
Je grimpe dans une voiture, du côté passager tandis qu'il accélère à toute allure, même ayant à peine mis ma ceinture. Je m'accroche au siège quand je remarque la vitesse à laquelle il roule. Pourquoi être restée là ? Pourquoi Batman a eu l'idée de me laisser seule pour que Jérôme vienne me chercher ?
Jérôme tourne je ne sais combien de fois avant d'entrer dans un garage souterrain. Il freine brutalement et coupe le moteur tout en sifflotant, l'esprit tranquille. Je ne comprends pas cet air si détaché de la réalité, il n'a pas l'air conscient qu'il est la personne la plus recherché de la ville.
- Où est-ce que nous allons ? demandé-je.
- Promenons-nous dans les galeries, pendant que la chauve-souris n'y est pas, commence-t-il à chanter.
Je pince les lèvres. Je ne peux rien lui soutirer, il répond à côté à mes questions. Jérôme pousse deux portes en bois massif sur une hauteur de trois mètres et nous débouchons sur une pièce où se trouvent plusieurs personnes qui ne me paraissent pas recommandable à fréquenter.
Je les ai déjà vus dans l'asile psychiatrique où se trouvait Jérôme. Ils me regardent, intrigués.
- Mesdames et messieurs, dit Jérôme en tendant les bras à l'horizontale et prenant une voix d'un animateur télé.
Les personnes présentent dans la pièce applaudissent comme si c'était la meilleure chose qu'il ait dit de sa vie. Ils sont complètement dingues.
- Laissez-moi vous présenter notre invitée, l'incroyable Katerina Milles !
Les applaudissements redoublent, sauf ceux d'une femme qui ne fait rien, puis ils se tarissent jusqu'à ne plus y en avoir. La femme me regarde avec le plus de haine possible.
Je viens de rentrer dans le repère des évadés tandis que j'avais demandé de l'aide à Batman de capturer mon meilleur ami. Je me sens soudainement mal face à cette pensée. Et s'il savait ? Et s'il était au courant ? Que dirait Jérôme ? Me tuerait-il ?
Je reste silencieuse en faisant un signe de main avant de me tourner vers Jérôme.
- Il faut qu'on parle, dis-je tout bas.
- Mais parle plus fort, je n'entends rien !
Les autres ricanent.
- On doit parler. En privée.
- Pourquoi ?
- Parce qu'on doit parler de certaines choses. S'il te plaît.
Je déteste me disputer avec une personne devant d'autres personnes. Tout le monde nous regarde et tout le monde peut nous juger. Je le regarde droit dans les yeux et il a toujours ce sourire amusé sur le visage et je déteste ça.
Je ne me sens pas en danger, je me sens plutôt considérée comme une personne de bas rang, comme s'il se moquait de la personne que je suis.
- D'accord. Alors parlons de tes deux petites escapades nocturnes avec Batman.
Je pâlis sans le quitter des yeux. Je sens également le regard des autres posés sur moi et je n'aime pas ça, je me sens soudainement en danger. Je vois une forme de colère dans le regard de Jérôme que j'avais déjà vu auparavant, lorsque nous étions en cours de boxe, quelques jours après qu'il ait tué sa mère. À ce moment, je ne savais pas encore qu'il avait fait cela.
Son sourire sadique lui colle à la peau et je ressens une grande insécurité. Je savais qu'il savait mais je ne pensais pas que Jérôme allait me faire une remarque par rapport à cela. Pire, je déteste la manière dont il a l'air de me juger.
- Tu as perdu ta langue ?
Il passe un doigt sur ma gorge, comme s'il traçait une ligne. Il me procure un terrible frisson, désagréable, me glaçant dans le sang. J'oublie le fait que nous avons été amis en cet instant, j'oublie que nous nous connaissons et que tout est remis en question.
Il tourne autour de moi comme s'il était le lion et moi le bout de viande.
- Tu cherchais de l'aide auprès de Batman. Pas vrai ?
Je ne réponds pas, bien trop occupée par ce numéro qu'il me joue.
- Tu veux un joker ?
- Non.
- Alors tu veux quoi ?
Qu'est-ce que je veux en réalité ? Telle est la question, je n'en sais rien. Je suis sûre d'une chose, c'est que je ne veux pas qu'il continue à agir de la sorte.
- Tu ferais mieux de la tuer. Elle n'amènera que des ennuis et est alliée avec l'homme chauve-souris.
- Non, non, non.
- Si ! insiste l'homme aux cheveux bouclés. Dès qu'elle sortira d'ici, elle nous balancera à lui ! Elle doit mourir, c'est moi le capitaine. C'est moi qui commande.
Jérôme éclate de rire comme si c'était une blague avant d'arrêter brusquement de rigoler. Il prend une arme, un revolver.
- Capitaine de mes fesses, répond-il.
L'homme aux cheveux bouclés s'avance vers mon meilleur ami, confiant, tandis que la femme présente dans la pièce lève les yeux au ciel. Apparemment, ils doivent se disputer souvent tous les deux.
- J'ai assassiné une douzaine de femmes, contrairement à toi. J'ai terrorisé toute la ville et toi, qu'est-ce que tu as fait ? T'as été au lycée et t'as soudainement tué ta maman ? dit l'homme en se moquant.
Jérôme n'a pas le moindre sourire.
- Il faut bien commencer quelque part.
- Jay, t'es sérieux ? marmonné-je.
En réalité, c'est cela son ambition, devenir un criminel. J'en reste estomaquée.
- Je suis un visionnaire, un ambitieux. Un petit génie et toi, tu n'es qu'un... pauvre cannibale complètement débile. Combien de personnes devras-tu encore dévorer pour comprendre que tu ne serres à rien ?
- Tu veux parier que je suis inutile ?
- Je te propose la roulette russe, j'en suis fou !
Il fait tourner le barillet avant d'insérer une balle et de faire tourner à nouveau le barillet. La roulette russe consiste à faire tourner le barillet assez rapidement pour que l'on ne voit pas dans quelle trou par cartouche a été insérée. Ainsi, le risque potentiel est la mort.
- Les femmes d'abord, se moqué Jérôme.
Il est complètement malade de risquer sa vie avec ce jeu stupide. Le type pointe l'arme sur sa tempe sans quitter Jérôme du regard, dents serrées et bouche grande ouverte. Il appuie sur la détente mais aucun bruit, il sourit, victorieux.
Jérôme prend l'arme avec un petit sourire au coin des lèvres, amusé par la situation. Mon cœur bat si vite et si fort que tout le monde pourrait l'entendre. Il charge l'arme et la pointe sur sa tempe également, une expression flippante sur le visage.
- Mec, tu sais c'est quoi le secret d'une bonne comédie ?
Jérôme appuie sur la détente mais seulement un « tic » se fait entendre. Ses yeux semblent vouloir sortir de leur orbite.
- Le timing, dit Jérôme en souriant comme un malade.
Il change une deuxième fois l'arme et la pointe sur sa joue. Mais qu'est-ce qu'il fabrique ? Je reste de marbre, à l'observer comme si j'allais le perdre d'une seconde à l'autre.
- Tu sais c'est quoi la définition du courage, mon pote ? demande-t-il avec un air méchant sur le visage.
Mon meilleur ami appuie une seconde fois, mais rien ne se passe hormis un deuxième « tic ».
- L'élégance sous pression, répond-il tandis que le visage de l'homme aux cheveux bouclés se décompose.
Cette fois, Jérôme pointe l'arme juste en dessous de son menton, le visage en colère mais il reste néanmoins sous contrôle. Ses sourcils sont froncés, une haine dans le regard.
- Et c'est qui le boss ? grince-t-il des dents en défiant le type.
Jérôme garde le suspense pendant quelques secondes avant d'appuyer sur la détente. Mon cœur arrête de battre une seconde en entendant une troisième fois le « tic ». Je soupire de soulagement, ne faisant aucun effort pour le cacher. Le type aux cheveux bouclés et nettement plus petit que mon meilleur ami grimace, mécontent.
Mon meilleur ami sourit diaboliquement, comme si mettre sa vie en danger avait été la chose la plus amusante de sa vie.
- C'est moi le boss et c'est moi qui ordonne qui doit mourir ou non. Et elle ne mourra pas sans mon accord. C'est moi qui le ferai en temps voulu.
J'ai un large frisson qui parcourt mon échine et j'ai la furieuse envie de m'enfuir d'ici. Je n'en reviens pas qu'il puisse envisager ma mort, de plus, qu'il envisage de me tuer lui-même.
- Suis-moi, dit-il à mon attention.
Frustrée et trop choquée pour rester ici, je le suis sans broncher, les bras croisés. Nous rentrons dans une chambre, qu'il ferme à clé derrière lui.
- Ne t'en fais pas, je ne vais pas te tuer. J'ai encore assez de pitié pour ne pas être cruel envers toi.
Dans un sens, je devrais me sentir rassurée mais je ne le suis pas.
- De la pitié ? m'exclamé-je. C'est tout ce que je représente pour toi ? De la pitié ? Mais tu n'as donc aucun cœur ?
- Un cœur ? Mais quel cœur ?
- Ça t'amuse tellement toute cette situation mais pas à moi.
Il lève les yeux vers le plafond en souriant, mains dans le dos.
- T'as tué Vincent et tous les autres. T'avais pas le droit de faire ça.
- Tu m'as incité à le faire, tu sais ça ?
- Parce que c'est de ma faute maintenant ? ricané-je.
Depuis bien longtemps je savais que c'était ma faute. Je suis responsable de toute cette situation, quelque soit la manière dont il les a tués. Pour la moitié des personnes qu'il a tué, Jérôme a utilisé une arme chimique qu'il a créé de lui-même. Je n'avais pas la moindre idée du fait qu'il avait des connaissances en chimie au point de fabriquer cela.
- Bien sur que c'est ta faute !
- J'espère que tu brûleras en enfer, craché-je de dégoût.
- Je te réserve une place à mes côtés.
Son regard se veut amusant tout comme son visage mais rien ne me fait rire chez lui depuis un moment déjà. Il finit par partir et me laisser planter dans cette chambre. Je m'allonge dos à la porte sur le grand lit et ne ferme pas les yeux.
Je suis trop en colère pour dormir, trop frustrée, effrayée. J'ai envie de le tuer et en même temps non car je sais qu'il me manquerait plus que tout. Mes parents vont me tuer quand ils verront que j'ai disparu, je ne veux pas imagine leur réaction quand ils apprendront que je l'ai revu.
Quelques heures plus tard, croyant que je dors, Jérôme entre dans la chambre. Qui d'autre le ferait ? Je sais que c'est lui, il n'y a que lui pour être aussi bruyant. Je ferme les yeux, faisant semblant de dormir. Un long silence s'écoule, aucun bruit, rien. Je l'entends marcher et soudainement, je sens une couverture me recouvrir le corps.
Je ne bouge pas d'un millimètre, sentant son regard sur moi.
Au fond, il reste le même. Avec moi seulement. Il me protège. »Et il me protégera toujours, Zafrina. Parce qu'il m'aime depuis le début. Tu disais que je voyais le bien en tout le monde, je viens de te montrer qu'une part de lui est encore avec lui, ce que tout le monde refuse de voir.
Tout le monde dit qu'il veut simplement instaurer le chaos et le crime, je ne peux pas les blâmer. Peut-être que je suis aveugle, aveuglément amoureuse de lui, mais je me contrefiche de ce que tout le monde peut penser, tu sais ?
Les gens se sont ligués contre moi et m'ont laissée tomber, alors ils peuvent dire ce qu'ils veulent, je ne me préoccupe plus de rien.
Jay me protègera toujours, quoi qu'il arrive.